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DERNIÈRE SEMAINE DE LA CAMPAGNE ELECTORALE
Virage dangereux
Publié dans Le Soir d'Algérie le 07 - 04 - 2014

Que retenir de la campagne électorale de la prochaine présidentielle qui a entamé, hier, sa troisième et dernière semaine sinon qu'elle a été singulière en tout point de vue de celles qui l'ont précédée. A telle enseigne que tout le monde : candidats, électeurs, partisans du 4e mandat, votants ou boycotteurs se disent en leur for intérieur : vivement le 17 avril.
M. Kebci - Alger (Le Soir) - Meetings tenus dans des salles à moitié vides au point où des candidats ou leurs représentants, y compris ceux du Président-candidat, ont piétiné l'éthique jusqu'à faire venir des bambins et des adolescents faire office d'auditoires, des prises de parole lapidaires ayant duré, pour certaines d'entre elles, pas plus de dix minutes, d'autres meetings, tout simplement annulés faute justement d'assistance ou empêchés par les opposants au 4e mandat pour le Président sortant ou par ceux qui récusent carrément le scrutin en lui-même et tutti quanti. Telles sont les facettes d'une campagne électorale qui a connu son apogée, son triste apogée, avant-hier à Béjaïa, avec les émeutes qui ont empêché le directeur de campagne du Président-candidat de tenir son meeting électoral.
De ce fait, la crainte et la peur que l'épisode béjaoui fasse des émules vont crescendo au sein d'une opinion publique qui souhaite que le 17 avril prochain arrive pour que cette tension terrible s'estompe. Encore que pour bien d'observateurs avertis de la scène nationale, bien de répliques ne seraient pas exclues au-delà de la prochaine présidentielle.
Avec surtout une classe politique, qu'elle soit partie prenante de ce scrutin ou qu'elle le boude, qui s'inscrit dans l'après-17 avril prochain.
D'où cette guerre de positionnement chez les uns dans la perspective de récolter le maximum de dividendes, en contrepartie d'un soutien le plus souvent zélé avec ces écarts de langage et autres boutades à l'origine de la colère citoyenne, et le souci de se doter d'un rapport de force favorable en vue de peser après, notamment pour les promoteurs, et ils sont nombreux, d'une transition démocratique à même de constituer une alternative au statu quo dans lequel le pays, selon eux, baigne. Ceci pour dire que cette dernière semaine de campagne électorale ne risque pas de manquer de piment en termes d'échanges d'«amabilités» avec ces «accusations» le moins que l'on puisse dire, gravissimes, lancés par les candidats eux-mêmes ou par l'intermédiaire de leurs représentants ou leurs relais médiatiques.
M. K.
Abdelmalek Sellal à Tizi Ouzou :
«Personne ne nous fait peur»
De notre envoyé spécial à Tizi Ouzou, Kamel Amarni
Le pouvoir était assurément confronté hier dimanche à sa plus difficile épreuve depuis des années : au lendemain de la cauchemardesque sortie de Béjaïa, samedi, où, pour la première fois dans l'histoire, le candidat du pouvoir pour la présidentielle sera contraint d'annuler son meeting, la sortie de Sellal à Tizi- Ouzou devenait, de fait, un test que devait absolument réussir le clan présidentiel, faute de quoi la campagne de Abdelaziz Bouteflika perdrait tout crédit. Or, paradoxalement, la sortie la plus redoutée aura été la plus réussie pour Sellal depuis le lancement de la campagne.
Bien sûr, le dispositif sécuritaire qui «enveloppait» la venue du directeur de campagne de Bouteflika était le plus important aussi. Mais la tension tant redoutée n'était pas au rendez-vous. Du moins, à l'arrivée de Abdelmalek Sellal à l'entrée de la ville des Genêts où il commencera sa virée par un symbolique dépôt d'une gerbe de fleurs devant la stèle imposante du regretté Matoub Lounès.
Au niveau de la Maison de la culture Mouloud Mammeri, lieu du meeting, l'organisation était, pour la première fois également depuis le début de la campagne, irréprochable. En tout cas, Sellal s'est même permis de traverser la foule, aisément.
Une fois à la tribune, il prononcera par ailleurs son plus long discours jusque-là ! Un discours où tous les symboles si chers à la région de la Kabylie seront convoqués. Les grands héros seront cités : Matoub Lounès, Fatma N'soumer, Amirouche, Abane, Krim, etc. Mais aussi la revendication de toujours, tamazight, la démocratie, les libertés, pour le combat desquels Tizi en a toujours constitué le fief. L'émigration aura eu également sa part de lion, ce dimanche, dans une région qui fournit le plus gros des populations de la communauté algérienne à l'étranger.
«Les gens de Béjaïa» seront aussi souvent cités et loués durant ce meeting. Bref, il fallait bien insister sur tout ce qui pouvait «toucher , dans une région, Tizi et Béjaïa que Bouteflika n'a jamais visitée en dehors des campagnes électorales en 15 ans de règne !
«Je me rappelle bien qu'en 2009, et j'avais les larmes aux yeux, lorsque, rappelez-vous aussi, Bouteflika était venu ici, et vous disait, ému par l'accueil, qu'aujourd'hui, je peux mourir tranquille ! Mais nous, nous lui avons demandé de vivre encore avec nous pour poursuivre son œuvre. Pour accomplir sa mission.»
Abdelmalek Sellal voulait visiblement jouer la fibre de l'émotion pour justifier le quatrième mandat. «Si vous soutenez cet homme-là, qui a une dernière mission dans sa vie, celle de hisser l'Algérie au rang d'une grande nation, nous entamerons un grand projet pour l'Algérie.» Il répétera plusieurs fois ce projet «d'une Algérie démocratique et moderne, des libertés (… )
Les chouhada et les moudjahidine en ont rêvé. Bouteflika a vécu avec eux. Il s'est sacrifié pour l'Algérie. Il a commencé à 16 ans. Cet homme-là ne mérite-t-il pas qu'on lui fasse confiance ? Moi je vous le dis : C'est le seul, le seul, le seul qui mérite toute notre confiance !» Pour frapper les esprits, Sellal ajoutera : «Que lui reste-t-il à espérer de la vie ? Sa dernière mission, il veut, avant de quitter ce monde, hisser l'Algérie parmi les grands de ce monde.»
Très soulagé à Tizi, Sellal s'est distingué cette fois par un discours particulièrement offensif. Il se lancera dans une multitude d'allusions à tous les opposants au clan présidentiel et au quatrième mandat. Tous y passent : la bête noire Ali Benflis bien sûr, les partisans du boycott, «les partisans du désespoir», les «professionnels du noircissement», «quelques diables qui pervertissent toutes nos décisions ou mesures», etc. «Sachez que personne ne nous fait peur !» Aussi, il persiste et signe : «Oui ! nous allons maintenir notre soutien pour les jeunes, avec les dispositifs de l'Ansej, l'Anem, etc. ! Oui ! nous poursuivrons notre politique sociale et tant qu'il y aura l'argent, tant qu'il y aura la rente, elle bénéficiera aux plus démunis (…) Oui ! je suis un Amazigh, un Chaoui, un Kabyle, un Targui, un homme libre et je dis ce que je veux. Celui qui n'est pas content, eh bien, tant pis pour lui ! Moi, en tout cas, même si quelqu'un m'agresse, je viendrai vers lui pour l'embrasser!»
A l'évidence, celui qui concentre sur lui le gros des tirs de tous les opposants au quatrième mandat, s'est offert, à partir de Tizi, une tribune pour se «détendre» un peu d'une énorme pression, lui qui a passé sa très longue carrière, non pas au-devant de la scène politique, mais dans la haute administration…
K. A.
Benflis réagit aux accusations du clan Bouteflika :
«Des propos irresponsables»
De nos envoyés spéciaux, Tarek Hafid et Samir Sid
Le candidat Benflis a réagi, hier matin, à partir de Batna aux accusations portées à son encontre par Abdelmalek Sellal suite aux violences qu'a connues la ville de Béjaïa. L'après-midi, à In-Salah, le candidat a annoncé un plan spécial pour sauver les régions sud du pays.
Point de presse improvisé au salon d'honneur de l'aéroport de Batna. Ali Benflis décide de réagir aux accusations proférées, la veille, par le directeur de campagne de Abdelaziz Bouteflika.
Samedi, suite à l'annulation du meeting qu'il devait animer à Béjaïa, Sellal avait déclaré que les violences avaient été provoquées par des «partisans de Benflis et des militants du FIS».
Pour le candidat indépendant, les propos de Sellal — qu'il ne nomme pas — sont des «propos irresponsables» confirmant «une fuite en avant». «Je regrette que cette campagne électorale se déroule dans un climat tendu. Je dois à la vérité de dire que rien n'a été fait jusque-là pour qu'elle se déroule dans la sérénité et l'apaisement. Il faut surtout se garder de lancer des accusations infondées et des propos irresponsables qui ne sont en fait que des fuites en avant. Je souhaite que cette fin de compétition électorale fasse prévaloir le débat d'idées, la confrontation des programmes afin que le peuple algérien puisse librement et sereinement choisir le projet qu'il juge à même de répondre à ses aspirations», a déclaré Benflis. Il a par ailleurs dénoncé les «violences subies par les représentants des médias». «Quelles que soient les considérations qui ont conduit à un tel résultat, j'appelle au respect de la liberté d'expression en toutes circonstances, cette valeur qui constitue la pierre angulaire de mon projet de renouveau national», ajoutera-t-il.
Un plan Marshall pour le Sud
Immédiatement après cette mise au point, Ali Benflis s'est envolé vers le Grand-Sud. Direction In-Salah. Face à une assistance jeune, le candidat à la présidentielle a relevé les conditions déplorables dans lesquelles vivent les citoyens de la région. «Vous n'êtes toujours pas indépendants», lancera-t-il. Il a également déploré le fait que la ville d'In-Salah approvisionne en eau potable Tamanrasset, le chef-lieu de wilaya, alors que ses habitants sont privés de cette ressource.
Pour Benflis, seule une initiative de grande envergure pourra sauver les régions du Sud. Il préconise donc le lancement «d'un plan Marshall pour le développement» qui permettra «d'éliminer les différences régionales et consacrer le droit à la citoyenneté».
Le financement de ce plan sera assuré par l'Etat à travers, notamment, le Fonds de développement du Sud. Benflis ne manquera pas de réitérer son intention de procéder à un nouveau découpage administratif. Une annonce applaudie par l'assistance, l'accession d'In-Salah au statut de wilaya étant une revendication exprimée depuis de nombreuses années par ses habitants.
Le candidat a poursuivi sa tournée marathon dans le Sud par des meetings à Tamanrasset et Djanet.
T. H.
TIZI-OUZOU
Meeting sous haute surveillance
Rien qu'à voir la frénésie, pour ne pas dire la nervosité dont faisaient preuve des policiers, il était évident que le scénario vécu 24 heures plus tôt à Béjaïa était encore frais dans les têtes. Mais en réalité, la tension à laquelle tout le monde s'attendait n'y était pas, du moins en tout début de matinée, lorsque les Tizi-Ouziens affichaient plutôt une indifférence totale chez les uns, puis de l'exaspération chez d'autres, peu enclins à accepter le dispositif monstrueux établi pour sécuriser la venue du directeur de campagne de Bouteflika.
Il était, en effet, peu évident de se mouvoir à travers la ville de Tizi-Ouzou tant tout était bouclé. Des policiers à perte de vue et, fait peu courant, des contrôles d'identité à tout-va, avec parfois un excès de zèle qu'il était difficile de comprendre. «Si c'est ainsi qu'on escompte inciter les gens à aller voter, ce n'est pas gagné !» laissera tomber un commerçant de la grand-rue, excédé au plus haut point par les effets induits par ce branle-bas de combat. Ce n'est qu'une quarantaine de minutes avant l'heure prévue du meeting (10 heures) que la tension commençait à devenir palpable, lorsque des dizaines de jeunes ayant su passer à travers les mailles du filet policier se retrouvaient à une centaine de mètres de l'entrée principale de la Maison de la culture. C'était dès lors, le début des hostilités. Dès que commençaient à fuser les habituels slogans anti-pouvoir, les policiers se sont mis à sauter au cou des jeunes téméraires, dont une quinzaine, des étudiants pour la plupart, ont été arrêtés de manière plutôt musclée et conduits manu militari au commissariat sis en face du lieu du rassemblement. Des policiers, pris de panique, s'en prenaient à tout le monde, surtout à ceux qui s'aventuraient à sortir leurs téléphones portables ou, pire, un appareil photo, devenus objets de délit. Des journalistes n'y échappèrent pas. De longues minutes durant, les nerfs étaient à fleur de peau, et ni les arrestations ni les charges des policiers n'ont eu le don de faire reculer les manifestants, qui n'ont quitté les lieux qu'une heure après la fin du meeting de Sellal.
M. Azedine
Communiqué de l'association des journalistes et correspondants de Tizi-Ouzou
Informé des actes d'intimidations commis par des policiers à l'encontre de plusieurs journalistes en plein exercice de leur fonction ce dimanche 6 avril, à l'occasion du meeting du directeur de campagne de Bouteflika, le chef de Sûreté de la wilaya de Tizi-Ouzou a tenu à rencontrer, durant cette même journée du 6 avril, les journalistes victimes, en présence des représentants de l'Association des journalistes et correspondants (AJCTO).
Lors de cette rencontre, le chef de la Sûreté de wilaya a tenu à présenter ses excuses les plus sincères à nos confrères victimes tout en s'engageant à éviter, à l'avenir, de tels dépassements à l'encontre des journalistes.
Les journalistes ont alors pris acte de la réaction positive et de l'esprit de responsabilité du premier responsable de la police à Tizi-Ouzou tout en espérant que les agissements enregistrés ce dimanche 6 avril ne se reproduiront plus à l'avenir.

Face aux tentatives de discrédit
Le front du boycott se défend
Sans surprise, les incidents qui ont émaillé la visite de Sellal à Béjaïa servent de prétexte aux donneurs de leçons en tout genre. La direction de campagne de Bouteflika a donné le ton en pointant du doigt les «groupuscules fascistes». Sellal avait lui-même affirmé que les manifestants de Béjaïa donnaient une très mauvaise image de la démocratie dans une tentative de discréditer les adeptes du boycott.
Nawal Imès - Alger (Le Soir)
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Après le directeur de campagne du Président-candidat qui depuis l'aéroport de Béjaïa prenait à témoin l'opinion publique affirmant que ce qui s'était passé à Béjaïa était l'expression d'une «certaine» démocratie, c'était au tour de la direction de campagne du Président-candidat de réagir, identifiant les manifestants comme des «groupuscules fascistes comportant parmi eux des éléments de Barakat et du Mak».
Des déclarations qui n'épargnent pas les opposants au quatrième mandat ni les adeptes du boycott qui dans la foulée risquent de subir les foudres des proches de Bouteflika. Le mouvement Barakat a dès hier réagi dans un communqiué dans lequel il dit dégager «toute responsabilité» quant aux «incidents» ayant empêché la tenue du meeting d'Abdelmalek Sellal, rappelant «son caractère résolument pacifique et démocratique». Le mouvement appelle «tous les citoyens algériens à agir pacifiquement pour le changement du système aux ordres d'une caste finissante et d'avoir de la retenue, car il s'agit de l'Algérie».
Le mouvement contre-attaque et «tient pour seul responsable le pouvoir en place et ses relais de la dégénérescence du rassemblement pacifique. Il est également à l'origine des affrontements avec la population et de la gravissime tournure des événements, car lui servant d'alibi pour endosser le pourrissement sur les dos les citoyens pacifiques». Ce mouvement n'est pas seul à se retrouver dans le box des accusés. Le front du boycott est également en ligne de mire. Ses animateurs réfutent toutes les accusations de manipulation. Djilali Soufiane, président de Jil Jadid, estime que comme de tradition, le régime cherche des coupables après avoir pointé du doigt la main de l'étranger. «Ils essayent aujourd'hui de se victimiser alors qu'ils sont les bourreaux de ce pays. Il est attendu qu'ils crient au loup alors qu'ils ont dévasté la bergerie». Pour le porte-parole du MSP, le risque de voir les proches du Président profiter de ces incidents pour montrer du doigt le front du boycott est certes grand mais rappelle Zine-Eddine Tebbal «le front utilise les moyens pacifiques et non violents mais il y a aujourd'hui tentative de discréditer les boycotteurs quand l'ex-Premier ministre prend la violence utilisée comme prétexte pour s'attaquer aux politiciens».
Pour le porte-parole du RCD, «le véritable discrédit c'est eux. Ils ont déjà essayé de manipuler l'opinion. Le véritable discrédit, c'est celui du régime qui ne respecte pas le droit du peuple et l'alternance au pouvoir et qui ne veut pas d'un processus transparent. Le véritable discrédit est jeté sur ceux qui sont partie prenante de ce processus».


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