Le verdict du procès Khalifa sera rendu le 23 juin prochain par le tribunal criminel de Blida, les délibérés venant de commencer après près de six semaines d'auditions des accusés et des témoins et de plaidoiries de la défense. Une sentence attendue et qui sera à la mesure de la volonté des pouvoirs publics de lutter contre le fléau de la corruption. Mais d'ores et déjà, dans le milieu des avocats et au sein de la classe politique, celle émargeant dans l'opposition, on ne se fait pas trop d'illusions quant à un verdict qui sera conforme à leurs «prédictions». En ce sens qu'il confirmera, selon eux, une «velléité» d'en finir et au plus vite avec ces scandales ayant éclaboussé la gouvernance ces dernières années. Car, estime-t-on, une «parodie de procès» ne peut qu'accoucher d'une sentence de «pure forme» puisque la vérité ne se saura jamais. M. Kebci RAMDHANE TAÂZIBT, MEMBRE DU BUREAU POLITIQUE DU PT : «C'est une parodie de procès» «C'est une parodie de procès car tout simplement Khalifa a une très grande responsabilité mais au banc des accusés, il y a énormément de lampistes. Le problème fondamental dans ces dossiers de corruption Sonatrach I et Sonatrach II, Khalifa, autoroute Est-Ouest et tous les autres qui n'ont pas été dévoilés, les responsables politiques de ces drames qui ont coûté beaucoup à la nation bénéficient d'une immunité puisqu'ils ne sont pas jugés. Quel que soit le verdict, nous resterons sur notre faim car on ne saura jamais comment un tel scandale a pu avoir lieu et qui a fait des dizaines de milliers de victimes. Bien entendu que nous, à notre niveau, la réponse, nous la connaissons : jamais l'empire Khalifa n'aurait fait ce qu'il a fait sans la complicité active des responsables politiques à tous les niveaux politiques de l'Etat.» ATMANE MAZOUZ, CHARGE DE LA COMMUNICATION DU RCD : «La justice accablera, pour l'essentiel, des boucs émissaires» «Que l'affaire Khalifa soit mise en délibéré par le tribunal pour statuer ce 23 juin, le verdict ne sera ni juste ni crédible. La justice accablera, pour l'essentiel, des boucs émissaires en lieu et place des vrais commanditaires. Comme c'est le cas dans le jugement des affaires de l'autoroute Est- Ouest et de Sonatrach, on a assisté tout au long du procès Khalifa à des séances où l'objectif était l'occultation d'un des plus grands scandales du siècle pour enfin évacuer les périodes les plus sombres de l'ère Bouteflika. Les Algériens et les observateurs qui ont suivi le déroulement du procès sont convaincus que la fermeture de la parenthèse Bouteflika où des ministres et des protégés de clans impliqués doit se faire sur le dos de la nation par voie d'une justice soumise et arbitraire. La célérité avec laquelle sont traitées ces affaires de corruption dans une compromission totale étale sérieusement une réelle succession en préparation dans les laboratoires du régime. Une affaire qui a éclaboussé et menacé l'existence même de l'Etat ne peut être traitée avec cette facilité et ce laisser-aller en un mois. De ce fait, le verdict du procès Khalifa sera nul aux plans éthique, moral et judiciaire.» Me FETTA SADAT, AVOCATE DU BARREAU D'ALGER : «L'opinion publique restera sur sa faim» «Je considère que nous sommes face à une parodie de justice dans la mesure où la vérité restera méconnue à partir du moment où les instigateurs de ce gigantesque scandale financier n'ont aucunement été inquiétés et que, comme à l'accoutumée, des zones d'ombre persistent et qu'un certain niveau de responsabilité qui n'a pas été touché par l'investigation judiciaire. Je pense que le verdict qui sera prononcé le 23 juin prochain couvrira les durées de détention déjà purgées par les accusés du moment que le jeu a été balisé par la chambre d'accusation et que des personnes citées nommément continuent de bénéficier du statut de simples témoins. L'opinion publique restera sur sa faim et, par ailleurs, elle s'est déjà manifestée en se détachant de ce procès qui reste un simulacre de justice car il n'y a pas de volonté politique de mettre fin au fléau de la corruption qui gangrène le pays.» Me SALAH DABOUZ, PRESIDENT DU BUREAU NATIONAL DE LA LADDH : «C'est un procès expéditif» «Je pense que malgré le temps qu'il a pris, plus d'un mois, ce procès a été expéditif parce que tous ceux censés être responsables d'une telle affaire ne se sont pas présentés au tribunal. Une partie convoquée pourtant comme témoins ne s'est même pas présentée. Ce qui fait que nous, à la LADDH, nous adoptons presque la position de l'Instance de suivi et de concertation de l'opposition (Isco) dans la mesure où nous estimons que ce procès n'est qu'un moyen de fermer ce dossier d'une façon expéditive et empêcher par là même la justice internationale qui commençait à s'y intéresser. Nous pensons que les conditions d'un procès équitable ne sont pas encore réunies.»
DJILLALI SOUFIANE, PRESIDENT DE JIL JADID : «Le pouvoir veut expédier l'affaire Khalifa et toutes les autres» «Lorsqu'on se fie aux seuls faits, on déduit que l'affaire est jugée bien avant l'ouverture du procès. Quand on entend un juge dire qu'il est trop petit pour convoquer un ministre, lorsque des dizaines de témoins ne se présentent pas parce qu'ils font partie du système, quand l'accusé principal refuse de dévoiler les noms de ceux qui sont impliqués sans que le juge aille plus loin. Tout cela est largement suffisant pour accréditer l'idée que le pouvoir veut expédier l'affaire Khalifa et toutes les autres pour enterrer définitivement les scandales financiers dans lesquels sont impliquées les plus hautes personnalités du pays. Tant que la justice n'est pas indépendante du pouvoir, c'est ce dernier qui continuera à dicter les verdicts.» YOUCEF AOUCHICHE, CHARGE DE LA COMMUNICATION AU FFS : «C'est un procès politique» «C'est un procès politique et pour qu'il y ait procès équitable dans ce genre d'affaires, il faut que des conditions fondamentales soient réunies : justice indépendante, ce qui n'est pas le cas chez nous, et l'existence de contre-pouvoirs réels. On s'interroge sur la concomitance de ces procès, une velléité de les liquider. Le premier sectaire, nous assistons à des "pièces de théâtre" puisque des ministres, cités pourtant comme simples témoins, n'ont pas daigné se présenter au tribunal.»