Par Hassane Zerrouky François Hollande déposera aujourd'hui une gerbe de fleurs au Maqam Chahid. C'est bien. Mais restituer «Baba Merzoug», arme mythique, un canon en bronze mesurant sept mètres, pesant 12 tonnes, saisi après la chute d'Alger en 1830 par l'armée coloniale, ce serait encore mieux, surtout à trois semaines du 53e anniversaire de l'Indépendance de l'Algérie le 5 juillet prochain. Surnommé «la Consulaire», ce canon est aujourd'hui installé à Brest. De quoi s'agit-il et pourquoi ce canon a-t-il une valeur si symbolique pour les Algériens ? Cette arme prestigieuse, fabriquée au XVIe siècle à Alger par un fondeur vénitien, qualifiée de «gardien d'Alger», a acquis sa célébrité lors de la tentative de la prise d'Alger en octobre 1541 par Charles Quint. L'expédition, forte de 516 navires, commandée par l'empereur autrichien et roi d'Espagne en personne, se solde par un désastre : lui-même a failli être fait prisonnier par les cavaliers berbéro-maures près de Bordj-Al-Bahri. La légende veut que «Baba Merzoug», qui figurait parmi les centaines de pièces d'artillerie défendant la ville, aurait à lui tout seul détruit une partie de la flotte de Charles Quint. D'une portée de 5 km, il était considéré comme l'arme la plus puissante de la Méditerranée. Considéré alors comme un «don de Dieu» par les Algérois, ce canon fut, durant près de deux siècles, l'objet d'une véritable vénération. Il y a quatre ans, Fatima Benbraham, présidente du Comité national pour la restitution de «Baba Merzoug», a demandé publiquement la restitution de ce qui est considéré comme faisant partie du patrimoine algérien, alors que pour la France, il est stipulé que ce canon est «partie intégrante du patrimoine historique français». Disons-le nettement, la France ne restituera ce «canon» que si l'Algérie en fait la demande. Le fera-t-elle ? Le doute reste permis. Les Français invoquent une procédure de déclassement complexe nécessitant la création d'une commission indépendante d'experts, voire l'adoption d'une loi, sous prétexte de protection des collections et autres œuvres fruit du pillage colonial exposées dans les musées ! Mais bon, François Hollande est à Alger pour soutenir le système. On ne va quand même pas l'ennuyer et gâcher sa visite avec une histoire de canon datant du 16e siècle ! Reste toutefois, que derrière cette question de restitution d'une pièce d'artillerie hautement symbolique, c'est tout le problème du pillage colonial – œuvres d'art et, surtout, archives que la France n'a pas totalement restituées –, qui demeure posé.