Le rassemblement du mouvement Barakat a été violemment réprimé hier à Alger. Vite repérés, vite arrêtés, les manifestants ont été «séquestrés» dans des cages d'escalier des immeubles avoisinants, improvisées en cellules. Rym Nasri - Alger (Le Soir) Seize heures tapantes, la place Maurice-Audin (Alger) est noire de monde. C'est ici que les membres du mouvement Barakat se sont donné rendez-vous pour leur dernier sit-in, avant le scrutin de l'élection présidentielle. A peine arrivés sur les lieux que les arrestations commencent. Cette fois-ci, la police est décidée à réprimer le mouvement. Pour ce faire, un impressionnant dispositif sécuritaire a été déployé. Armés de matraques, les policiers font preuve d'une agressivité et d'une férocité inouïes. Une réelle exhibition de force. Les membres de Barakat se font repérer un par un. Cernés, bousculés, brutalisés, ils se font extirper de la foule. Beaucoup d'entre eux ont été traînés par terre par des policiers. «Non, non! Ne le traînez pas par terre», crie Azouaou, membre du mouvement Barakat et victime des évènements d'Octobre 1988, à l'encontre de trois policiers qui traînaient à même le sol un jeune manifestant. Des arrestations musclées auxquelles même les femmes n'ont pas échappé. C'est le cas de Amira Bouraoui qui a eu droit à ce genre d'humiliation. Outre les coups qui fusaient de partout, les manifestants arrêtés ont eu droit également aux insultes et blasphèmes de la part des policiers. «Mateyehliche (Ne m'insultez pas)», lance un jeune aux deux policiers qui le conduisaient loin du lieu de la manif. «Tais-toi, tais-toi ! Je suis policier», répond l'un d'entre eux, joignant à sa réplique des coups de pied aux tibias du jeune manifestant. Vite arrêtés, les membres du mouvement Barakat ont été enfermés dans les cages d'escalier des immeubles avoisinants. Porte fermée, l'immeuble du 7 Didouche Mourad était l'une des «cellules» improvisées de la police. Selon les manifestants qui ont échappé à ces arrestations, c'est ici que Amira Bouraoui est «séquestrée» avec d'autres membres du mouvement. Une heure plus tard, la porte demeure toujours close sous une haute surveillance policière. Pas moins d'une vingtaine de policiers font le guet à l'extérieur. Selon les mêmes témoins, les membres de Barakat enfermés dans ces «cellules» ont été tabassés à l'intérieur. Comme preuve : «Ceux qui ont été relâchés portent des hématomes», ont-ils ajouté. Face à une telle répression policière, les passants ne restent pas indifférents. «H'chouma (la honte) ! Où sont les hommes ? Où sont les femmes ?», tonne une quinquagénaire, tout outrée. Même les automobilistes prennent partie. «Ya lihoud ! (espèce de Juifs)», lance un chauffeur de taxi à l'encontre des policiers. Dix-sept heures passées, la place Maurice-Audin ne désemplit pas. La police poursuit vainement sa chasse à la presse présente en force sur les lieux du rassemblement ainsi qu'aux curieux.