Tout comme l'habile aquarelliste qui sait créer une vibration particulière dans ses tableaux, grâce notamment à des éclats lumineux naturels aux bons endroits, Vera Kitova nous fait vivre une expérience émotionnelle unique, née de la magie de poèmes aux pigments finement ciselés. L'Algérie est au cœur de ce voyage poétique. «La poésie de Vera Kitova est une peinture en mots. Les couleurs sont émotions. Les coups de pinceau sont sentiments. Parfois retenus, parfois libérés. L'élégance est là, dans le profond respect de l'autre (...). Le poète est un philosophe du futur, non parce qu'il annonce un avenir qui toujours nous échappe, mais parce qu'il célèbre un présent éternellement actuel, une absence-présence qui demeure à jamais accessible. Tous ces temps passés, rassemblés en ces pages chaleureuses et colorées, parfumées et musicales, inaugurent à l'instant même une nostalgie du futur pleine de promesses d'amitié entre les peuples et d'amour de la liberté», la peint à son tour Rémi Boyer, membre de la Société des gens de lettres (France) et auteur de l'avant-propos à Algérie sublimée. Ce recueil de poèmes édité par l'Enag est un hymne à l'Algérie. Un hommage sincère, affectueux, venant d'un cœur aimant et que la mémoire tisse en une toile vivante. Vera Kitova n'a jamais oublié l'Algérie. Elle écrit dans cet ouvrage : «J'ai intitulé ce recueil de poèmes Algérie sublimée parce que j'ai visité ce pays 50 ans après mon premier séjour comme médecin, en 1962-67 à l'hôpital régional de Mostaganem. J'étais chef de service médecine-femme, j'ai fondé le service de pédiatrie qui n'existait pas et j'étais médecin assermenté pour l'administration de la ville et du port. Dans ce pays, j'ai été pénétrée par la lumière de sa culture, sa philosophie et aussi par une incroyable flamme de vivre. 50 ans après (...), j'ai retrouvé une hospitalité remarquable, une gentillesse d'esprit extraordinaire et une lumière poétique qui baigne cette terre.» Elle est revenue, comme pour un pèlerinage libérateur et qui apaise la mémoire de celle qui a quitté son Afrique. «Mes rêves bleus déchirés/Des chansons sans refrain/Et au bout du désert/ Sur les traces si visibles/Du Petit Prince enchanté/J'ai laissé à jamais/Mon coeur si fidèle.../ Mon âme, j'ai laissée/En Afrique lointaine», égrène-t-elle ses notes nostalgiques dans J'ai quitté mon Afrique, le poème qui ouvre le recueil. Le poète, ce «nomade de l'âme» a ensuite vécu bien des pérégrinations, «Toujours en route pour explorer/Des terres nouvelles et lointaines (...)/Pour y puiser la vérité». Et toujours cette mémoire vivante : «Sous le ciel bleu de l'Algérie/Il y a une mémoire étrange/Qui garde les pages déjà jaunies/Bien choisies et qui les rangent/Au plus profond/Comme un trésor enseveli». La mémoire qui enfante le poème et le met en musique. «Les ondes viennent toutes seules par vagues/Pour nous rappeler de chères images/Du temps passé ou du présent/ Des sentiments — joie ou rage/Apportent fraîcheur pour la pensée/Et la splendeur d'un vrai mirage», se laisse guider le poète, puisant son inspiration à l'écoute des vagues. Algérie et Bulgarie surfent ensemble sur la crête de ces vagues méditerranéennes. Des figures chorégraphiques chantant l'amour, l'amitié, la paix, la liberté, la beauté, le rêve, l'humain... Des sentiments vrais et à profusion, qu'il suffit juste de ramasser : «J'ouvre ma valise pour prendre cette terre/Venue de si loin, Afrique et Algérie/ Pour faire pousser des roses dans mon petit jardin/Juste aux pieds de mes Balkans uniques/Et sur cette terre, faire pousser les branches/ Aux fleurs multicolores couvertes de neige blanche». Des poèmes «comme des chansons de jadis imprégnées de tendresse», et que le «Collectionneur des instants magiques /Qui déchiffrait les moments ensevelis/ Et donnait un sens aux paroles énigmatiques/Pour réchauffer sa solitude à venir» a su composer et dédier spécialement à l'Algérie. «A ce pays magnifique, l'Algérie, baignée par le soleil, la culture, la dignité et la générosité, mais aussi envoûtée par cette ouverture d'esprit pour la philosophie humaine et l'amitié», écrit l'auteure dans sa dédicace. Vera Kitova a exercé la médecine en Bulgarie, en Algérie et en Tunisie. Elle est également écrivaine, poète et peintre. Elle a publié de nombreux ouvrages en bulgare et en français. Hocine Tamou Vera Kitova, Algérie sublimée, poèmes, Enag Editions, Alger 2014, 106 pages.