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60e anniversaire du 1er novembre
Eté-automne 1954, l'Algérie, trois départements tranquilles
Publié dans Le Soir d'Algérie le 01 - 11 - 2014


Par Hassane Zerrouky
Ce 1er novembre 1954, par un temps gris et pluvieux, en présence d'une foule enthousiaste essentiellement européenne «où l'élégance était reine» selon l'Echo d'Alger, était inauguré à El-Biar le cynodrome d'Alger. Cette foule joyeuse, insouciante, ne saura que le lendemain en ouvrant les journaux – Le Journal d'Alger, L'Echo d'Alger, la Dépêche quotidienne d'Algérie et Alger républicain avant son interdiction – que des actes «terroristes» avaient été commis par une organisation inconnue, «le FLN», sur le territoire algérien. C'est qu'en cette année 1954, dans l'Alger colonial et le reste des villes coloniales du pays, les Français d'Algérie, les pieds-noirs, vivaient des jours tranquilles, empreints de sérénité, dans un pays qu'ils estimaient être aussi le leur. Depuis le 8 mai 1945, rien de significatif n'était venu troubler cette tranquille insouciance coloniale, ni la défaite de Dien Bien Phu le 7 mai 1954 ni les «événements» de Tunisie et du Maroc.
En cette fin de printemps et ce début de l'été 1954, dans ces trois départements français qu'était l'Algérie, il régnait une ambiance festive. Le 14 juillet, moment exceptionnel pour les Français d'Algérie, outre les commémorations militaires, des bals étaient donnés partout, en plus de ceux organisés chaque dimanche dans la plupart des quartiers européens d'Alger, au Val Fleury, à Bab el Oued, au square Montpensier, à Belcourt, El Harrach. Les soirées d'été, la fête battait son plein sur le littoral algérois dans les banlieues à dominante européenne où des stars de la chanson française se produisaient. On dansait tous les soirs au Casino de la corniche à Raïs Hamidou où défilaient des artistes du music-hall parisien. Le bois de Boulogne (Mouradia), la forêt de Baïnem, Bouchaoui étaient des lieux de pique nique pour le petit peuple pied-noir. Des «miss» étaient élues, comme Miss Alger, une certaine Arlette Feira, 18 ans, le 15 juin.
Les terrasses des cafés – le Milk-Bar, l'Otomatic, la Brasserie des facultés ou la Cafétéria — des beaux quartiers des ex- rues d'Isly et Michelet, interdites de facto aux Algériens où les belles et les gominés français de la colonie aimaient à se montrer, étaient bondées. Les cinémas du centre-ville – Le Colysée, l'Empire, le Paris, Le Versailles, le Casino, le Club ou le tout nouveau cinéma le Français – projetaient les mêmes films qu'à Paris, souvent en présence des réalisateurs et acteurs. Les «musulmans» allaient au cinéma Dounyazad, rue Abane Ramdane, où on projetait des films arabes, disposant de loges pour les familles, ou dans les cinémas Nedjma et Odéon à la Casbah. Dans les ex-rues Geydon et Chanzy, les boîtes de nuit attiraient, outre la clientèle pied-noir fortunée, les marins étrangers de passage à Alger. Au Casino, rue d'Isly – il existe encore – des Européens mais aussi des « Arabes », les seuls, caïds, bachaghas et notables corrompus, se pressaient autour des tables de jeux. Et dans les grands magasins du centre-ville – les Galeries de France, annexe des Galeries Lafayette, ex-rue d'Isly – une nombreuse clientèle se pressait autour des produits venant de Paris. Ailleurs étaient organisés des défilés de mode, des activités sportives (course à la voile dans la baie d'Alger, traversée à la nage du port).
Sur certaines plages comme la Madrague, aucun Algérien ne s'aventurait, non parce qu'elles étaient formellement interdites aux «musulmans», mais parce que dans cette société où deux mondes se côtoyaient sans se mélanger, dans cette société cloisonnée sans passerelles sociales ni ethniques, les choses étaient ainsi : chacun chez soi.
A Oran, ville au cachet fortement espagnol, où se produisaient les meilleurs toréadors espagnols dans les arènes de la ville, et où chaque année avait lieu le carnaval espagnol, à Bel Abbès où en cet automne 1954 on jouait «la belle de Cadix» au théâtre municipal, à Annaba et Skikda, il en était de même qu'à Alger, Boufarik, Fort de l'Eau, partout régnait cette ambiance bon enfant entre pied-noirs, auxquels se mêlaient quelques rares «Arabes». Le plus surprenant dans les documentaires de l'époque, c'est d'entendre ces voix off utilisant les termes «algérois», «oranais», «bônois» qui désignaient uniquement les Européens : les autres, ombres furtives traversant la rue, étaient des «Arabes», comme s'ils étaient étrangers à leurs propres villes, à leur propre pays...
En cette rentrée d'automne, à deux mois du déclenchement de la guerre de libération nationale, à la brasserie La Coupole, rue Amar Bencheikh (ex-rue de Gueydon), rendez-vous des supporters européens du Gallia Sports d'Alger, le club de foot pied-noir, on commentait le match nul contre le Mouloudia d'Alger de Hahad et Zitouni. Cette fin d'été 1954, c'était aussi la fête des vendanges, puis, le 1er octobre, la rentrée des classes: sur les 36 684 élèves de l'enseignement secondaire (collèges et lycées) il n'y avait que 7 132 «musulmans».
Nul pressentiment donc de ce qu'il allait arriver. C'est à peine si le 9 septembre, le tremblement de terre d'Orléansville (Chlef aujourd'hui), qui fit plus de 1 500 morts, allait perturber cette quiétude coloniale. «Je peux vous dire M. le Ministre que l'Algérie est calme et le restera», déclarait Raymond Laquière, président de l'Assemblée algérienne, au ministre de l'Intérieur François Mitterrand en visite ce 19 octobre 1954 en Algérie. Laquière, dit «Raymond la haine», patron d'un brûlot antisémite La Presse libre sous le régime de Vichy, qui se voyait président d'une Algérie française indépendante, ne pensait pas si bien dire.
Les révoltes populaires du 8 Mai 1945 écrasées dans un bain de sang semblaient bien loin. Et puis ne s'étaient-elles pas déroulées loin des riches plaines viticoles et maraîchères du nord de l'Algérie ? L'OS, cette antichambre du FLN, n'avait-elle pas été démantelée en 1950 ? Et ce n'était pas la misère crasse de ces millions d'Algériens, ou l'analphabétisme touchant plus de 85% des «musulmans» qui allait conduire tout ou partie de la société coloniale à prendre conscience des dures conditions d'existence matérielle sur fond de ségrégation socio-raciale dans lesquelles vivait la quasi-majorité des Algériens.
Oui, en cet automne 1954, dans l'imagerie coloniale, l'Algérie, c'était trois départements tranquilles. Or, c'était bien à l'ombre de ce semblant de normalité coloniale s'écoulant comme un fleuve tranquille, sur fond d'implosion du MTLD en deux tendances rivales, que de jeunes activistes du parti, conduits par Mustapha Ben Boulaïd et Mohamed Boudiaf, préparaient en cet été 1954 le déclenchement de la lutte armée.


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