Tout chez lui, mise et ton, est en nette rupture avec son prédécesseur au poste. Mohamed Aïssa, nommé ministre des Affaires religieuses en mai dernier, ne lésine pas, depuis sa prise de fonction, sur l'affirmation pouvant par certains aspects valoir polémique. Ainsi en est-il des questions liées à l'ouverture de synagogues ou de la dénonciation des travers que certains courants ou groupes tentent de «vendre» comme de valables rites. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) Bien évident, quel meilleur prétexte pour les salafistes et autres rigoristes de la foi musulmane que cette déclaration d'ouverture des synagogues prêtée à Mohamed Aïssa au moment où Ghaza croule sous les bombardements israéliens. Ils s'en sont saisis. Contraignant, par là, Mohamed Aïssa à s'expliquer. Dans un entretien à TSA, le ministre des Affaires religieuses recadre son propos. Il a soutenu n'avoir jamais affirmé qu'il allait rouvrir les synagogues mais que cette réouverture est permise par la loi. «J'ai dit que les lois de la République garantissaient la liberté de conscience et la pratique de cultes autres que musulman. Cependant, j'ai conditionné la réouverture de ces lieux par leur sécurisation. Et la sécurité ne peut pas exister via des cordons de police ou gendarmerie. Elle doit exister à travers l'acceptation de la société (...)», a-t-il émis comme condition à la reprise d'activité des synagogues, ajoutant qu'«en fait, j'ai même remarqué une réticence chez la communauté juive quant à la réouverture des synagogues, et cette réticence est due à la question de l'acceptation par la société algérienne au regard de la situation actuelle, avec notamment les bombardements de Ghaza». Comprendre que n'était la situation à Ghaza, il n'y aurait aucun obstacle légal à la réouverture des synagogues, fermées dans les années 1990. Le ministre des Affaires religieuses a infirmé que c'est la montée au créneau des salafistes qui lui a dicté de renoncer à leur réouverture. Mohamed Aïssa a fait part également de la problématique liée à l'ouverture des lieux de culte pour la communauté chrétienne. Si le principe y est, il n'en demeure que la réalité peut dicter quelques prudences. «Sur le principe, oui. Mais dans la pratique, je veux faire une distinction entre les différentes entités. Nous avons des églises à l'image de l'Eglise catholique qui est très engagée, très sérieuse et qui a assez de lieux de culte pour pratiquer sa religion. Ce n'est pas le cas d'une nouvelle entité de chrétiens venus en Algérie. Je citerai le cas des coptes et des anglicans venus pour travailler dans le pays dans le cadre de contrats avec des sociétés étrangères. Ces deux catégories ont bénéficié de la coopération de l'Eglise catholique qui leur a cédé certains lieux de culte. Le problème se pose au niveau des églises protestantes parce qu'elles sont diverses. L'Eglise protestante est disloquée actuellement. Il y a eu des problèmes internes qui ne concernent pas notre ministère. Donc, certaines communautés protestantes n'ont pas d'églises. Elles ont recours à la location de villas et de locaux à usage commercial pour exercer leur culte. Ce qui n'est pas compatible avec les lois de la République. Celles-ci exigent que l'église ait l'apparence d'un lieu de culte, soit sécurisée et soumise à une autorisation préalable», a précisé le ministre qui déplore que la loi sur les associations à caractère religieux tarde à être promulguée. «Chose qui fait que ni les mosquées, ni les écoles coraniques, ni les zaouïas, ni les églises, ni les synagogues ou autre association à caractère religieux ne sont conformes à la loi. Nous avons soumis le texte et nous attendons depuis 2013.» Le ministre des Affaires religieuses a considéré par ailleurs que les mouvements chiites et les évangélistes sont un danger. Il a préconisé un amendement de la loi pour contrecarrer le prosélytisme. «Je crois que l'Algérie a besoin d'une autre loi complémentaire, sinon d'un amendement, pour que la loi contre le prosélytisme (non musulman) prenne en charge aussi le prosélytisme sectaire tel que le chiisme, le bahaïsme, ainsi que le takfirisme. Ces sectes activent en Algérie. Elles exploitent les besoins des classes les plus sensibles et les plus nécessiteuses pour les amener à changer leur religion ou leur rite. Et cela est dangereux.» Sur un autre chapitre, Mohamed Aïssa reconnaît que des dizaines d'Algériens ont intégré des mouvements sectaires à l'étranger. «Nous avons même leurs noms. Ils sont des dizaines. Nous avons 40 à 50 Algériens qui sont à Qom en Iran pour étudier le chiisme. Une trentaine d'Algériens se sont déplacés au Yémen où une branche radicale du salafisme qui tend vers le takfirisme existe. Les autres sont éparpillés dans le monde musulman.» Le ministre des Affaires religieuses a affirmé que les activités de ces mouvements sont étroitement surveillées. Mohamed Aïssa a rejeté la demande mozabite de reconnaître officiellement le rite ibadite. Pour la simple raison que le rite malékite, prédominant, n'est pas inscrit dans les textes de la République. Le ministre a reconnu néanmoins que les livres scolaires édités dans les années 1990 ont aidé à diaboliser le rite ibadite en le présentant comme kharidjite. Le ministre a soutenu enfin que l'observation comme la non-observation du jeûne est une question privée.