De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Des comme Sarkozy, il y en a beaucoup, ici, en Europe. Le Caire le sait et Alger doit le savoir. L'Egypte de Sissi, Etat renaissant de ses cendres depuis la triste fin du règne des Frères musulmans, a réagi à l'effroyable décapitation de 21 de ses ressortissants, de religion chrétienne. Que pouvait faire d'autre Le Caire ? Condamner par communiqué l'horreur ? Laisser passer en attendant que passe la tourmente ? Opérer en secret par le biais des moukhabarates ? Se venger en actionnant d'autres groupes qui accepteraient de se mettre à sa solde ? Attendre ou la quémander une aide internationale ? Coopérer avec Paris ou Rome pour intervenir ? Toutes les options étaient sur la table. Les stratèges égyptiens ont choisi, vraisemblablement, avec l'accord du «gouvernement» de Tobrouk de ne pas se laisser intimider et d'envoyer des signaux forts à tous. Aux terroristes de Daesh, évidemment, mais aussi et - surtout - aux puissances occidentales : France, Grande-Bretagne, Etats-Unis qui s'installent, déjà, en Libye comme tutrices et parraines. Le Président Sissi a tracé les lignes à ne pas dépasser. Rouges ou jaunes, les couleurs importent peu. L'essentiel étant que Le Caire a décidé de ne pas se laisser distancer en ex-Libye. Il faut, évidemment, parler d'ex-Libye depuis la guerre que l'Otan a déclenchée dans ce pays et que l'ex-président Sarkozy a bien voulu diriger pour le compte de l'Alliance et des Etats-Unis. En éliminant Gueddafi, Sarko et le Traité savaient exactement ce qu'ils faisaient. La destruction et l'éclatement de la Libye étaient inscrits dans l'agenda que l'après-Gueddafi ouvrait. Le crime contre un chef d'Etat, controversé, certes, mais légitime, ne pouvait déboucher que sur la situation présente. Une Libye disparue, de facto, de la géographie et remplacée par au moins trois entités, si peu fédérées et impréparées à la gouvernance. Tripoli, Cyrthe, Benghazi, Tobrouk ressemblent à Jérusalem en 1947 où tous les services de renseignement des puissances de l'époque, les chefs de tribus palestiniennes, les trafiquants, les vendeurs d'armes, les passeurs d'or et de diamants, les chefs religieux musulmans, juifs, chrétiens de toutes obédiences, les leaders progressistes qui pressentaient qu'un «mauvais coup s'y préparait», s'y côtoyaient, s'y abordaient, s'y familiarisaient, chacun roulant pour son compte ou pour sa chapelle. Le reste, ça a été la proclamation d'Israël. Croire ou se laisser berner par l'illusion que le démantèlement de la Libye est le seul objectif, serait non pas naïf, mais une analyse criminelle, une projection aux conséquences historiques peut-être à jamais irréversibles. C'est toute la région qui est non pas concernée, mais visée. L'Algérie, l'Egypte, la Tunisie sont en première ligne. Sissi le sait si bien qu'il a envoyé ses troupes et ses messages. A bon entendeur, salut... Le dialogue interlibyen drivé par Alger est une voie exceptionnelle de règlement, mais est-ce, sera-ce suffisant ? Pas sûr, et si le dialogue échoue, il faut sans doute faire comme Le Caire, frapper avant d'être frappé, intervenir pour empêcher d'autres d'intervenir. Des comme Sarkosy, il y en a beaucoup, ici...