Par Kader Bakou Ils se sont rencontrés quelque part hors du temps et de l'espace. Ils parlent de démocratie. «La démocratie, c'est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple», explique Abraham Lincoln qui ne savait pas que son slogan allait être adopté et adapté un siècle plus tard dans un pays d'Afrique qui avait remplacé «la démocratie» par «la révolution». Le 16e président des Etats-Unis d'Amérique ne sait pas aussi que «La révolution par le peuple et pour le peuple» est jusqu'à aujourd'hui, en l'an 2014, la devise d'un journal de ce pays d'Afrique du Nord. La «Démocratie : l'oppression du peuple, par le peuple, pour le peuple», lui répond tout de go l'écrivain britannique Oscar Wilde. «De même que je refuse d'être un esclave, je refuse d'être un maître. Telle est mon idée de la démocratie », continue calmement Lincoln. Noam Chomsky intervient : «La propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures.» L‘écrivain français Gustave Flaubert estime, de son côté, que « tout le rêve de la démocratie est d'élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois. Le rêve est en partie accompli». La remarque de l'écrivain et diplomate français Jacques de Bourbon- Busset est un peu plus diplomatique : «Le moins mauvais système politique est celui qui permet aux citoyens de choisir l'oligarchie qui les gouvernera. On l'appelle généralement la démocratie». Winston Churchill est lui aussi sceptique : «Le meilleur argument contre la démocratie est une conversation de cinq minutes avec l'électeur moyen». Mais cela n'empêche pas l'homme d'Etat britannique de reconnaître : «La démocratie est un très mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes.» Le sociologue français Gustave Le Bon donne son avis : «Le véritable progrès démocratique n'est pas d'abaisser l'élite au niveau de la foule, mais d'élever la foule vers l'élite.» Sceptique et dans un contexte bien particulier, Albert Camus, prévient : «Quand nous serons tous coupables, ce sera la démocratie.» L'écrivain, poursuit : «Que préfères-tu, celui qui veut te priver de pain au nom de la liberté ou celui qui veut t'enlever ta liberté pour assurer ton pain ?» L'écrivain et ancien ministre français Luc Ferry soulève ce dilemme : «Comment gouverner les démocraties s'il faut être populaire pour être élu et impopulaire pour réformer ?» Finalement, c'est plutôt une question de morale et de conscience : «C'est la beauté de la démocratie de faire que le pouvoir tienne compte de l'opinion, mais c'est la misère de la démocratie d'être soumise au nombre, la moitié plus un. Or la majorité des gens ne se soucie pas du sort des autres», déplore l'Abbé Pierre.