La Cinémathèque d'Alger accueille jusqu'au 14 octobre des projections quotidiennes du long métrage L'héroïne de Cherif Aggoune. Le film coproduit par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel et la société Cilia Films, et scénarisé d'après une nouvelle de Abdallah Aggoune, met en vedette la comédienne Samia Meziane. Projeté en avant-première en mai 2013, L'héroïne est le premier long métrage de fiction du réalisateur Cherif Aggoune. Sa sortie nationale prévoit un cycle de projections à Alger jusqu'au 14 octobre, suivi d'une tournée à travers le réseau des cinémathèques algériennes. Ce drame qui revient sur la décennie noire est l'une des rares productions étatiques actuelles qui aborde cette période, devenue tacitement taboue dans le cinéma, depuis l'orchestration de l'amnésie par les lois amnistiantes consécutives. Achour (Khaled Benaïssa) et Houria (Samia Meziane) forment un couple heureux qui vit dans un village pas loin d'Alger où le mari exploite une petite ferme. Houria, elle, est une femme au foyer dévouée à ses deux enfants, mais elle fut athlète dans sa jeunesse et fit un stage en photographie. Lorsque son époux est assassiné par les terroristes, elle décide de prendre sa vie en main, concrétiser sa passion pour la photo et agir en femme indépendante. Le personnage, sobrement habité par Samia Meziane, est sans doute le meilleur atout du film. Son épaisseur psychologique, l'éloquence de ses expressions et sa manière toute nuancée de se dévoiler peu à peu au spectateur sans grands bavardages rendent le rôle convaincant, efficace. A travers l'histoire de Houria, Cherif Aggoune véhicule un double discours politique imprégné d'un ton critique en demi-teinte : il s'agit à la fois de représenter un pan de la souffrance impardonnable subie par les Algériens durant les dix années de la terreur intégriste, et de rendre hommage à des millions de femmes anonymes qui ont dû affronter non seulement la violence sanguinaire mais aussi leur propre condition de femme dans une société traditionaliste. Le courage avec lequel Houria va tuer ce terroriste pour protéger ses enfants va d'abord l'installer dans un statut d'héroïne comme il en a existé aux quatre coins du pays durant ces années. La canonisant ainsi, Cherif Aggoune va lui faire endosser une certaine idée de la liberté de la femme qui devrait être à la fois un droit naturel et indiscutable et une reconnaissance de la société envers ces citoyennes braves et dignes ayant probablement le plus souffert durant la décennie noire. Il y a une espèce de surenchère dans le traitement dramatique du personnage qui devient christique, irréprochable et perd peu à peu ses nuances. Si l'interprétation juste de Samia Meziane parvient à diluer cet aspect aplati de son personnage, le scénario la ramène toujours à sa vocation de «sainte» et l'empêche ainsi d'interroger le spectateur à qui elle se contente de communiquer des sentiments prêt-à-porter : l'admiration, l'empathie et enfin la vénération ! Il y a, néanmoins, une scène où le langage cinématographique reprend ses droits : lorsque Houria, devenue photographe professionnelle, va couvrir un mariage, elle va promener son regard mystérieux, tendre et attendrissant sur ces belles Algériennes qui chantent, dansent et se font belles comme pour défier la mort et les assassins. Ces images mêlant adroitement émotion et esthétique plurielle vont être une digression artistique remarquable au milieu d'une mise en scène plutôt conventionnelle. L'héroïne a été sélectionné dans plusieurs festivals internationaux, dont le Festival du film oriental de Genève, le Festival du film méditerranéen d'Alexandrie, La Quinzaine du cinéma algérien de Strasbourg, etc. Aujourd'hui, le film est programmé à la Cinémathèque d'Alger à 16h30 ; quant à la séance de demain, elle aura lieu à 13h30.