Par Hassane Zerrouky Quand on se promène dans les rues de Tunis, on est tenté par la comparaison avec Alger. Les artères de la capitale tunisienne sont aussi bruyantes et encombrées que celles de la capitale algérienne. Mais ce qui saute aux yeux en Tunisie, c'est la présence féminine dans la rue et sur les terrasses de cafés. Les femmes occupent l'espace. Malgré la victoire d'Ennahdha aux élections, le hidjab n'a pas progressé en Tunisie, alors qu'à Alger, concorde nationale et culture de l'oubli aidant, l'islamisation de la société a énormément progressé depuis surtout l'adoption de la loi sur la concorde civile. Exemple parmi d'autres, en Tunisie, malgré Ennahdha au pouvoir, l'université tunisienne a été la première à sonner la charge contre l'islamisme. En mars dernier, pour la troisième année consécutive, l'Uget (Union générale des étudiants tunisiens) a remporté une victoire écrasante aux élections universitaires, raflant 88% des sièges, ne laissant que des miettes à leurs rivaux d'Ennahdha de l'UGTE ! Quant aux Tunisiennes, de plus en plus impliquées et nombreuses dans les manifestations pour une Tunisie démocratique et de progrès, on peut affirmer, sans se tromper outre mesure, que leur contribution est, à bien des égards, aussi décisive que celle des hommes dans le processus en cours : présentes et visibles dans tous les combats – à l'Université, en force dans le mouvement étudiant, dans le monde ouvrier et employé, elles le sont également dans le mouvement associatif et politique. Pas seulement à Tunis, mais pratiquement dans la plupart des villes du pays. Et ce qui est remarquable est qu'elles viennent de tous les milieux. Ajoutons une chose qui fait la différence avec l'Algérie : en Tunisie (comme en Egypte d'ailleurs), le clivage arabophone/francophone n'existe pas. Le seul clivage existant est celui qui oppose les partisans d'un projet de société démocratique et moderniste ouvert sur le progrès social et les partisans d'un projet de société rétrograde et réactionnaire à connotation politico-religieuse. Ce qui réduit à néant les possibilités d'instrumentalisation du fait linguistique. Plus encore, et fait peut-être unique au Maghreb et dans le monde musulman : le syndicat national des cadres religieux des mosquées tunisiennes s'est ouvertement opposé au gouvernement d'Ali Larayedh en signe de protestation contre «la wahhabisation» des mosquées tunisiennes. Et ce, sans compter tous ces penseurs (hommes et femmes) imprégnés de culture islamique – il suffit de suivre les débats sur les chaînes tunisiennes – qui montent au créneau pour croiser le fer avec des idéologues islamistes, dénonçant, arguments à l'appui, et sans prendre de gants, la nocivité de l'idéologie salafiste. Ces luttes, ces débats contradictoires, se déroulent dans un contexte d'extrême tension. Les assassinats de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi, les attaques terroristes contre les forces de sécurité et les menaces que font peser les djihadistes, inquiètent bon nombre de Tunisiens y compris dans les rangs des sympathisants d'Ennahdha. Car beaucoup redoutent un scénario à l'égyptienne. Terminons par l'Algérie, par les fracassantes déclarations du secrétaire général du FLN Amar Saïdani sur le DRS, quelques jours après avoir annoncé que le chef de l'Etat était partant pour un quatrième mandat. A en croire donc le secrétaire général du FLN, le chef de l'Etat veut «mettre fin au rôle politique des faiseurs de rois» du DRS ! Voilà qui ne va pas arranger les affaires de ceux qui réduisent la réalité politique algérienne, qui est plus complexe qu'on ne le croit, à une rivalité entre le «DRS et le pouvoir civil d'Abdelaziz Bouteflika». Si c'est bien le cas, une telle décision (mise au pas du DRS) aura au moins le mérite de clarifier le débat et forcer les «civils» détenant de fait le pouvoir à assumer publiquement leur politique au lieu de se défausser par acteurs interposés sur l'armée, comme ça été le cas jusque-là depuis 1999.