Quelques jours après le lancement officiel de la mise en conformité fiscale, une mesure visant officiellement l'encouragement des opérateurs de l'économie informelle à rejoindre le circuit officiel, les opérateurs économiques ainsi que les organisations patronales doutent fortement de la réussite d'une telle entreprise. Faire face au tarissement soutenu des recettes en devises ne passe pas uniquement via une seule mesure. C'est en tout cas le sentiment partagé par la communauté des hommes d'affaires de l'Algérois. Salah Benreguia - Alger (Le Soir) - Formaliser l'informel qui passe par sa bancarisation, un phénomène solidement installé sur le marché national, est l'une des mesures phares prises dans la loi de finances complémentaire pour l'actuel exercice. L'actuel ministre des Finances, qui était durant plusieurs années le délégué général de l'association des banques, n'a cessé d'appeler à l'intégration accélérée du commerce informel dans le circuit formel. Si, au finish, comme l'a si bien souligné Abderrahmane Benkhalfa, le but est de récupérer les 3 700 milliards de dinars qui sont actuellement en circulation en dehors de tout contrôle et les bancariser, et par ricochet l'injecter dans le système productif, certains opérateurs économiques jettent quelques brins de suspicion quant à la réussite d'une telle démarche. Pour la Confédération générale des entrepreneurs algériens (CGEA), la vraie question est de savoir pourquoi l'Etat a attendu jusqu'à maintenant pour mettre en œuvre une telle mesure. «Pourquoi l'Etat a attendu jusqu'à présent pour mettre en place cette loi ? Est-ce que les opérateurs économiques auront confiance pour déposer leur argent ? J'en doute fort», s'interroge Habib Yousfi président de la CGEA. Et de suggérer de s'attaquer frontalement au phénomène de l'informel. «Il faut réellement une mesure radicale ; éradiquer définitivement l'informel. Car mettre en œuvre cette loi pour gonfler les caisses du Trésor public n'est pas la vraie solution», soutient-il. Même son de cloche chez l'Association des producteurs algériens de boissons (APAB). «Cette question d'amnistie fiscale fera l'objet d'un débat le 5 septembre prochain au sein de notre association. Mais personnellement, je ne pense pas que les opérateurs économiques activant dans l'informel auront la confiance et le courage pour déposer leur argent dans les banques», pense Ali Hamani président de l'APAB. Du côté des opérateurs économiques, Slim Othmani de la société NCA Rouiba et président du club de réflexion CARE estime que le vrai problème réside dans les causes ayant poussé ces gens à activer dans l'informel. «Via cette mesure, le gouvernement veut rapatrier les 40 milliards de dollars qui circulent dans la sphère informelle. Mais il faut se pencher sur l'origine de cet argent. Il s'agit là du fruit de l'existence de la TAP dans le réseau de distribution. Dans la LFC 2015, la TAP n'a pas été supprimée et son existence va alimenter l'informel» soutient Slim Othmani. Et de noter que «les opérateurs ne veulent pas aller vers le formel car la fiscalité est lourde pour deux raisons : la TAP et les charges patronales». Hassan Khlifati, P-dg de la compagnie d'assurance «Alliance Assurances» soutient qu'en ces temps de rareté des revenus du pays, «aller à la recherche de cette manne financière est nécessaire». «On n'a pas le choix», note-t-il. Exhortant les pouvoirs publics à trouver un moyen pour «rassurer» les opérateurs car la problématique de manque de confiance avec les agents de l'informel pose réellement problème, M. Khlifati soutient que cette «mesure technique» doit figurer dans une «démarche globale». «La priorité est de moderniser l'administration économique pour bien accompagner le tissu économique en général. Parce qu'il y a un système lourd et qui n'encourage pas assez. Les investisseurs et les commerçants préfèrent ne pas aller vers le formel», signale le patron d'Alliance Assurances.