L'Allemagne nageait dans le bonheur lundi après une nuit de hurlements, feux d'artifice, pétards, défilés en voiture, avertisseur bloqué, qui ont salué le quatrième sacre mondial de ses footballeurs. «Champions du monde», «C'est vrai», «Vous êtes les plus grands»: la presse était euphorique, avec un enthousiasme particulier pour Mario Götze, auteur de l'unique but dans la prolongation de la finale contre l'Argentine. Le quotidien Bild, le plus lu d'Europe, osait par exemple un «Götze soit loué», en jouant sur la proximité phonique entre le nom du jeune joueur et «Gott», dieu en allemand. A Berlin, plus de 250 000 personnes, habillées aux couleurs nationales noir-rouge-or, devant la Porte de Brandebourg, au cœur de la ville, ont explosé de joie lorsque Götze a marqué. Puis sept minutes plus tard, pour célébrer la fin du match, synonyme d'un quatrième titre de champion du monde, le premier depuis la réunification à l'automne 1990. Sous les applaudissements, la sono a envoyé «We are the champions» du groupe Queen, repris en chœur par les supporters qui avaient bravé les averses et une température nocturne basse. Outre les millions de personnes qui ont suivi la rencontre devant des écrans en plein air à travers le pays, les téléspectateurs ont fait sauté un record: ils étaient 34,65 millions devant la première chaîne publique ARD, à leur domicile, soit une part de marché de 86,3%. Le précédent record n'était pas vieux: c'était pour la demi-finale Allemagne-Brésil, 32,57 millions de téléspectateurs mardi. Mardi, plus de 400 000 personnes sont attendues pour fêter leurs héros dans ce même haut lieu symbolique de l'Allemagne réunifiée. Leur Boeing spécial est attendu vers 9h locales (7H GMT) à l'aéroport berlinois de Tegel. A Buenos Aires, malgré la défaite, des dizaines de milliers de supporteurs ont célébré les vice-champions. Mais la «fête» a dégénéré lorsque des dizaines de hooligans ont commencé à jeter des pierres et d'autres objets contre les policiers antiémeutes qui ont répondu avec des balles en caoutchouc, des gaz lacrymogènes et des canons à eau. Plusieurs dizaines de hooligans se sont mis à briser des vitrines, à mettre le feu aux poubelles, et à piller. Huit policiers ont été blessés et une cinquantaine de personnes arrêtées. Götze, héros de conte de fées Toute Coupe du monde a sa belle histoire. Le héros de l'édition 2014 a donc pour nom Mario Götze. Le milieu du Bayern Munich était censé tenir un rôle de leader technique dans cette Coupe du monde au pays des Pelé, Garrincha et Ronaldo «O Fenomeno». Mais, décevant, il a perdu sa place de titulaire lors du 8e de finale. La finale a viré au conte de fées pour Götze, devenu ce que les Anglais appellent un «super-sub», un «super remplaçant». Le joueur du Bayern est entré à la 88e minute. Et pendant la prolongation, c'est lui qui a envoyé la Mannschaft au paradis, à la 113e minute — 7 minutes avant les tirs au but — dans une ville dont la baie est surmontée d'un Christ Rédempteur. Cette statue, parée aux couleurs de l'Allemagne au coup de sifflet final, n'a jamais aussi bien porté son nom que pour saluer la trajectoire de Götze au Mondial. Retour aux préoccupations sociales Privés de «leur» finale, dans «leur» Maracana, les fans brésiliens qui avaient acheté leurs places se sont vengés sur la présidente du pays Dilma Rousseff, copieusement sifflée au moment de remettre la Coupe du monde au vainqueur. A travers le pays, les fans de la Seleçao ont célébré avec des pétards et des feux d'artifice... la défaite du grand rival argentin. Mais dès ce lundi, le pays va vivre un gros coup de blues. Sur un plan sportif, beaucoup de voix se sont élevées pour exiger une remise en cause des structures du foot brésilien. Selon la presse brésilienne, le sélectionneur national Luiz Felipe Scolari a été limogé par sa fédération, après la défaite 3-0 de samedi contre les Pays-Bas pour la petite finale. La presse brésilienne avait réclamé la tête du sélectionneur après cette seconde «humiliation», quelques jours seulement après le 7-1 concédé en demi-finale contre l'Allemagne, pire défaite du Brésil de son histoire footballistique longue de plus d'un siècle. Sur le plan social, le géant sud-américain de 200 millions d'habitants va renouer avec ses préoccupations quotidiennes : croissance économique en panne, inflation dans le rouge, campagne électorale pour les élections d'octobre, transports publics et hôpitaux défaillants, corruption, insécurité, et bureaucratie endémique. La fête du «futebol» est finie. Rendez-vous dans quatre ans en Russie pour le football et dans deux ans toujours à Rio pour les jeux Olympiques.