[email protected] Assis sur un petit rocher au pied des majestueuses montagnes, Aïssa joue paisiblement avec ses cailloux. La petite Maria qui montait, son sac accroché à son dos l'aperçoit. Elle presse le pas pour le rejoindre. Il la voit de loin et a vite flairé la citadine qu'elle est. «Trop bien habillée pour une montagnarde», se dit-il. Du haut de ses dix ans il la regarde, lui sourit ; elle, essoufflée se débarrasse de son bagage, hume l'air frais des monts et, excitée par cette immensité, dit à son père : - Papa s'il te plaît, laisse-moi avec lui, je te rejoins tout à l'heure, je te promets que je ne ferai aucune bêtise. Tu n'as pas à t'inquiéter, la maison est à quelques mètres. - D'accord, mais ne tarde pas trop. Tu dois te reposer d'abord. Tu es fatiguée. La montée a été un peu dure pour toi. - Non papa, je me sens bien. Je suis contente de retrouver cette immensité. Et puis ici, je me sens libre comme le vent. Elle s'assoit à côté du petit garçon et tout de go, s'adresse à lui. - Moi, c'est Maria, et toi c'est quoi ton nom, tu habites quelle maison ? - Je m'appelle Aïssa, j'habite celle-là, qui est construite tout en pierre, lui répond-il timidement. - Moi, j'habite la ville. Je n'aime pas trop. Il y a du bruit. Beaucoup de voitures, j'ai huit ans, et je n'ai pas le droit de sortir seule. C'est dans une cité où il y a de grands bâtiments. Tu as de la chance toi d'être dehors, entouré de maisons. - Ici, ce n'est pas la même chose, on est dans un petit village, on se connaît tous, nous formons une même famille. Les enfants sont en sécurité. Ils peuvent jouer, courir, se promener sans que leurs parents s'inquiètent. - Moi ma mère est très anxieuse. Même ici, en pleine nature, elle a peur. Avant de venir elle n'a cessé de répéter à mon père de faire attention, de ne pas me laisser seule. Heureusement, papa connaît bien la montagne, il sait que je ne crains rien ici. Il me fait confiance. Moi j'aime le grand air, surtout l'odeur du bois brûlé, les grands espaces. Et toi, la vie ici te plaît ? - Il faut dire que je n'ai pas le choix. Mes grands-parents, arrière-grandsparents, mes parents, moi et mes sept frères et sœurs sommes nés ici. Moi j'aimerais bien voir la ville. Je n'y ai jamais mis les pieds. - C'est vrai qu'il y a de belles choses à voir. Moi, j'aime les grands magasins parce qu'on y vend de très belles poupées. Et puis il y a les restaurants. Mais il n'y a pas toutes ces montagnes, où l'on peut gambader, escalader, suivre les moutons, les chèvres. Papa un jour m'a laissé traire une chèvre, j'ai bu son lait. C'est un délice. Tu n'aimerais pas qu'on change de vie. Toi tu viens en ville et moi je reste à la montagne. - Tu es vraiment spéciale toi. Laisser Alger, ses lumières, ses routes, ses grands immeubles, ses cafés, ses restaurants pour venir te terrer ici. - Mais là-bas, je ne sens pas que je suis libre. Ici je peux crier comme je veux, imiter le son de n'importe quel animal, marcher avec les chiens sans avoir peur de me faire mordre. Et puis boire de l'eau de source, regarder ces milliers d'étoiles qui brillent dans le ciel... La seule chose qui me manquerait en ville c'est mon école, et mes camarades que j'ai d'ailleurs hâte de retrouver. Allez, viens, on va faire une promenade, je veux profiter avant de retourner chez moi. Attends, je vais juste demander la permission à mon père.