L'appel au meurtre contre le chroniqueur et écrivain, Kamel Daoud, lancé sur internet par le chef d'un parti salafiste non agréé, Abdelfattah Hamadache, souvent invité sur des plateaux de télévision, a suscité l'indignation au sein de la corporation des journalistes et chez la classe politique. Dénonçant cet appel au crime, ils exigent la poursuite en justice de son auteur. Si le concerné a déposé, hier, une plainte contre l'auteur de cet appel, le ministère de la Justice quant à lui, n'a toujours pas réagi. Rym Nasri - Alger (Le Soir) La «fatwa» émise par le chef d'un mouvement salafiste appelant à l'assassinat de Kamel Daoud n'est pour ce journaliste et écrivain que la conséquence de «beaucoup de laxisme». Selon lui, cela démontre la «faiblesse» de l'Etat et l'«impunité» qui sévit dans la société. Le journaliste et écrivain a déposé, hier, une plainte contre l'auteur de cet appel. Indignation, dénonciation et révolte au sein de la corporation des journalistes. Le Syndicat national des journalistes (SNJ) dénonce avec force cette «fatwa». «L'obscurantiste islamiste vient de lancer une fatwa appelant à l'assassinat de notre confrère Kamel Daoud. Peu nous importe les motivations de ce charlatan. En tant que Syndicat national des journalistes, nous considérons que la fatwa en question est en soi un acte terroriste qu'il convient de traiter comme tel», a indiqué le secrétaire général du SNJ, Kamel Amarni. Comme à ses habitudes, le SNJ se porte de manière «spontanée et solidaire» avec le confrère Kamel Daoud. Il appelle ainsi les autorités habilitées à prendre «des mesures répressives notamment judiciaires contre l'auteur de la fatwa et aussi pour assurer l'intégrité physique de notre confrère». De son côté, le collectif «Envoyés spéciaux algériens» affiche son soutien «absolu» au journaliste et écrivain Kamel Daoud. Il qualifie ainsi l'auteur de cet appel au meurtre de «terroriste». «Nous dénonçons également et fermement le silence des autorités devant les graves dérives du courant salafiste algérien», lit-on sur leur page Facebook. Une dénonciation que la classe politique exprime également. «L'écrivain et chroniqueur Kamel Daoud vient de faire l'objet d'un appel au meurtre de la part d'un sinistre individu dûment connu des services de sécurité pour ses dérapages et ses intimidations récurrentes. Il n'est pas à son premier acte de défi et menace envers des personnes coupables à ses yeux de revendiquer haut et fort leur liberté de pensée et d'expression. Le précédent est extrêmement grave et confirme la démission de l'Etat et de sa justice, incapables d'assurer la défense des citoyens contre les extrémismes et les injustices», souligne le RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), dans un communiqué. Assurant son «entière solidarité» au journaliste et à toute l'élite intellectuelle, le RCD tient pour responsables «les autorités contre toute atteinte à l'intégrité morale et physique d'un des membres de la corporation journalistique qui a payé un lourd tribut». De même, les éditions Barzakh dénoncent. «Kamel Daoud est victime d'un appel au meurtre lancé par un salafiste, un de ces sinistres charlatans qui sévissent en toute impunité sur la toile, à la télévision et dans les mosquées». Un agissement que l'éditeur qualifie de «gravité sans nom». Affichant leur «totale solidarité» avec l'écrivain, les éditions Barzakh se demandent «si la justice et l'Etat de droit existent encore en Algérie ou si la violence — morale, bientôt physique — est devenue la norme». Selon l'éditeur, «au-delà de Kamel Daoud, et après l'affaire du film de Lyès Salem L'Oranais et du livre de Meriem Bouzid, c'est le champ de la pensée libre, de la recherche et de la création artistique qui sont visés là». D'ailleurs, une pétition a été lancée sur Facebook pour condamner les appels au meurtre par le chef salafiste algérien, contre le journaliste Kamel Daoud et appelle par la même le ministère de la Justice à poursuivre l'auteur de cette incitation pour appel au meurtre. D'une aussi grande gravité, cet appel au meurtre n'avait pourtant pas fait réagir le ministère de la Justice. Contacté hier, le département de Tayeb Louh n'a pas daigné nous fournir une réponse. Et pourtant le ministère de la Justice a vite fait de réagir en ordonnant une enquête sur une vidéo, largement partagée, sur les réseaux sociaux montrant un enfant manipulant un couteau sous l'incitation d'un proche. L'affaire Daoud est pour le moins aussi grave pour que la chancellerie s'autosaisisse. Ry. N. Réaction de la laddh Alerte sur l'intolérance et la violence «La LADDH vient de prendre connaissance de menaces à l'égard du journaliste et écrivain Kamel Daoud suite à la publication de son livre. La LADDH rappelle que la liberté d'expression est une liberté fondamentale et que nulle personne ou groupe ne peut la restreindre ou l'interdire, a fortiori par la contrainte et la violence. La LADDH exprime ses préoccupations face à la montée de l'intolérance. Elle se solidarise avec Kamel Daoud et condamne toute violence sous quelque forme qu'elle soit. La LADDH réaffirme le droit à l'expression pour tout citoyen et rappelle l'obligation de l'Etat à assurer la sécurité et la protection des citoyens et leurs biens.» Le président,maître Benissad Noureddine Le RCD réagit «L'écrivain et chroniqueur Kamel Daoud vient de faire l'objet d'un appel au meurtre de la part d'un sinistre individu dûment connu des services de sécurité pour ses dérapages et ses intimidations récurrentes. Il n'est pas à son premier acte de défi et menace envers des personnes coupables à ses yeux de revendiquer haut et fort leur liberté de pensée et d'expression. Le précédent est extrêmement grave et confirme la démission de l'Etat et de sa justice, incapables d'assurer la défense des citoyens contre les extrémismes et les injustices. Le RCD exprime son entière solidarité à Kamel Daoud et à toute l'élite intellectuelle et tient pour responsable les autorités contre toute atteinte à l'intégrité morale et physique d'un des membres de la corporation journalistique qui a payé un lourd tribut.» Le RCD NORDINE AIT HAMOUDA : «Nous sommes tous des Daoud» «J'ai appris avec consternation une fetwa venue d'un autre âge prononcé par un émir salafiste à l'encontre de l'écrivain Daoud. Si depuis quelque temps nous constatons la manipulation par le pouvoir de ce courant intégriste, je reste choqué par la non-convocation par la justice de cet «émir» qui lance des condamnations à mort aux citoyens algériens. L'absence de l'Etat devant des faits aussi graves prouve encore une fois que le courant intégriste a toujours été manipulé. La semaine dernière, c'était Madani Mezrag l'assassin, aujourd'hui cheikh (...). Ayant perdu définitivement la bataille militaire, ce courant veut gagner la bataille politique. Pour ma part, je me considère solidaire de Monsieur Daoud et des idées qu'il défend, car, aujourd'hui, nous sommes tous des Daoud. Ils ne passeront pas !»