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Evocation
Gilberte-Saâdia Boumendjel née Charbonnier Le long combat d'une Algérienne
Publié dans Le Soir d'Algérie le 24 - 08 - 2015


Par Mustapha Boukhari, consultant
Gilberte Charbonnier, épouse Boumendjel Ahmed, est née le 28 décembre 1914 à Paris, dans le XIIe arrondissement proche du Bois de Vincennes qui restera un repère important de son enfance. Elle est la benjamine d'une fratrie de quatre, dans une famille modeste issue d'un milieu populaire, encore très imprégnée de traditions paysannes. Sa mère, Anna, femme au foyer, meurt alors que Gilberte a quinze ans. Son père, Louis-Joseph, artisan lithographe, autodidacte, avec qui elle vit dans une très grande proximité, disparaît prématurément alors qu'elle a à peine vingt ans.
Après des études à l'Ecole normale d'institutrices de Sophie-Germain, elle complète sa formation en devenant professeur de lettres françaises.
Jeune institutrice, elle rencontre Ahmed Boumendjel, alors étudiant en droit à Paris, en 1935, lors d'un meeting présidé par Léon Blum, en pleine ascension du Front populaire. Ils se marieront en 1938 à la mairie de Hussein Dey et, à partir de cette date, son choix de l'Algérie – où elle reviendra toujours lorsque les circonstances l'en auront éloignée – sera définitif.
Deux filles naîtront de cette union, Fadhila et Yamina, devenues respectivement professeur de médecine et professeur de linguistique et langues étrangères, à l'université d'Alger.
Pendant une dizaine d'années, entre 1939 et 1949, Mme Boumendjel occupe plusieurs postes dans l'enseignement secondaire, dans des établissements publics de l'Algérie coloniale, notamment à Tizi-Ouzou, Maison-Carrée, au collège Guillemin d'Alger (actuellement lycée Okba), à l'Ecole normale de Bouzaréah. (NB : par la suite, il lui arrivera souvent de retrouver en qualité de directeurs de lycées et collèges de l'Algérie indépendante, d'anciens élèves qui la reconnaîtront et lui exprimeront leur reconnaissance. C'est aussi avec une certaine émotion qu'elle suivait la carrière de deux anciens élèves parmi d'autres : maître Abdennour Ali Yahia et le Dr Boussaad Khati, professeur de pédiatrie.
Elle partage l'engagement politique de son mari, l'appuyant dans son combat, adoptant la famille de l'UDMA en accueillant ses militants, collaborant au premier organe de presse du Mouvement Egalité, puis à République algérienne, sous le pseudonyme de Juba II.
Ses prises de position lui valent d'être stigmatisée dans son environnement professionnel, au plus fort du régime de Vichy, tant par certains de ses supérieurs hiérarchiques que par ses collègues de travail. Elle est même alors la cible de lettres anonymes calomnieuses.
En 1949, Ahmed Boumendjel ayant été élu conseiller à l'Assemblée de l'Union française puis au Sénat français, elle le suit à Paris où il a ouvert un cabinet d'avocat.
Elle devient professeur d'Ecole normale et enseigne successivement aux écoles de St Germain-en-Laye, du Bourget et de la rue des Batignolles, dans le XVIIe arrondissement de la capitale, qui existe toujours sous la nouvelle appellation d'IUFM (Institut universitaire de formation des maîtres).
Le 23 mars 1957, le frère d'Ahmed, Ali Boumendjel, est assassiné pendant la Bataille d'Alger. Ahmed, alors l'un des responsables de la section parisienne de la Fédération de France du FLN, est contraint, à 49 ans, de quitter clandestinement la France et sa famille pour rejoindre Tunis où il devient directeur des affaires politiques au ministère de l'Information du GPRA.
Gilberte Boumendjel fait face, seule, malgré le soutien de quelques fidèles amis en lien avec la Fédération de France du FLN, à un quotidien fait de peur du lendemain et de solitude, sentiments renforcés par un harcèlement téléphonique de menaces et d'insultes. En 1960, a lieu la première tentative de négociations à Melun, dans la région parisienne, où l'Algérie est représentée par Ahmed Boumendjel et Mohamed-Sedik Benyahia. Ces négociations sont un échec.
En représailles, Mme Boumendjel se voit confisquer son passeport (son passage par la rue des Saussaies de sinistre mémoire, où elle a été convoquée, la marquera durablement) ; son poste de l'école des Batignolles lui est retiré et elle est «reléguée», par mesure disciplinaire, à l'enseignement par correspondance, devenu CNED (Centre national d'enseignement à distance) — où elle sera d'ailleurs maintenue jusqu'en 1962 et jusqu'à sa retraite, ce qui lui permettra de retrouver l'Algérie dès 1962 et d'y vivre.
En juin 1961, au moment des négociations d'Evian où Ahmed Boumendjel est membre de la délégation algérienne, son domicile parisien est l'objet d'un attentat à la bombe ostensiblement signé de «La Main rouge». A l'été 1961, la décision est prise de quitter la France, devenue dangereuse, pour se replier à Genève.
Réfugiée un temps avec ses filles au couvent dominicain de La Tourette, où le chef de la communauté des religieux, contacté par des amis chrétiens, accepte de les héberger jusqu'à leur départ pour la Suisse, Mme Boumendjel rejoint la ville d'Evian où, à bord d'une navette de plaisance et au milieu d'un flot de touristes, elle parvient à passer sans encombres en Suisse.
Elle y séjourne jusqu'à l'Indépendance et retourne en Algérie en 1962 pour rejoindre son mari nommé ministre dans le premier gouvernement de l'Algérie indépendante constitué par le président Ahmed Ben Bella.
Elle vivra désormais à Alger auprès de ses filles et de ses petits-enfants, perdra son mari le 19 novembre 1982, et prendra la nationalité algérienne en optant pour le prénom de Saâdia, en 1985.
En mai 1987, elle est victime d'un accident vasculo-cérébral, qui lui imposera quinze années de lourd handicap et de souffrance.
Elle meurt le 12 octobre 2002 : elle repose en terre algérienne, comme elle le souhaitait, au cimetière de Sidi M'hamed, dans la tombe de son époux Ahmed Boumendjel.
M. B.
Le génome oublié ou l'honneur à celles venues d'ailleurs
A regarder le souci de posture et les cravates de nos hommes «politiques», nous perdons jusqu'au besoin de nous revendiquer de la même Nation, de la même Histoire et du partage d'un patrimoine commun, malgré tout.
Que connaissent-ils justement de cette Histoire, de ce patrimoine et de ce ciment qui fondent la nation que nous reconstruisons sur les ruines de l'oubli et de la négation ?
Cette longue Histoire de notre pays a été marquée par l'émergence de femmes remarquables. Quelques-unes ont été gravées à jamais dans notre mémoire collective et d'autres sont restées anonymes dans l'ombre.
Pourtant ces dernières n'ont pas moins de mérite. C'est à s'interroger sur cette volonté d'amoindrissement de la bravoure et du courage des humbles. C'est comme si le peuple vietnamien n'avait jamais vaincu la superpuissance américaine, qu'Allende n'était pas mort en défendant la République au Chili et que tuer Saddam ne signifiait pas la mort d'un Irak. Ce sont les leçons d'humilité de l'Histoire qui se répètent.
Sans tambour ni trompette, des femmes ont contribué à écrire, à façonner, avec leur sang, leurs larmes et leur courage, le destin et le devenir de notre pays.
C'est grâce à leur dévouement, leur modestie et leur vaillance, ces qualités si rares mais combien salvatrices, pour une Algérie libre et de progrès social, qui font que nous existons et que nous pouvons nous revendiquer du droit d'être des hommes affranchis par le glaive et par le sang. Sommes-nous en droit d'oublier, de taire et d'ensevelir à jamais cette autre partie glorieuse de notre Histoire contemporaine ?
Nous ne pouvons, aujourd'hui, nous départir du devoir de mémoire pour exiger de lever ce voile honteux qui cache toutes nos héroïnes, ces mères de notre patrie et de notre fierté. Certaines ont été seules à braver le colonialisme, d'autres ont été les compagnes de héros et de patriotes avec lesquels elles avaient choisies de lier leur destin, mais toutes étaient dans les réseaux du FLN-ALN.
Elles étaient venues par conviction, par amour, par abnégation mais elles ont lié leur être au nôtre, l'Algérie. Nous ne pouvons que la chérir encore plus grâce à elles, à celles «venues d'ailleurs».
En ces moments d'incertitudes, d'intolérance administrée, d'arrivisme programmé, de haine subventionnée et d'injustice intolérable, nous nous devons de nous recueillir avec gratitude et reconnaissance devant les tombes austères de celles et de ceux qui firent de nous des hommes libres de leur destin. A jamais, nous leur serons reconnaissants.
Gilberte Saâdia Boumendjel, née Charbonnier, fait, bon gré mal gré, partie de l'autre Histoire de notre pays, celle qui porte en nous le droit de nous perpétuer, celle qui ne peut laisser pour compte «pertes et profits» ses enfants et ses géniteurs.
Combien sont-elles ces femmes qui ont pris sur elles de préserver nos héros, nos martyrs inconnus ou connus, nos leaders, les façonneurs de notre Histoire et de notre identité ?
Sommes-nous en droit d'ignorance et d'ingratitude ? Pouvons-nous reconstruire ou construire une Nation, une identité en nous délestant du meilleur de nous-mêmes ?
Les héros, les braves et les martyrs ne se battent pas pour être des icônes mais juste et simplement pour faire vivre les autres dans la dignité.
Gilberte-Saâdia Boumendjel Charbonnier a donné le meilleur d'elle-même pour que nous puissions être l'Algérie. Honte à ceux qui sont au pouvoir et qui ignorent jusqu'à son existence.


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