[email protected] Sur la terrasse d'un café huppé de la capitale, des citadins, jeunes et moins jeunes, très fashion, attablés en couples ou en groupe, sirotent leur café crème. Sihem, Sissi pour les intimes, quelques copains et amies qu'elle n'a pas vus cet été car ils ont mis le cap sur l'Espagne, où ils ont passé leurs vacances dans le nouvel appartement que leurs parents viennent d'acheter — il paraît que c'est la mode ces derniers temps—, palabrent sur les dernières nouvelles d'outre-mer. Tout le monde est content et tous sont heureux de se retrouver dans cet endroit chic qui leur rappelle les cafés parisiens. La déco très design, la vaisselle d'un style épuré, bref tous les ingrédients pour se sentir un peu «là-bas». Sihem a choisi l'endroit pour l'excellent cheese cake que la maison prépare. Lotfi qui débarque de New York découvre le lieu. Il le trouve sympa et estime que le choix de Sissi est bien à propos. Elle attend de leur faire goûter le fameux gâteau au fromage que désormais elle peut déguster dans son pays. Le garçon arrive : jeune, beau, élégant, dans un français châtié, il leur souhaite la bienvenue, et leur présente la carte. Ils la scrutent, agréablement surpris de constater que les gâteaux proposés sont ceux qu'ils avaient l'habitude de manger sous d'autres cieux. - Forêt noire ! s'exclame Imen, ils la font chez nous ? J'en ai l'eau à la bouche. - Arrête, nous ne sommes plus dans les années 1970. On fait tout maintenant, même les glaces italiennes, lui explique Sissi. Quant au prix, ce n'est guère le souci de la troupe. Même à 500 DA le petit morceau, ça vaut le coup. Et puis, quand c'est bon, on ne compte pas. Les choix sont faits, on attend plus que le garçon pour qu'il vienne prendre la commande. Il ne reviendra pas de sitôt. Bref, il faut se mettre à l'évidence, la smala ne se fait pas d'illusions non plus, elle n'oublie pas qu'elle est en Algérie. On regarde alors des photos sur les tablettes, on en prend quelques-unes, on fait un tour d'horizon sur la terrasse, on jette un dernier coup d'œil sur la carte, on déniche quelques fautes d'orthographe qui provoquent l'hilarité du groupe... Tout ce temps, mais point de maestro à l'horizon. Lotfi propose qu'on aille chercher notre homme. Mais voilà qu'il arrive, son petit carnet dans une main et le stylo dans l'autre. Il griffonne sur ses feuilles, retourne les talons et disparaît. Cette fois, il réapparaît très vite. Le visage rubicond, confus, il lâchera : «Il n'y a plus de forêt noire, ni de cheesecake». Déçu et courroucé à la fois, le groupe lui lancera presqu'en cœur : «Ditesnous alors ce qu'il vous reste à quatre heures de l'après-midi, un samedi ?» - Tartes au citron et mokas. - Vous croyez que je n'aurai pas pu les acheter dans n'importe quelle pâtisserie de la ville, lui rétorque Sissi. «Je pensais que l'ère des ‘‘makench''était révolue», pensera tout haut Lotfi.