Edifice emblématique de la cité, surplombant le ravin du Rhumel, la Medersa de Constantine, une magnifique bâtisse de style néo-mauresque, longtemps sous-exploitée, sera ressuscitée à la faveur de l'opération en cours de réhabilitation et d'équipement qui en fera un centre dédié aux figures historiques et culturelles de l'antique Cirta, en prévision de la manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe 2015». Implantée en haut d'une impressionnante falaise, tout à côté de la passerelle Mellah-Slimane (ex-Perrégaux), à proximité de Chatt, l'artère principale de la vieille ville et du mythique café Nedjma, la Medersa, une construction coloniale datant du début du XXe siècle, est, de l'avis de nombreux architectes urbanistes «un joyau architectural unique, emblème de l'architecture néo-mauresque». Immortalisant le métissage de deux cultures et de deux architectures antagonistes, orientale et occidentale, la Medersa est un établissement d'enseignement supérieur construit, entre 1906 et 1909 pour former les cadres de la justice et du culte musulman. L'œuvre est de l'architecte Pierre- Louis Bonnel, sur des dessins d'Albert Ballu, inspecteur général, à l'époque, du service d'architecture de l'Algérie. Elle regorge de valeurs architecturales intrinsèques et extrinsèques plurielles. Une façade captivante avec quatre coupoles vertes et un dôme central, assorties à un vestibule avec un porche imposant s'ouvrant sur une belle cour dallée de marbre et une fontaine stylisée qui rappelle la délicatesse de l'architecture arabo-musulmane. A l'intérieur, une floraison esthétique alliant grâce, finesse et beauté est visible sur les sculptures et les colonnades. L'ensemble des murs est tapissé, à mihauteur, de carreaux de faïence lambrissée. Sur le chantier de réhabilitation de l'édifice, entamée il y a quelques mois, la phase de réparation des infiltrations d'eaux et du confortement de plusieurs endroits de la bâtisse est «bien avancée», affirme Mohamed Zaâf, architecte et chef de projet. Suivront ensuite des travaux d'étanchéité devant consolider les différentes structures du monument. Une équipe pluridisciplinaire composée d'Algériens et d'Européens, spécialisés dans la restauration, a été sollicitée pour la deuxième phase de la réhabilitation de la Medersa, selon M. Zaâf qui précise que le respect du style architectural de la bâtisse et la reprise à l'identique de ses éléments ornementaux seront «le fil conducteur» de l'étape de mise en valeur de l'édifice. L'espace élevé au rang de «Centre des figures historiques et culturelles de la ville de Constantine» sera équipé d'un éclairage muséographique et doté d'ascenseurs et d'accès pour personnes à mobilité réduite. Inaugurée en avril 1909 pour former des auxiliaires musulmans de la justice et renforcer, par ricochet, la domination coloniale, la Medersa de Constantine, véritable temple du savoir, à l'instar de celles d'Alger et de Tlemcen a formé des générations de lettrés bilingues. Forts de leur double culture, les médersiens manifestèrent une résistance identitaire, intellectuelle, linguistique, religieuse et culturelle et constituèrent une cuvée de cadres de la nation. Le penseur Malek Bennabi (1905-1973) qui s'est penché sur les problèmes de civilisation en général et ceux du monde musulman en particulier, à qui on doit le concept de «colonisabilité» était l'un des médersiens les plus illustres de Constantine. M'hamed Benguettaf (1939- 2014), dramaturge, homme de théâtre et comédien fut également un élève de la Medersa de Constantine. Ce lieu du savoir dispensait des cours de grammaire et de littérature arabes, de droit, de jurisprudence, de théologie, de langue française, d'arithmétique et de géométrie. Au terme de trois années d'étude, les candidats admis aux examens recevaient le «brevet d'études musulmanes». En 1951, la medersa fut érigée en lycée d'enseignement franco-musulman, avant de devenir un lycée national. En 1966, l'édifice fut attribué au secteur de l'enseignement supérieur pour y loger une annexe de l'université d'Alger qui constitua le premier noyau de l'université de Constantine. Après 1971, date de la réception de l'université de Constantine, la medersa fut transformée en bibliothèque universitaire, avant de devenir le Curer (Centre universitaire de recherche et de réalisation). Dans les années 1990, la structure sera transformée en centre de documentation spécialisé dans les mémoires de fin de cursus de graduation et de post-graduation, avant de devenir le siège de l'ex-académie universitaire, pour abriter ensuite, dans les années 2000, le siège de la fondation Ben Badis et la cellule de réhabilitation et de sauvegarde de la vieille-ville. L'émergence de la medersa en centre dédié aux figures historiques et culturelles de la ville est «une seconde vie» pour cet édifice à travers lequel la cité remontera le temps, transcendera le passé et mettra à l'honneur les femmes et les hommes qui ont marqué l'histoire du Constantinois.