C'est le dernier week-end du mois sacré de Ramadhan. Une journée ou deux seulement nous séparent de l'Aïd El Fitr. Comment les Algériens s'y préparent pour être à la hauteur de cet évènement important ? Meriem, trois enfants, cadre dans une entreprise publique : «Les achats avant l'heure» «Pour moi, le souci majeur pour Aïd El- Seghir, ce sont les achats de vêtements pour les enfants. Je me rappelle encore l'année dernière, en pleine canicule, je devais acheter toutes les tenues avec mes trois filles tout en déambulant avec une poussette, tentant de me faufiler entre les rayons. Cette année, j'ai dit non. Je me suis organisée pour ne pas tomber dans le même piège. J'ai acheté les tenues deux mois à l'avance. Dès que les vêtements d'été ont fait leur apparition dans les magasins, je me suis précipitée pour en acquérir. Pour le reste, en somme sous-vêtements et chaussures, je les ai achetés au fur et à mesure, sans me stresser. Je pense que c'est la meilleure solution et le meilleur moyen pour faire des économies d'énergie et d'argent. Pour les gâteaux, c'est une autre paire de manches. Je m'organise pour en faire trois ou quatre sortes. Il s'agit de pratiquement la même chose à chaque Aïd, je ne change pas. De ce fait, je ne suis pas sur les nerfs. Les achats des intrants (farine et autres), c'est mon mari qui les prend en charge. Pour passer un bon Aïd, le secret est dans l'organisation et la patience. La veille, je fais prendre un bain à mes enfants. Le lendemain, je me réveille très tôt pour mettre la table du petit-déjeuner. Je commence à habiller mes filles et à me faire belle. Après le retour de mon mari de salat El Aïd, nous partons chez mes beaux-parents pour entamer la visite de la famille. Mes parents quant à eux, avant de partir accomplir salat El Aïd, se rendent au cimetière pour se recueillir sur la tombe de leurs proches. Pour ma part, je préfère m'y rendre le deuxième jour.» Nesrine, célibataire, employé : «l'Aïd et la panique» «A chaque Aïd, c'est la même chose chez nous. Il y a toujours ma maman qui panique et qui lance toujours les mêmes phrases : ‘‘Cheft, chefti el makrout majanich mlih ; chefti charek majach kima habittou'' (vous avez vu, le makrout n'est pas comme je le veux, vous avez vu le charek n'est pas bon, ndlr). Alors que comme d'habitude, ces gâteaux sont bons et beaux. Je pense que ce genre de scènes et de phrases font partie du rituel de la préparation de la fête. En plus, nous avons une autre tradition chez nous. Avant l'arrivée du mois de Ramadhan, on fait un grand nettoyage, comme tous les Algériens. Sauf que maman nous impose quelques jours avant l'Aïd, de faire un autre grand nettoyage plus difficile, et là il faut être patient ! Il s'agit du nettoyage du nehas (cuivre). Sni, soukria, mrach (plateau, sucrière,lave-main)... tout y passe. Donc, on passe les deux ou trois jours avant l'Aïd à récurer et à faire briller les ustensiles en cuivre. Et ce nest guère une partie de plaisir. Pour moi, à l'approche de l'Aïd, je sais que je vais muscler mes biceps, triceps, mollets, bras... Mais à la fin, je suis satisfaite. En plus d'avoir raffermi mes muscles, maigrie par le jeûne, le jour J je sers le café et les gâteaux dans une belle sniwa qui brille de mille feux. Le jour de l'Aïd, ma grand-mère et ma mère disent que ce n'est pas bien de faire le ménage, même pas un coup de balai. Elles disent que cela chasse les anges.» Lyna, 31 ans, maman d'un enfant, cadre dans une entreprise : «Date limite : la Nuit du doute» «J'ai gardé beaucoup de traditions de ma mère. Je veux dire par-là que je m'impose le même rythme de préparation de cette fête même si je travaille. Ainsi, je m'organise en conséquence. Les gâteaux, je les prépare la nuit à partir de 22h. Les achats des vêtements, je les fais les premiers jours de Ramadhan. C'est simple, j'ai une seule règle : chez nous tout doit être prêt à temps, c'est-à-dire dire la Nuit du doute. Le ménage, c'est pareil, il faut que cela brille. On sort la belle literie, le beau service à café, les belles nappes. Et bien sûr, on fait en sorte que tout le monde soit beau : nouvel habit, la coiffeuse, les belles chaussures et le beau maquillage. Et surtout ne pas oublier le henné, que je considère comme sacré. Je procède de la même façon que ma mère. Lorsque ma fille est bien endormie, je lui prends la main et je lui mets le henné avant de bien le serrer dans de vieux chiffons propres. De cette façon, le matin lorsqu'elle se réveille, elle est tout étonnée. J'adore la voir courir au lavabo pour se laver les mains pour apprécier l'effet du henné. Pour moi, il s'agit du départ de la fête de l'Aïd avec ses charmes.» Nouhad, 17 ans, célibataire : «Panique à la maison» C'est en riant que Nouhad raconte le déroulement de la fête de l'Aïd Seghir chez eux. «Chez nous, la matinée, il faut gérer la panique de ma mère. Elle sait que mon père n'aime pas qu'il nous trouve endormis après son retour de salat El Aïd. Alors, elle commence à nous réveiller dès 7h30. Du coup, je me retrouve toujours fatiguée. Dès que je prends mon café, c'est la course contre la montre entre mettre les gâteaux dans les assiettes, le ménage et la douche. Généralement, je me rends chez la coiffeuse la veille, où il y a toujours un monde fou. Dès que mon père arrive, nous entamons la visite des proches. Je profite de l'occasion pour souhaiter à tous les musulmans une bonne fête de l'Aïd El- Fitr».