La polémique enfle. Elle prend des proportions exagérément démesurées. Le choix du pays où le jeune attaquant lyonnais, Nabil Fékir, effectuera sa carrière internationale est-il à ce point «complexe» pour soulever autant de vagues ? Verts d'Algérie ou Bleus de France ? Fékir devra trancher. Pour certains, il doit le faire immédiatement. D'autres lui conseillent de patienter «pour mieux voir». Lui (avec le consentement de son entourage ?) pense qu'il est le seul maître de cette décision dont les tenants et aboutissants ne sont pas que sportifs. L'argent, donc l'économique, et la fibre patriotique qui énivre les politiques d'antan, ne seraient pas en marge. C'est le prix à payer pour entretenir une gloire naissante. L'étoile des Gones qui filera certainement vers d'autres cieux (c'est l'intime volonté de Michel Aulas, le patron de l'OL) à coups de millions d'euros est, du haut de ses 21 ans, à la croisée des chemins. Son père, Mohamed, natif d'une bourgade près de Tipasa, était le premier à monter les enchères. Bien avant les clubs anglais qui se bousculent désormais sur les travées de Gerland en quête de nouvelles certitudes en vue de transférer le ranco-Algérien. C'est lui qui avait annoncé, lors de son dernier passage en Algérie, que son fils se décidera en mars 2015. L'automne dernier, alors que les Verts poursuivaient leurs qualifications à la CAN-2015, Mohamed Fékir était à la rencontre de Mohamed Raouraoua pour faire «le tour de la question». Depuis, rien n'a filtré au sujet de ce que les deux tuteurs (du joueur et du football algérien, Ndlr) se sont dits et promis. Ce sont les spéculations et la rumeur qui s'empareront de ce qui s'apparente à une «affaire d'Etat». Le «peuple» est même interpellé, par certains médias, pour forcer la main et le destin du jeune footballeur. Ce dernier continuait à enchaîner les belles prestations et les performances. Buteur et passeur, il épate son monde. Cet hiver, lors du mercato, les offres de transferts affluaient de partout. Au sein de l'OL, Michel Aulas, en particulier, restera de marbre. Ces propositions financières sont, à son goût, «insuffisantes» pour renflouer les caisses du club qui attend toujours l'érection de son nouveau temple appelé «Le stade des lumières» dont le début des travaux remonte à 2007. Des «offres démentielles» pour Fékir, mais aussi Lacazette, l'autre franc-tireur de l'attaque lyonnaise, devraient convenir à Aulas et son interminable chantier d'édifier le grand stade de Lyon appelé à abriter quelques matches de l'Euro-2016. Un tournoi grandeur nature que la France veut s'adjuger le trophée. Avec des joueurs de la trempe de Fékir, Gonalons et Lacazette, comme le suggérait récemment le boss de l'OL à DD, le sélectionneur des Bleus. Deschamps qui n'aime pas qu'on lui force la main et pas du tout les vedettes-médiatiques, a fini par répondre à l'offre de service d'Aulas. Sur RMC, l'autre jour, il dira : «Aujourd'hui, je ne peux pas encore répondre. Il joue beaucoup, il est performant. Il est dans un registre différent. Il est intéressant. Je le suis, comme d'autres jeunes.» Gloire et carrière ont un prix Plus prosaïque, il livrera sa pensée «politique» de la chose : «Je ne fais pas de politique. Si je prends Nabil Fekir, c'est que je suis convaincu de ses qualités. Je ne vais pas le sélectionner demain pour l'empêcher de jouer ailleurs. Si les deux nations l'appellent, il faudra qu'il choisisse. Il a la liberté de le faire. Si je ne l'appelle pas, il ira ailleurs. Mais si je l'appelle, il pourra quand même aller ailleurs. Ce sera son choix.» Un choix complexe, douloureux pour certains. Pour Nabil, en premier. «La décision de choisir entre l'équipe d'Algérie et l'équipe de France sera très compliquée. Je vais peser le pour et le contre (...) Mais si Deschamps m'appelle le mois prochain, ce sera difficile de dire non.» Pour les décrypteurs attitrés, Nabil Fékir, charmé par les propos flatteurs de DD et le projet de carrière que peut lui ouvrir une sélection en équipe de France, a déjà fait son choix. Malgré la pression de son entourage immédiat, il a fait le choix de la raison en répondant positivement à l'EDF. Son père, qui a négocié avec la FAF, tente, à travers des déclarations mises au point, son va-tout pour raisonner son fils. Jeudi, alors qu'une certaine presse algérienne a révélé la ralliement de Fékir aux Verts, Mohamed Fékir s'est comme senti obligé de démentir l'information reprise par la presse de l'Hexagone. «Certains médias algériens prêchent le faux pour avoir le vrai. On ne sait pas pour quelle nation il va jouer, moi-même je ne lui ai pas posé la question alors que je suis son père», a-t-il répondu. Et de confier encore : «Je suis son père, qu'il choisisse la France ou l'Algérie, je serai le premier à le soutenir, il n'y a aucune ambiguïté là-dessus.» Son père est manager, doit-t-on préciser. Ce qui ne change rien à la donne tant que la réalité de cet inédit «transfert» de nationalité sportive (Fékir a deux capés en sélection française «espoirs») est ailleurs. D'après des informations difficiles à confirmer, le père du joueur lyonnais avait, lors de son dernier passage en Algérie, touché une avance sur la prime que la FAF attribue aux binationaux appelés à revêtir le maillot de l'EN algérienne. Ces dernières sorties publiques ne seraient, à en croire ces mêmes sources, qu'une manière de pousser la partie algérienne «à tenir ses promesses» en versant le reste de la prime. Réponse finale en mars ? Mohamed Fékir a beau rappeler que son fils décidera seul, n'empêche que cette décision sera l'émanation d'un consensus familial. «On sait que je préfère qu'il joue pour l'Algérie. Je suis né là-bas et j'y ai encore de la famille. Mais je ne veux pas l'influencer et s'il choisit les Bleus, je serais bien sûr son premier supporter. Comme je l'ai toujours été.» Il ne s'empêchera pas de livrer cette confidence de ce que révélera publiquement Nabil dans quelques semaines. «A mon avis, il a pris sa décision», non sans avouer que son fils ne mesure pas la gravité de sa décision. «Je crois qu'il ne se rend pas trop compte de la situation. C'est peut-être mieux comme ça. Il est dans sa bulle et la seule chose qui compte, c'est de jouer au foot. Il est heureux de partir aux entraînements, heureux de parler avec ses copains dans le vestiaire, heureux d'être sur un terrain.» Pour autant, Nabil Fékir a la chance de réfléchir davantage à la question. La France et l'Algérie n'auront aucun match officiel à jouer jusqu'en juin prochain, au moins. En fait, si l'Algérie obtient, le 8 avril prochain, l'organisation de la CAN-2017, elle n'aura que des matches amicaux à disputer jusqu'au début des qualifications pour le Mondial-2018 prévu à partir du 5 octobre 2015. Les Français qui disputent des qualifications à blanc pour l'Euro-2016 devront, quant à eux, entamer les éliminatoires du Mondial russe en septembre 2016. Par conséquent, en mars prochain, Fékir peut jouer aussi bien pour l'Algérie que pour la France. La loi votée, en 2003, par la Fifa aux Bahamas autorise les binationaux à modifier leur nationalité sportive à la condition de n'avoir jamais livré, ne serait-ce qu'une seconde, un match officiel avec une sélection donnée. L'article 18 stipule, à ce titre : «Si un joueur possède plusieurs nationalités, en reçoit une nouvelle ou est autorisé à jouer pour plusieurs équipes représentatives en raison de sa nationalité, il peut, une seule fois, obtenir le droit de jouer en match international pour une autre association dont il a la nationalité, conformément aux conditions énumérées ci-après : le joueur n'a pas encore disputé de match international "A" (intégralement ou partiellement) dans le cadre d'une compétition officielle pour l'association dont il relève jusqu'au moment de la demande, et il était déjà au bénéfice de la nationalité qu'il souhaite désormais représenter, au moment de sa première entrée en jeu (intégrale ou partielle) dans un match international d'une compétition officielle ; il n'est pas autorisé à jouer pour sa nouvelle association dans toute compétition à laquelle il a déjà participé pour son ancienne association.» Pas sûr, donc, que Fékir prenne sa décision finale à la fin du mois de mars. Si Deschamps ne le convoque pas pour les matches amicaux contre le Brésil (26 mars à Paris) et le Danemark (29 mars à Saint-Etienne), il a toute latitude de répondre positivement à l'appel de Christian Gourcuff et des Verts qui joueront, lors de ces mêmes dates Fifa, le Qatar (26 mars) puis Oman (30 mars) à Doha. Sans risquer de perdre sa nationalité sportive initiale (France), encore moins celle de la sélection du pays d'origine de ses parents.