De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Mohamed Aïssa n'a pas encore imposé l'islam de Cordoue. Cependant, il a l'assentiment de celui du Benelux. Dans le cœur des Algériens de Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas, il a déjà supplanté Dalil Boubakeur, «taâ la Mosquée de Paris»... Récit d'un premier jour de Ramadhan dans la capitale belgo-européenne... Mohamed Aïssa, ministre des Affaires religieuses, a mis du baume au cœur des Algériens de Belgique. En optant courageusement pour une démarche rationnelle pour décréter le 1er jour du Ramadhan, le responsable algérien a donné des arguments sérieux à ceux qui «en ont marre de querelles d'obédience inter-musulmanes» et a, surtout, livré des armes de défense de la foi et du sacré puisées dans ce que l'Islam a de meilleur, de plus juste, de plus raffiné. Les Algériens d'ici, tiraillés entre la propagande wahhabite et les répliques obscurantistes d'autres écoles de pensée, s'alimentent dans le legs de la décadence, du «inhitad», se saisissent des paroles sensées et de réconfort de Mohamed Aïssa. D'autant que la Mosquée de Paris, toute proche géographiquement de Bruxelles et, culturellement, de la diaspora algérienne de Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas, abonde dans le même sens. On peut tout reprocher à Dalil Boubakeur sauf d'être un charlatan ou un salafiste d'obédience saoudienne ou qatarienne. Dans leurs discussions d'avant-jour J de Ramadhan, les Algériens abordent tous les propos de bon sens de Mohamed Aïssa. «Moi, j'attends que l'exécutif des musulmans de Belgique désigne jeudi pour le commencement du jeûne, s'il tergiverse, je suivrai Mohamed Aïssa et Dalil Boubakeur», nous dit, tranchant, Méziane. «L'exécutif ne doit plus, comme les années précédentes, faire de la politique, il doit opter pour le jeudi et c'est tout.» L'exécutif des musulmans de Belgique, organisme contesté par beaucoup de musulmans, est traversé par des luttes d'intérêt et pour le positionnement dans l'appareil entre Marocains et Turcs et à l'intérieur de ces deux grands orientateurs, de sourdes batailles idéologiques et doctrinales... Tant et si bien que la plupart des Algériens pratiquant la prière et le saoum, s'organisent en dehors de cette structure ou s'arriment aux édits de la Mosquée de Paris. Cette année, pourtant, Mohamed Aïssa semble supplanter Dalil Boubakeur dans le cœur des Algériens du Benelux. Il a, en plus de son recadrage concernant la vue du croissant, parlé de rites malékite et ibadite, d'habitude les ministres algériens dans ce poste n'évoquent que le malékisme, porté la contradiction au wahhabisme, argenté et violent, ouvert des pistes pour la réflexion et a, surtout, évité d'emprunter les sentiers battus de ses prédécesseurs dans cette responsabilité. Depuis son intronisation à cette sensible fonction, Mohamed Aïssa innove et n'hésite pas à guerroyer contre les porteurs d'un islam des ténèbres. «Pourquoi Bouteflika ne l'a-t-il pas désigné depuis longtemps, ce Mohamed Aïssa et attendu l'année dernière pour le dénicher ? relève Mustapha, mécanicien à la recherche d'une bonne variété de pastèque pour la mettre au «frais» avec le début du carême musulman. «Qui te dit que c'est Bouteflika qui l'a désigné ?» lui répond Allaoua, cadre dans une entreprise de bâtiment à Bruxelles. Et d'ajouter, sûr de ses tuyaux en Algérie, «s'il ne tenait qu'à Bouteflika, il aurait ramené pire que Ghoulamallah, sans doute, d'autres décideurs ont-ils dû imposer Mohamed Aïssa ?»... Cette discussion animée et sympathique à Saint-Josse (quartier musulman de Bruxelles à prédominance turque) prend fin et tout le monde se donne rendez-vous à jeudi après f'tour. Mohamed Aïssa n'a pas encore imposé l'islam de Cordoue, mais il a déjà l'assentiment de celui de Bruxelles...