De notre envoyé spécial à Ghardaïa, Mehdi Mehenni Mardi 28 janvier 2014. Ghardaïa, rue Talbi Ahmed. Il est 8h. Le centre-ville se réveille sous la clameur d'une cinquantaine de Mozabites, rassemblés en face du tribunal. «Anha Al Monkar», qui veut dire « cessez le mal», retentit en boucle, en guise de soutien, aux quatre jeunes Ibadites qui comparaîtront ce jour-là, devant le juge. Leurs rivaux les Chaâmbis ne tardent pas à arriver. Un dispositif policier est présent sur les lieux depuis les premières heures de la matinée. Un cordon sécuritaire qui empêche le groupe de Mozabites d'atteindre la porte du tribunal, le sépare également d'un groupe de Chaâmbis qui observe la scène de l'autre côté de la rue. La méfiance se fait largement sentir et des regards accusateurs s'échangent des deux côtés. La scène amuse visiblement quelques Chaâmbis qui, à travers des rires moqueurs, tentent de narguer les Mozabites. Mais ces derniers semblent plus préoccupés par l'attitude de la police à leur égard. «C'est injuste, pourquoi la police tient son cordon sécuritaire autour de nous et laisse les Chaâmbis libres de leurs mouvements...», lance Hadj Yahia Ahmed, militant des droits de l'Homme à Ghardaïa. Il est 9h30. C'est l'heure du passage des quatre prévenus à la barre. Les manifestants redoublent de vivacité et leurs chants appelant à «mettre fin à l'injustice» se font de plus en plus entendre. Il s'agit en effet de quatre jeunes, âgés entre 21 et 35 ans, arrêtés le 21 janvier par la police et mis immédiatement sous mandat de dépôt. Hadj Yahia Ahmed affirme que «trois d'entre eux ont été arrêtés pour avoir protégé leurs biens». Benyaâkoub Ahmed, l'oncle du quatrième prévenu, assure que «Toufik (21 ans), a été embarqué pendant qu'il transportait un blessé à l'hôpital». Il est 10h30. Soudain, quelques policiers se précipitent dans une ruelle, à l'opposé du tribunal. Un officier explique qu'il s'agit d'un petit groupe d'adolescents ibadites, qui voulaient lancer des pierres sur les manifestants mozabites en usant de tire-boulettes. La provocation n'aura finalement pas lieu. Interrogé sur le motif de l'arrestation et la présentation devant la justice de ces quatre jeunes mozabites, l'officier de police en question assure qu'«ils ont été pris en flagrant délit de possession d'armes blanches». Il fait savoir également qu'il n'y a pas, ce jour-là, que la comparution de Mozabites devant le tribunal. Une dizaine de Chaâmbis seront aussi jugés. Il est midi, l'avocate des quatre prévenus sort du tribunal et informe qu'ils ont été condamnés à deux mois de prison avec sursis. Ils seront relâchés en fin de journée. Interrogée sur le motif réel de leur condamnation, elle affirme qu'«il s'agit de rassemblement pour certains, et tentative de rassemblement pour d'autres». Sur la question du port d'armes blanches, elle précise que «ce n'était ni plus ni moins que des protège-tibias qu'utilisent de coutume les footballeurs». Vraisemblablement, la police avait abouti à la conclusion d'une intention de participation à des affrontements en arrêtant ces quatre jeunes individus en possession des dits-objets. Une demi-heure plus tard, le groupe de manifestants mozabites quittent les lieux et marchent vers le mythique vieux souk de Ghardaïa, en scandant le même slogan «Anha Al Monkar». Ils finiront par se disperser dans le calme, laissant la place du marché, de coutume vivante et grouillant de monde, presque déserte, quand bien même le collectif des commerçants mozabites a décidé de reprendre l'activité après plusieurs jours de grève, beaucoup n'ont pas ouvert leurs boutiques. Sur la grande place où de coutume, de différentes marchandises sont exposées à même le sol, uniquement des enfants qui n'ont toujours pas rejoint leurs bancs d'école, courent dans tous les sens.