Si de nombreux diabétiques préfèrent être des malades disciplinés et suivre à la lettre les conseils de leurs médecins qui leur demandent de ne pas jeûner, certains passent outre, et disent «pas question». Hadja Khedidja, septuagénaire, persiste dans sa décision de faire le carême malgré son état général plus ou moins altéré et son diabète. «Hors question pour moi de m'abstenir, bien que je sois actuellement sous insuline, je veux pas me sentir exclue durant ce mois sacré, j'ai pris la décision de jeûner parce qu'il ne me reste pas beaucoup à vivre, ce n'est pas cette maladie qui m'éloignera d'Allah.» cette septuagénaire s'est confiés à nous : «cela fait des années que je fais le carême, je n'ai jamais respecté les conseils de mon médecin durant ce mois sacré. Mais par contre, je suis un régime très strict, je vérifie deux fois par jour ma glycémie. Je vous jure que pour le moment, je gère bien mon diabète, même pendant le Ramadhan, sans aucun problème.» Docteur Salah C., praticien de santé publique exerçant au service des urgences de Guelma «Avec le début du mois de Ramadhan, les services des urgences et les points de consultation des différentes structures de santé de Guelma sont parfois à la limite de la saturation, encombrés surtout par des patients diabétiques dont les motifs de consultation sont étroitement liés au jeûne. Et ce sont justement ces malades qui posent problème et qui ne comprennent pas qu'ils encourent un grand risque durant ce mois sacré, et que l'on doit s'occuper d'eux tout de suite, ce qui a parfois pour effet de provoquer une certaine tension à l'accueil des urgences», explique-t-il. Ce dernier témoigne : «on prend en charge quotidiennement des complications parfois graves, liées au diabète. Les patients sont âgés entre 50 et 70 ans, plus de 70% d'entre eux sont des DNID, traités par voie orale, le reste des diabètes sont insulino-dépendants (traités à l'insuline). La majorité consultent pour des hypoglycémies, mais il y a aussi des hypo et des hypertensions, des complications oculaires et neurologiques, et on a même reçu des états d'hyperglycémie très graves qui surviennent généralement après le f ́tour. D'après l'interrogatoire, ces malades décident de jeûner malgré l'interdiction de leur médecin traitant. Ils confirment également qu'ils prenaient régulièrement leur traitement.» Mailla 47 ans, cadre dans le secteur public Je suis diabétique depuis quatorze ans, j'ai un diabète insulino-dépendant. Je faisais le carême toute jeune. Lorsque j'ai eu cette maladie, j'ai consulté un diabétologue avant de faire le jeûne. Devant mon insistance à vouloir jeûner, il m'a demandé une batterie d'examens biologiques et radiologiques. Mon diabète s'est avéré équilibré. Malgré les résultats satisfaisants, mon médecin traitant m'a demandé de tenter une journée ou deux pour voir la réaction de mon organisme. Et comme je connais très bien les signes de l'hypoglycémie, il m'a exigé de rompre le jeûne s'il y avait un malaise. Et comme je tiens beaucoup à mon Ramadhan, j'ai fait des efforts considérables pour respecter les conseils de mon médecin. Il m'a suggéré de ne pas faire des efforts physiques intenses et de boire abondamment tout au long de la soirée entre le f ́tour et le s'hor. Je suis aujourd'hui une malade très disciplinée, je fait une auto-surveillance tout au long de ce mois sacré. Je veux profiter tant que je me sens bien. En plus, je ne présente aucune complication liée à mon diabète.» Djamila, 47 ans, femme au foyer «Je suis diabétique depuis cinq ans et j'ai toujours fait le carême. Je suis convaincue que le diabète n'a jamais été un handicap, surtout si on suit le traitement et les consignes du médecin, donc cela ne m'empêche pas de pratiquer à la lettre ma religion.» Et de poursuivre : «durant le mois de Ramadhan, mon régime ne change pas, c'est le même que je fais chaque jour, le seul problème que je rencontre durant ce mois sacré c'est la soif. Donc je bois plus que je ne mange.» Ali, commerçant, diabétique depuis 19 ans «tant que je suis musulman pratiquant je dois accepter de résister et de faire face aux souffrances, donc je vois pas pourquoi ne pas jeûner. Le jour où je ne me sentirai pas bien, j'arrêterai incha Allah car Dieu lui-même nous interdit de vivre au-dessus de nos moyens. Même étant conscient des risques que j'encours en faisant le carême, je continue. Je ne vous cache pas qu'il y a des fois où je jeûne en cachette, c'est plus fort que moi.»