Les islamistes algériens n'ont pas vu leur printemps fleurir dans le sillage des révoltes populaires arabes. Et ils ne semblent pas près de sortir de l'hiver politique dans lequel ils sont plongés depuis près de deux années. De la classe politique nationale, les partis islamistes sont les moins préparés à affronter la toute prochaine échéance électorale. Ils ne parviennent toujours pas à s'y déterminer, à quelques heures de la convocation du corps électoral, attendue pour jeudi, sinon, au plus tard, pour vendredi. Ni Abdallah Djaballah, le vétéran des militants islamistes, ni Abderrazak Mokri, le nouveau guide du MSP, ne sont parvenus à se choisir une direction précise. Cette indécision a déteint sur les autres partis de la mouvance, nés de l'éclatement des deux partis pivots qu'étaient l'ex-Hamas et Ennahda version Djaballah. L'élection présidentielle d'avril prochain surprend les partis islamistes à encore se chercher. Echaudés par leurs désillusions électorales successives depuis 1999, ils suent à se trouver une formule à même de leur éviter un nouveau revers. Ils tentent alors un ménage à plusieurs. Avec plus ou moins de réussite jusque-là. Abderrazak Mokri, qui pousse à imprimer une certaine radicalité au MSP, se sent bien dans la peau d'un leader. Il fait l'effort d'animer le groupe dit le groupe des 20, avec, comme idée première, de parvenir à un consensus autour d'une candidature commune. Cependant, le temps est en train de lui apprendre que la perspective est plus facile à imaginer qu'à réaliser. D'ailleurs, à trois mois du scrutin présidentiel, le groupe des 20 est toujours à débattre de la question, sans qu'aucun profil capable de drainer le consensus n'émerge. Il faut dire que la malheureuse expérience des dernières élections législatives où trois partis islamistes ont conclu une alliance électorale, l'Alliance de l'Algérie Verte (AAV), incite à une certaine prudence. Amar Ghoul, le président du TAJ, a trahi l'engagement et a cueilli pour lui seul le fruit de ladite solidarité électorale. L'antécédent Ghoul est source de suspicions légitimes parmi le groupe des 20. C'est ce qui fait toute sa difficulté à trancher une option. Et le temps ne joue pas en sa faveur. L'apprentissage de l'opposition s'avère assez délicat pour les partis islamistes qui, depuis toujours, et à l'exception de l'ex-Fis, ont longtemps évolué à l'ombre du pouvoir. L'exercice est particulièrement ardu pour le MSP qui a fait partie des gouvernements successifs depuis la présidence de Liamine Zeroual. Son retrait du gouvernement, à la veille des législatives de 2012, s'avère une erreur stratégique, tant est que les ouailles de Mokri, qui ont pesé sur cette décision, ont pensé à tort que l'heure de gloire des islamistes algériens allait sonner par un effet d'entraînement des révoltes dans les pays arabes. Amateurisme. S. A. I. El islah Pas de décision ni d'adhésion aux initiatives politiques Pas d'adhésion aux propositions de création d'un pôle islamiste uni ni de position tranchée vis-à-vis de l'élection. El Islah temporise tout en balayant d'un revers de la main toutes les initiatives politiques proposées par les parties et lui préfère sa propre initiative : l'organisation d'une conférence nationale qui regroupera l'ensemble des sensibilités politiques. Djahid Younsi ne croit pas en le candidat providentiel capable de réunir la mouvance islamiste. Depuis plusieurs mois, son secrétaire général tente de fédérer autour de cette conférence qu'il imagine ouverte à toutes les sensibilités politiques. Un projet qui dans le climat politique actuel fait d'attentisme avait peu de chances d'aboutir en dépit des «intenses» contacts avec plusieÒ‹œurs formations politiques. C'est son Madjliss Echoura qui devait trancher la question de la participation ou pas aux élections présidentielles. Tous les scénarios sont envisagés, considère le numéro un d'El Islah pour qui l'option de la participation avec le candidat du parti est probable comme l'est celle du soutien exprimé en faveur d'un candidat issu d'une alliance mais également celle du boycott si les conditions pour un scrutin régulier ne s'avèrent pas réunies. Djahid Younsi dit ne croire en aucune garantie, encore moins celle de l'Union européenne qui, dit-il, a jusque-là toujours cautionné les scrutins en Algérie en dépit des nombreuses irrégularités enregistrées. N. I. Abdallah Djaballah Le doyen des candidats ? S'il venait à se présenter à la présidentielle d'avril prochain, il serait considéré comme le ou l'un des doyens de tous les candidats, qui disputeront la course au palais d'El Mouradia. Abder Bettache - Alger (Le Soir) Il y a quelques mois, le président du Front de la justice et du développement (FJD), Abdallah Djaballah, a laissé entendre depuis la ville de Mostaganem, qu'il n'exclut pas son éventuelle candidature à la prochaine élection présidentielle d'avril 2014. «Le Madjlis echoura a chargé le Front à encourager les consultations, aussi bien à l'intérieur du parti qu'avec les partenaires politiques, pour recueillir toutes les données qui permettront de définir la position à prendre au sujet de ce prochain scrutin. «Toutefois, la position du parti est ouverte à toutes les options», a-t-il déclaré à l'ouverture de l'université d'été de son parti. M. Djaballah a estimé nécessaire la révision du système électoral «en profondeur», avant de trancher sur la question de la participation ou non de son parti, au prochain scrutin. Abdallah Djaballah a participé à l'élection présidentielle de 2004. Pour de nombreux observateurs, une éventuelle candidature de Abdallah Djaballah à la présidentielle prochaine suppose que l'idée, tant prônée et défendue par la mouvance islamiste, serait sur le point de ne plus voir le jour. En effet, les tractations actuellement en cours au sein de la mouvance islamiste aurait comme principal objectif la présentation d'une seule candidature, de profil islamiste, à la présidentielle prochaine. Or, la dernière sortie médiatique de Djaballah semble chambouler toutes les prévisions. A ce propos, il a précisé qu'il sera candidat «si le conseil consultatif du Front le lui demande». Rappelant que c'est la base du parti de l'époque qui avait «insisté» pour qu'il se présente aux élections de 1999 et de 2004, alors qu'il ne voulait pas le faire ; il a souligné au sujet de l'élection de 2014 que, si le conseil consultatif et les militants du FJD le désignaient comme candidat, «il se présenterait» à la présidentielle. Enfin, une question se pose : Abdallah Djaballah sera-t-il le doyen des candidats d'avril prochain ? Wait and see. A. B. Ennahda toujours en attente Nouvelle composante de la direction mais pas encore de décision au sujet des élections présidentielles. L'attentisme qui caractérise la classe politique frappe également Ennahda qui a vu Mohamed Douibi succéder à Fateh Rebaï en novembre dernier. Pas de changement de cap, cependant. Le parti continue de faire de son opposition à la révision de la Constitution son cheval de bataille. Tout comme l'avait fait son prédécesseur, l'actuel secrétaire général revendique l'installation d'une commission de supervision des élections indépendante de l'exécutif et le départ de l'actuel gouvernement. Le parti est d'ailleurs partie prenante dans l'initiative lancée par l'opposition et qui continue d'exiger des garanties pour la tenue des élections. L'option du candidat unique avait été évoquée par le groupe sans que le projet aboutisse à un consensus. Vendredi dernier, Ennahda réunissait son Madjliss Echoura en session ordinaire avec comme ordre du jour l'examen de la situation politique et la question de la participation ou pas aux élections présidentielles. Les discussions intenses n'ont finalement pas permis de trancher et le Madjliss Echoura est resté en session ouverte. Ses membres ont enregistré avec dépit le refus du gouvernement d'accéder aux revendications de l'opposition et son insistance pour l'organisation d'élections à l'issue connue. A quelques jours de la convocation du corps électoral, Ennahda est toujours en stand-by, tout comme le reste des partis de la mouvance à laquelle il appartient. Son adhésion au front de l'opposition composé de plusieurs partis et de personnalités politiques lui a permis de jouer pleinement le rôle qu'il s'est toujours assigné, celui de s'opposer en attendant des signaux qui lui permettent de se positionner. N. I. MSP Les signes d'un malaise A moins de trois mois des élections présidentielles, le MSP n'a toujours pas annoncé sa couleur ou du moins affiché son «positionnement» électoral. Signe d'un malaise ? Difficile d'y répondre. Une chose est certaine : le MSP ne sait toujours pas, s'il doit entrer dans la course ou prôner le boycott. Selon des observateurs de la scène politique nationale, le MSP fait face à un véritable cafouillage. Un cafouillage prévisible, selon ses mêmes sources, notamment depuis le «semi-échec» de ce parti aux législatives de 2012. Ainsi, le MSP fait désormais face à un enjeu aussi important que celui des dernières législatives. Le parti ne veut pas revivre le même scénario. Son président veux coûte que coûte éviter les scissions qui ont conduit à la création du FC, de Menasra et TAJ d'Amar Ghoul. Passé dans l'opposition, (Alliance verte), après avoir longtemps «flirté» avec les différentes sphères dirigeantes du pouvoir, le MSP, en adoptant un nouveau discours, a du mal à s'attirer les sympathies de l'électorat, encore moins à maintenir la discipline au sein des structures du parti. Pour ces mêmes observateurs, ce parti a du mal aujourd'hui à convaincre, notamment lorsqu'il s'attaque aux politiques socio-économiques du gouvernement, qu'il avait appuyées, durant près d'une quinzaine d'années. Autre constat : le MSP ne dispose pas de suffisamment de marge de manœuvre pour afficher pleinement son opposition, à «ceux qui ont jusque-là guidé son orientation politique». En d'autres termes, il est vraiment difficile de s'opposer à un quatrième mandat, lorsque l'on a soutenu la révision de la Constitution qui avait levé les verrous de la limitation de mandats. Face à ce dilemme, le président du MSP multiplie les sorties médiatiques. Il décide de jeter la balle du «choix» final aux membres du conseil consultatif (Madjliss Echoura) pour le choix définitif. Comme son prédécesseur, Abderezak Makri abat ses cartes. Il laisse croire qu'il veut jouer en solo. Il risque de lâcher son «Alliance verte», comme l'avait fait Boughera Soltani, lorsqu'il demanda à son Madjliss Echoura d'examiner l'idée du retrait de son parti de l'alliance présidentielle. En somme, l'hésitation du MSP à participer à l'élection présidentielle, la boycotter ou aller vers une alliance avec d'autres partis s'explique, selon son président, par le «flou total» qui caractérise le paysage politique national. C'est toute la problématique, à laquelle fait face aujourd'hui celui qui incarne les idées de l'Internationale des frères musulmans en Algérie.