Prévu pour jeudi dernier, la chambre criminelle près la Cour suprême a reporté au 19 du mois prochain, son verdict concernant le pourvoi en cassation introduit par les différentes parties concernées par l'affaire de l'autoroute Est-Ouest. A l'origine de ce report, explique une source judiciaire, le dernier changement opéré à la tête de la Cour suprême. Abder Bettache - Alger (Le Soir) La procédure judiciaire de l'affaire du scandale de l'autoroute Est-Ouest devait connaître son épilogue jeudi dernier. Mais au grand étonnement de la défense, le président de la chambre criminelle, en charge d'examiner le dossier, a décidé de reporter au 19 décembre prochain sa décision. Selon des sources proches du dossier, ce report est justifié par le changement opéré récemment au niveau de la Cour suprême, qui a vu le remplacement de M. Kadour Berradja par Slimane Boudi à la tête de cette haute instance judiciaire. Toutefois, pour d'autres sources, il semblerait que la chambre criminelle ait voulu «disposer de suffisamment de temps» pour examiner les différents pourvois en cassation et rendre un «verdict conformément à la loi en vigueur». Un argument qui ne semble guère convaincre les avocats. La décision qui sera connue le 19 décembre prochain fixera définitivement les contours de la suite judiciaire qui sera consacrée à cette affaire. Il est à rappeler que les pourvois en cassation en question font suite au verdict de la chambre d'accusation près la cour d'Alger. Le verdict de cette dernière datant de novembre 2011 avait contraint tant la défense que l'accusation à se pourvoir devant la Cour suprême. Ainsi, outre le renvoi du dossier devant le tribunal criminel, l'instance judiciaire a signifié une fin de non-recevoir aux demandes formulées par la défense, concernant la levée du contrôle judiciaire et la liberté provisoire pour les mis en cause. La chambre d'accusation avait également inculpé cinq sociétés étrangères, dont deux suisses, une portugaise, une italienne et une canadienne, de «trafic d'influence et corruption», et les a disculpées du grief «d'association de malfaiteurs». Les mêmes chefs d'inculpation ont été retenus également à l'encontre de la société japonaise Cojaal et la société chinoise CITIC-CRCC. Selon le code de procédure pénale, les sociétés susnommées seront jugées en correctionnelle. Pour leur part, l'ex-secrétaire général du ministère des Travaux publics, Mohamed Bouchema, et l'ex-officier du DRS, le colonel Khaled, ont vu la chambre d'accusation retenir à leur encontre des chefs d'inculpation relevant de la correctionnelle mais dont le jugement est conditionné par la procédure judiciaire régissant la cour d'assises. Le juge avait criminalisé les faits retenus contre, notamment, les hommes d'affaires Mejdoub Chani et Addou Tadj, l'ancien directeur des nouveaux projets de l'Agence nationale des autoroutes, Mohamed Khelladi, et le directeur des nouveaux projets au ministère des Transports, Salim Hamdane, pour «association de malfaiteurs», «trafic d'influence», «abus d'autorité», «corruption» et «blanchiment d'argent». Cette affaire se distingue par le fait qu'elle concerne le chantier le plus cher du continent africain. Il s'agit de la réalisation de 927 km de l'autoroute Est-Ouest en 40 mois pour un coût de 11,4 milliards de dollars, qui est devenu subitement le plus grand scandale de corruption en Algérie. Au total, dix-huit personnes, dont le secrétaire général du ministère des Travaux publics, le directeur de cabinet du ministre, un colonel du DRS et plusieurs hauts fonctionnaires sont poursuivis dans cette affaire. Les révélations anonymes rapportées par la presse, dont le quotidien El Watan, ont évoqué des pots-de-vin de plusieurs centaines de milliers d'euros perçus par les prévenus après le début de l'exécution du contrat, en 2006. L'affaire, recoupée par d'autres médias, met en scène un homme d'affaires algérien, Chani Medjdoub, résidant au Luxembourg, qui a réussi à s'imposer auprès du ministère, maître d'ouvrage, comme le représentant du consortium chinois CITIC-CRCC en charge de la réalisation de deux des trois lots d'autoroute, celui du centre (169 km pour 2,6 milliards de dollars) et celui de l'ouest (359 km pour 3,6 milliards de dollars). Alertés par des services étrangers sur des flux financiers douteux, notamment sur des comptes d'Algériens ouverts en Espagne, les enquêteurs du DRS ont arrêté Chani Medjdoub, ont remonté la filière du réseau de «facilitateurs» travaillant pour aider les Chinois à tenir leurs délais, à éviter certaines contraintes coûteuses du cahier des charges et à débloquer le recouvrement de leurs créances.