Les habitants de la commune d'Afir, dans l'Est de la wilaya de Boumerdès, constatent amèrement que les gros investissements de l'Etat dans le domaine de l'hydraulique ne sont pas synonymes de garantie d'une alimentation régulière de leurs habitations en eau potable.Surtout quand les infrastructures hydrauliques, les conduites notamment, ne sont pas réalisées selon les normes et que, par ailleurs, ces mêmes infrastructures ainsi que la ressource mobilisée sont laissées à la merci de certains Algériens qui piétinent la loi et les droits de leurs concitoyens. Depuis 2000, il ne se passe, en effet, pas un mois sans que la population de la localité en question ne manifeste publiquement contre le manque d'eau dans ses robinets. La dernière manifestation citoyenne – fermeture du siège communal par les villageois de Zaouia – date de la fin août. Peu après, c'était au tour des 5 élus du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) au sein de l'Assemblée de cette commune de rendre public un communiqué de protestation et de solidarité avec leurs concitoyens de la municipalité. Ces élus mettent la pénurie d'eau sur le dos de «la mauvaise gestion de ce problème par toutes les autorités concernées à savoir l'APC, la daïra, les services de l'hydraulique et l'Algérienne des eaux». L'élu du RCD, Ahmed Belkacemi (opposition) qui nous a remis la copie, précise en outre que «depuis 2002, l'Etat a investi plus de 20 milliards de centimes dans divers programmes, mais nos concitoyens subissent toujours les affres du manque d'eau». Nous nous sommes rapprochés de la Direction des ressources en eau (Dre ex-Dhw) de la wilaya de Boumerdès pour en savoir plus. Nous avons entendu d'étonnants chiffres. A notre première question Belkacem Zoghdani, installé depuis seulement le 28 juin 2014 à la tête de la Dre, sort le PV élaboré à la suite de ses deux sorties sur le terrain (10 et 11 août) en compagnie des responsables de la daïra de Dellys, de l'APC, de l'ADE et des comités de village d'Afir. Le nouveau directeur lance les chiffres. «La commune d'Afir enregistre une production journalière, provenant de 3 forages, de 6 300 m3 pour une population estimée à 15 100 âmes. Ce qui donne une moyenne de 417 litres d'eau par jour et par personne. Or, nous avons malheureusement constaté que seuls 35% de cette production arrivent jusqu'aux réservoirs principaux de la localité. Au retour, 15% de ces 35% s'en vont dans la nature. Au final, seuls quelques villages situés à proximité des réservoirs reçoivent l'eau.» Pour rappel, la dotation par habitant de la wilaya de Boumerdès tourne autour de 155 litres/jour par personne et celle du pays entre 150/160 litres/jour. Cette déperdition de la ressource, Zoghdani l'impute principalement aux piquages illégaux. «Nous avons remarqué que des champs entiers sont irrigués par aspersion dont l'eau provient de piquage. Ce constat a été fait en présence d'élus communaux et des représentants de l'Algérienne des eaux» A défaut de parler au maire que nous avons, en vain, sollicité par le biais de son secrétariat, nous avons contacté Omar Berrad, coordinateur du comité citoyen chargé du suivi de ce problème d'eau. Notre interlocuteur ne nie pas le phénomène du piquage mais estime que le plus grand problème de distribution d'eau dans sa commune réside dans la vétusté des équipements : «Il y a des réservoirs sans flotteurs. Lorsqu'ils sont remplis, le pompage ne s'arrête plus et l'eau se déverse dans la nature.» Revenant sur le piquage, il affirme que certains (piquages) datent de plusieurs années et sont visibles. «C'est à l'Etat d'appliquer la loi», dira-t-il. C'est sûr que c'est à l'Etat de veiller au respect des règles de la vie collective puisqu'il détient tous les moyens. Mais l'Etat, institution immuable et sans couleur politique, est également en droit d'attendre l'aide de la société civile, surtout des élus locaux, expressément ceux ayant la charge de la gestion de la collectivité. Sinon, que reste-t-il de la vocation d'un comité de village ou de la représentativité d'un élu du peuple, si la loi est violée de manière ostentatoire dans la localité et conséquence de ces dépassements, des citoyens sont privés de leur droit d'avoir de l'eau dans leurs robinets ? Dans toutes les démocraties du monde, c'est comme cela que ça fonctionne. Pas autrement. Concernant justement ces prélèvements illégaux, on croit savoir que la wilaya va intervenir fermement pour, au minimum, atténuer ce gaspillage. L'Etat de son côté reviendra pour réaliser une autre programme au bénéfice d'Afir. En effet, Zoghdani nous a affirmé que 1 340 mètres de conduites (marchés attribués) de divers diamètres seront réhabilités. Il est en outre question de la construction de 9 réservoirs. De plus, l'alimentation de la commune sera renforcée par deux apports à partir de la conduite venant de Taksebt dans la wilaya de Tizi-Ouzou et de la station de dessalement de Cap-Djinet (Boumerdès) si pour cette dernière opération l'opposition d'un citoyen qui exige, après coup, la revalorisation de son indemnisation est levée.