Un partenariat stratégique algéro-français, maintes fois évoqué par les deux parties, sera-t-il enfin concrétisé ? L'engagement d'un «dialogue stratégique», évoqué par le ministre français des Affaires étrangères, en constituerait certes un signe mais est-ce suffisant ? Chérif Bennaceur - Alger (Le Soir) Un «dialogue stratégique» algéro-français est prévu cet automne, annonçait mercredi dernier le ministre français des Affaires étrangères et du Développement international. Dans une réponse écrite à l'Assemblée nationale française et publiée mardi dernier dans le Journal officiel français, Laurent Fabius a indiqué que les deux pays ont établi un calendrier riche en échéances bilatérales. Ce qui comprend un «dialogue stratégique» qui sera lancé en automne ainsi que la seconde session du comité mixte économique algéro-français, prévue en novembre prochain sous la co-présidence des ministres algérien et français des Affaires étrangères, indique le ministre. En outre, Laurent Fabius indique que le comité intergouvernemental de haut niveau se tiendra à la fin de l'année en France sous la présidence des chefs de gouvernement des deux pays. Des rendez-vous qui, assure le ministre français du Développement international, «constitueront autant d'étapes mobilisatrices pour l'approfondissement de la relation que les deux parties appellent de leurs vœux». Laurent Fabius répondait ainsi à une question relative au bilan de sa visite en Algérie les 8 et 9 juin derniers. Ue visite qui «s'est déroulée dans un excellent climat bilatéral et a permis de confirmer la qualité de larelation franco-algérienne et le cap qui a été franchi depuis la visite d'Etat de décembre 2012», souligne-t-il. Le responsable de la diplomatie française indique, ce faisant, que la relation bilatérale est appelée à évoluer, à muer en partenariat stratégique. «Les deux pays ont le désir de bâtir un partenariat stratégique d'égal à égal, dans une perspective de long terme», écrit-il en effet. En d'autres termes, la concrétisation d'un partenariat de ce type relève du possible, laisse entendre Laurent Fabius, misant sur une approche pragmatique. Evoquée voilà plus d'une décade, notamment sous le premier magistère de Jacques Chirac, l'impulsion d'un tel partenariat n'a pu se concrétiser effectivement en raison de considérants multiples dont l'adoption en février 2005 d'une loi glorifiant l'apport civilisationnel du colonialisme. Outre le fait que les velléités exprimées ici et là par Nicolas Sarkozy qui a succédé à Jacques Chirac n'ont pu booster une telle perspective, car non traduites en termes concrets. Et ce même si des discussions ont été engagées sur le plan économique en vue de faire aboutir divers projets de partenariat, notamment dans le domaine énergétique, pharmaceutique et industriel. Certes, une telle dynamique a été quelque peu contrariée par l'obligation pour les investisseurs français de se conformer à la règle du 49/51, imposée depuis la mi-2009, au-delà de l'échec de certains projets, notamment dans le domaine pétrochimique. Cette perspective a été néanmoins relancée de manière volontariste, assez pragmatique, les deux parties mettant en place des points focaux pour faire avancer les projets. Parmi ces projets, notons que certains sont déjà concrétisés (sortie de la première voiture de l'usine Renault à Oued Tlelat-Oran, obtention par des sociétés de l'Hexagone de contrats divers dans le domaine industriel, des services et de la sous-traitance, consolidation de la coopération dans le domaine de la pharmaceutique et de l'agroalimentaire....). Un pragmatisme que les deux parties adoptent davantage dans la mesure où la France, en perte de vitesse sur le plan commercial par rapport à la Chine, ce que Laurent Fabius reconnaissait déjà en juin dernier mais également dans cette lettre, entend toutefois maintenir son positionnement de leader sur le marché algérien. Ainsi, le cap vers le développement de l'investissement productif, une relance équilibrée des échanges et une diversification des engagements entre les deux pays est envisagée, au moins dans le discours. Mais aussi dans la mesure où une certaine convergence, une atténuation des crispations et une quête d'«exception» pour reprendre la déclaration du président de la République, Abdelaziz Bouteflika adressée le 14 juillet dernier à son homologue français, marquent sensiblement le cours des relations bilatérales depuis l'arrivée à l'Elysée de Français Hollande et la signature, en décembre 2012, de la Déclaration sur l'amitié et la coopération entre la France et l'Algérie. Des relations que Laurent Fabius assurait «dégagées, sans nuage», nonobstant certaines frictions passagères mais loin cependant d'égaler celles qui ont marqué les rapports bilatéraux à la fin de la présidence Chirac et durant le mandat de Nicolas Sarkozy. Soit un réchauffement au plan politique mais aussi diplomatique, notamment dans le contexte de la crise au Sahel, la lutte contre le terrorisme et des autres tensions géopolitiques, que l'on entend conforter, stimuler par l'intensification de visites officielles, par un dialogue voulu stratégique. Mais est-ce suffisant ? La question reste posée, dans la mesure où ni le pragmatisme, ni le volontarisme ni le fait de se prévaloir de l'obtention de contrats ne suffisent à eux seuls, mais doivent cependant être traduits en actes concrets. Evoquer un dialogue, voire un partenariat stratégique implique fondamentalement la formulation de visions propres mais aussi celles d'actions concrètes, la fixation d'objectifs précis et d'un cadre d'exécution et de suivi opérationnels et efficients. Ce qui récuse toute propension velléitaire, toute considération d'ordre politique et/ou subjectiviste, outre qu'il implique la nécessité pour les investisseurs des deux pays d'être davantage proactifs, offensifs, de transcender réellement la contingence commerciale mais aussi que le climat d'affaires soit effectivement propice, essentiellement en Algérie....