Par Omar Zemirli Aujourd'hui n'est pas un jour ordinaire, un jour sans, où les jours se succèdent et se ressemblent par leurs habitudes, ou leurs monotonies, où le train-train quotidien n'apporte rien d'intéressant, d'excitant ou d'épanouissant. Aujourd'hui est un jour extraordinaire marqué par une immense charge symbolique vécue avec les grands hommes qui ont modifié le cours de l'histoire sur le lieu même de l'événement tragique qui a marqué cette histoire. Ce sont les hommes du 1er Novembre 1954, ce sont les héros de la fameuse bataille d'Alger qui comme chaque année commémorent la disparition tragique de leurs quatre frères et sœur de combat, le P'tit Omar, Hassiba Ben Bouali, Mahmoud Bouhamidi et Ali La Pointe sans oublier les autres civils innocents victimes du lâche assassinat par la horde sauvage. Soixante ans après n'ont rien effacé de la mémoire de ces combattants de la liberté malgré leur âge avancé. La mémoire du chef militaire de la fameuse Zone autonome d'Alger était intacte, les noms, la vie et les faits d'armes des quatre chouhada ont été méticuleusement passés en revue avec un langage simple, clair, précis, profond en arabe dialectal et des pointes d'humour pour décontracter l'ambiance et faire baisser l'émotion forte, facilement perceptible sur les visages des présents qui ne pouvaient ne pas se replonger sur ce passé à la fois glorieux et tragique. Le dynamitage de la cache, refuge de quatre martyrs, symbolisait l'atrocité de tout ce qu'ont vécu ces moudjahidine et le peuple algérien d'une façon générale et les habitants de la Casbah en particulier. Cette Casbah éternelle, berceau de la civilisation algérienne depuis des siècles, a été la citadelle de la résistance à toutes les agressions. Cette Casbah recèle des trésors inestimables dans tous les domaines de la vie. Elle est la bibliothèque du savoir et de la culture algérienne, le panthéon de l'histoire de l'Algérie, le foyer du nationalisme, l'école d'instruction militaire de la guérilla, pris comme exemple par des pays sous le joug du racisme et du colonialisme pour ne citer que la résistance palestinienne. Mais notre Casbah et notre bataille d'Alger travestie par l'ennemi et décolonisée par Yacef Sadi, auteur d'un livre en trois tomes, au sens propre, est unique et restera unique dans l'histoire des peuples. Les stratégies et les méthodes adoptées par nos responsables politiques et militaires ont été minutieusement étudiées par les services secrets de l'armée américaine pour être enseignées dans leurs écoles militaires afin d'adapter une technique de guerre anti-guérilla dans les pays où ils sont en conflit. Le film La Bataille d'Alger est vu et revu en boucle et leur sert d'atelier pratique dans leurs cours théoriques de leurs élèves officiers militaires. Pourrais-je refuser une invitation pareille et un événement historique sans pareil offerte par mon ami Dahmane, le frère du P'tit Omar Yacef ? J'avais pour seule condition la présence de mon ami et frère Mohamed Boukabous, fils de la Casbah, proche des Yacef et, comme eux, originaire de la même région (Azeffoun), qui décidément brille par ses grands hommes dans tous les domaines de la vie et pas seulement par ses grands artistes. Mon ami Mohamed, partant, m'informe que son cousin et beau-frère, Lyes Tamglit, fils de chahid, est de la partie et comble de satisfaction en compagnie du colonel Yacef Sadi. C'est la main dans la main que nous empruntons ensemble les escaliers qui nous conduisaient au lieu du RDV. Fierté pour moi que de faire ces quelques pas dans ces rues et a fortiori avec le héros de la bataille d'Alger. Pour la première fois de ma vie, je découvre la Casbah en compagnie de ses enfants et allais rencontrer les héros et le chef de cette citadelle dans le plus haut lieu symbolique de sa résistance. La vie nous réserve parfois aussi des surprises et des rencontres inattendues et impromptues. C'est la prise de parole d'une façon passionnée, insistante et assez bruyante qui m'a fait réagir pour apprendre que la personne en question est le petit-fils de Amar Smaïl, fondateur de l'Association des oulémas en 1929, grand oncle à mon père par sa mère Smaïli et qui réclamait une stèle pour les civils au nombre de douze personnes dont deux de ses sœurs, victimes lors du dynamitage de la cache. C'est avec plein d'émotion, d'honneur, d'humilité et surtout de reconnaissance à tous ces héros que je me suis recueilli en leur mémoire et la mémoire de tous les martyrs de notre pays. Je ne pouvais comme à mes habitudes ne pas paraphraser en disant : la révolution, il y a ceux qui la réfléchissent, ceux qui la font et ceux qui en profitent. J'étais en présence de ceux qui l'ont réfléchie et l'ont faite, mais une question me tarabuste, combien parmi eux en profitent? Mais une réponse est évidente, ils ont fait profiter tous les enfants d'Algérie. Gloire aux chouhada, longue vie à vous les héros de la liberté. Que la jeunesse algérienne et le peuple algérien vivent dans la liberté, la paix et la dignité.