Huit militants parmi les dizaines de citoyens venus apporter leur soutien aux 32 émeutiers de Haïzer qui comparaissaient ce jeudi au tribunal de Bouira, ont été violemment embarqués par les forces de police, alors qu'un neuvième, militant du RCD, a été blessé lors de ces bousculades et s'est retrouvé avec une jambe en plâtre. Tel est le bilan de la répression policière qui s'est abattue ce jeudi à Bouira sur des militants issus de divers horizons. Des militants parmi lesquels on pouvait citer les deux présidents des bureaux régionaux RCD de Bouira et d'Alger-Est, des secrétaires nationaux et des élus, mais aussi de simples militants de ce parti, ainsi que ceux du MAK, du mouvement associatif et de simples militants de la démocratie ou des parents venus s'enquérir du procès de leurs enfants. Tout ce beau monde répondait à un appel de solidarité émis par le comité de crise, né juste après la convocation début octobre dernier des 32 jeunes de Haïzer par le juge d'instruction, accusés d'avoir été derrière les troubles qui avaient émaillé l'élection présidentielle du 17 avril dernier dans un centre de vote du chef-lieu de daïra, situé à 10 kilomètres à l'est de Bouira, sur la RN33. Ce jeudi, alors que ces jeunes étaient à l'intérieur de la salle d'audience pour répondre de plusieurs chefs d'inculpation lancés contre eux dont agression des agents de l'ordre, empêchement du bon déroulement d'une opération électorale, destruction de biens d'autrui, etc., des dizaines de citoyens étaient à l'extérieur en train d'observer un sit-in de solidarité avec deux banderoles déployées sur lesquelles on pouvait lire «à bas la répression» et l'autre en tamazight, «L'haq amek Ara yili, ma hkemnagh wid it ettun» (comment aurait-on une justice quand nos gouvernants font partie de ceux qui oublient). Des militants qui entonnaient des slogans hostiles au pouvoir et qui sont largement entendus depuis la salle des audiences. Tout était calme jusqu'à l'arrivée des renforts de police qui, sans ménagement, usèrent de leurs matraques et embarquèrent ceux qui étaient devant. Huit militants furent acheminés vers les locaux de la première Sûreté urbaine, alors qu'un neuvième, handicapé de son état, bousculé, se retrouvera avec une luxation de la rotule qui a nécessité sa mise sous plâtre à l'hôpital. Cela étant, à l'intérieur, le procès se poursuivait avec le réquisitoire du procureur qui demandait une année de prison ferme et 20 000 dinars d'amende pour chacun des 32 émeutiers, et le collectif des avocats qui s'est constitué pour défendre la cause de ces jeunes. Lors de sa plaidoirie, maître Lila Hadj Arab du RCD a démontré un vice de procédure avec ce cas unique dans les annales de la justice algérienne qui a refusé de donner au collectif un exemplaire de la vidéo sur laquelle le dépôt de plainte s'est basé. Maître Hadj Arab démontrera également l'autre vice de procédure qui consiste sur cette déposition acceptée par la justice alors que la vidéo a été faite sans l'aval du procureur de la République ; ensuite l'accusation portant sur un groupe de manifestants, alors que la loi exige un dépôt de plainte nominatif ; ce qui n'est pas le cas dans l'affaire des 32 accusés qui étaient appelés à la barre. Aussi, pour toutes ces raisons, l'avocate qui plaidait pour l'ensemble des émeutiers demandera la libération de ces jeunes. D'autres avocats se sont succédé à la barre pour démontrer la caractère politique de cette affaire, en citant le cas des jeunes arrêtés au même moment à la sortie du tribunal et qui pouvaient se retrouver dans quelques jours devant le juge, alors qu'ils ne faisaient qu'exprimer pacifiquement une opinion garantie par la Constitution du pays. A la fin de ces plaidoiries, le juge annoncera la date du 27 novembre prochain pour le verdict final, alors que les huit personnes interpellées seront libérées un peu plus tard dans l'après-midi. Pour rappel, le 17 avril dernier, jour de l'élection présidentielle, des émeutes avaient éclaté dans plusieurs communes de la wilaya de Bouira comme El-Esnam, Saharidj, M'chédallah, Raffour et Hazer. A Saharidj, M'chédallah et Raffour, des urnes avaient été saccagées et à Raffour, des émeutes avaient eu lieu pendant toute la journée avec même des blessés graves parmi les manifestants et les gendarmes. Cependant, malgré cette violence, aucun jeune émeutier n'avait été poursuivi en justice. La proclamation des résultats qui avaient consacré la victoire d'Abdelaziz Bouteflika pour un 4ème mandat avait signé la fin des hostilités avec une sorte d'amnistie tacite et un classement définitif du dossier de ces événements. Sauf qu'à Haïzer, six mois après, le dossier a été ravivé sans que personne ne sache comment ni pourquoi.