Sous la pression du ministre de la Communication, Abdelkader Messahel, le rapport préliminaire portant projet de loi relatif à l'activité audiovisuelle a été falsifié, selon un membre de la commission de la culture, de la communication et du tourisme de l'Assemblée populaire nationale (APN). Lyas Hallas-Alger (Le Soir) Profitant de l'absence des membres de la commission de la culture, de la communication et du tourisme, qui ont fait le pont entre le jour du nouvel an et le week-end d'après, a révélé Ghani Boudebouz, député de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV) d'Alger, M. Messahel a supprimé les modifications sur les articles 5 et 17 du projet de loi relatif à l'activité audiovisuelle proposées par les membres de la commission dans son rapport préliminaire. Ghani Boudebouz a indiqué qu'une équipe de fonctionnaires du ministère a été dépêchée mardi 31 décembre à l'APN, pour réexaminer les amendements proposés dans le rapport voté à l'unanimité par les membres de la commission le lundi 30 décembre. Des amendements qui, a-t-il ajouté, ont contraint le ministre Messahel à se déplacer lui-même le jeudi 2 janvier pour «une réunion informelle tenue au 5e étage de l'APN avec la présidente de la commission de la culture, de la communication et du tourisme, Talha Houda, députée RND de Biskra, et le député FLN de Blida Mohamed Sidi Moussa, à l'issue de laquelle, le rapport que nous avions voté a été falsifié.». Il s'agit, explique-t-on, de la réintroduction du qualificatif «thématiques» aux services audiovisuels autorisés au titre de l'article 5, supprimé par les membres de la commission et la suppression du qualificatif «généralistes» apporté par cette même commission à la définition du service audiovisuel autorisé au titre de l'article 17. En clair, la révision des deux amendements proposés par la commission dans son rapport initial, les plus importants de tous, renvoie à la mouture présentée par le gouvernement. Une mouture qui limite l'ouverture du champ audiovisuel aux seules chaînes thématiques. Une loi rétrograde L'autre disposition du projet de loi, critiquée par les députés, a trait à la composition, de l'autorité de régulation. Un mécanisme qui ressemble, à leurs yeux, à la délocalisation de la direction de l'audiovisuel du ministère de la Communication avec un transfert des mêmes prérogatives administratives. «Lorsqu'on met en place un mécanisme pareil, c'est qu'on n'a pas de volonté politique pour libérer le champ médiatique. L'autorité de régulation de l'audiovisuel ne compte aucun élu de la corporation des journalistes. Il y a 5 membres qui sont désignés par le président de la République, 2 par le président d'APN et 2 par le président du Conseil de la nation. Cela donne une composition désignée par la majorité au pouvoir, qui ne peut être qu'au service du système politique ou pour défendre ses intérêts», a estimé Me Mustapha Bouchachi, député FFS d'Alger. Et d'ajouter : «Quand on fixe, par ailleurs, à 30 % des actions le seuil maximum qu'un investisseur privé peut avoir dans le capital d'une chaîne, cela veut dire qu'on veut ouvrir le champ uniquement aux gens qui n'ont pas de capacités financières suffisantes ou, en d'autres mots, aux gens qui sont prêts à négocier leur liberté». Même son de cloche chez Lakhdar Benkhallef, député FJD de Constantine. Ce dernier a rejoint Ghani Boudebouz de l'AAV pour dénoncer le «faux» commis par Messahel. «C'est une loi rétrograde que Messahel veut imposer par la falsification. Et si elle est votée telle qu'elle, elle donnerait au pouvoir un instrument supplémentaire de monopole. L'autorité de régulation instituée par cette loi ne compte aucun élu. Ses membres sont désignés par le président de la République et les présidents de l'APN et du Conseil de la nation parmi des non élus. De même qu'elle donne au régime le pouvoir d'autoriser et retirer l'autorisation aux chaînes privées ou geler leur diffusion, sans la possibilité de recours à la justice», a-t-il asséné.