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Publié dans Le Soir d'Algérie le 28 - 08 - 2013


Par Youcef Merahi
J'ai appris, avec tristesse et colère, le décès de l'ami, M'hand Kasmi, que je croyais indestructible, tant il portait sur son visage la fougue, la parole haute et le sourire vrai. Je l'ai vu, la dernière fois, lors d'une conférence animée par Hamid Nacer-Khodja, au centre diocésain, autour de la vie et de l'œuvre de Jean Sénac. Je n'ai pas été étonné de voir M'hand, accompagné de Kiki (qui ne le connaît pas ?), connaissant sa grande culture et son amour pour la littérature. Tristesse, parce que nous perdons encore un des nôtres qui laisse une place difficile à combler. Colère, car j'aurais pu, ce jour-là, justement, prolonger un peu la discussion avec lui et partager (est-ce possible ?) le fardeau de la douleur.
Pour un peu de présence amicale, j'appelle Nacer-Khodja Hamid, ce poète réfugié sur les Hauts-Plateaux de Djelfa. La discussion a tourné autour de notre ami, M'hand, de l'ENA, des quatre années de vertige et d'amour, puis des (dés)illusions qui s'en suivirent, le temps que le cœur et les tempes blanchissent. Et de la météo. De la canicule. De la presse. Et de poésie. M'hand Kasmi aimait les poètes et leurs fulgurances. Ne l'était-il pas à sa manière ? En prof d'université qu'il est, poète à ses heures perdues, NKH me demande de consacrer une chronique à la poésie, cette répudiée par l'édition et les lecteurs. Et de tous ces oubliés médiatiques que la muse ne cesse de torpiller dans l'ombre pour espérer un rai de lumière. Puis Amin Zaoui a réussi à sortir de la marge ceux-là mêmes qui osent encore, au mépris de tous les vents de sable, de taper de la poésie, jusqu'à l'ivresse (cf Liberté du 23.8). En fait, chacun se shoote avec ce qu'il veut, de vin, d'amour, de solitude, de mégalomanie, de corruption, d'infidélité, ou – paradoxalement — de poésie. Oui, oui, oui, les poètes existent encore !
Convaincu, même si ce n'est pas de mode, j'avais en mon for intérieur décidé de briser la porte des oubliettes et autres cachots où (se) sont enfermés les poètes. Mais décider et faire relève du miracle, comme de réunir deux droites parallèles. En effet, par obligation médicale, j'ai dû accompagner un malade aux urgences de l'hôpital de ma ville. Une fois, le périple (in)hospitalier entamé, adieu poésie, poètes et autres démiurges de la planète ! La réalité algérienne est là, présente, pesante, stressante et paralysante. Il me fallait l'affronter, moi qui essaye d'éviter, autant que faire se peut, tout couloir de l'administration. J'ai le mal de l'administration, comme l'autre a le mal de l'air. Il y a des pilules pour lutter contre l'altitude, mais comment faire devant une administration autiste ?
Curieusement, la salle d'attente (ne faut-il pas la nommer salle d'éternité, car il faut savoir compter les moutons pour ne pas dormir, cette fois-ci ?) était quasiment vide. Mon malade est aussitôt pris en charge par des internes, il souffrait beaucoup. Auscultation. Prise de la tension. ECG. Le toubib hoche la tête. Suspense. Frayeur aussi. Un autre malade arrive. Admis dans la même salle, en fait un réduit où trône trois ou quatre civières. On laisse l'un et on passe à l'autre, suivant l'état de gravité. Normal, me dis-je. Il faut appeler le cardiologue. Urgent. Et voilà qu'une dame, qui arrive à peine à respirer, occupe le dernier lit (sic !). La salle d'attente se remplit, surtout des accompagnateurs. Nombreux, nous étions nombreux. La préposée au guichet, l'air placide, répond par habitude. Puis, elle quitte son poste. Un bon moment. Le cachet des urgences est dans sa poche. Normal, par les temps qui courent ! Une chaîne se forme qui pour un renseignement, qui pour cacheter une ordonnance. Le cardio est-il là ? Oui, me dit-on. Par où est-il entré ? Par la porte, pardi. Ah, d'accord, il est habillé en civil. Compris, il n'a pas sa blouse. Camouflage. Mon malade se traîne péniblement vers moi, une ordonnance à la main. Il faut faire une radio du thorax. Où ? A deux pas, me renseigne un agent de sécurité. Pas de chariot pour malade. En avant, descendons quelques marches d'escalier et, hop encore du monde. Malthus a dû penser à l'Algérie, en son temps, non ? Un peu de patience. Une infirmière fait l'appel, la voix sourde.
Curieux de tout, j'ai remarqué un ballet d'aller et retour de blouses blanches, vertes et bleues. Je crois que le compte y est. Ça sort. Ça rentre. Circulation intense, comme celle des voitures qui empruntent la rue Lamali-Ahmed, dite «route de l'hôpital». De cette farandole de blouses, je n'arrive pas à distinguer le médecin de l'infirmière, l'agent de salle du chef de service. Tout est pêle-mêle ! Ce n'est pas mon problème, pourvu que l'on s'occupe de mon malade. Le cliché en main, nous repartons vers «notre» urgence. Voilà, docteur. Asseyez-vous là, on refait l'ECG. Le premier n'était pas bon. Puis à mon grand étonnement, en plus de parélie de couleurs, je constate que les appareils ECG vont de main en main, de service en service et quittent même les urgences pour aller je ne sais où. N'y a-t-il qu'un seul appareil pour autant de malades ? Nous attendons encore. Aucune information n'est donnée. Tu attends, point barre. Je prends mon courage à deux mains et demande à un jeune habillé d'une blouse blanche qui me rassure qu'il est médecin interne et qu'il peut me renseigner. Une énigme en moins : blouse blanche égale médecin. Euréka ! Et alors, mon malade ? Le cardio doit la revoir pour décider. De quoi ? Hospitalisation ? Peut-être. Il est où, le cardio ? La main droite, façon de me signifier, no say. Il va tarder ? Patientez, monsieur, votre malade ne risque rien, il est aux urgences. Je sors de l'hôpital m'acheter de la lecture. Des journaux de sport, pourquoi pas ? El-Eulma attend de pied ferme la JSK. Que fera le CRB sans Slimani. Taïder signe à l'Inter. Neymar marque son premier but avec Barcelone. Un prodige, si j'ai bien compris... Une ambulance, soulevant un tapis de poussière s'arrête, y descendent deux citoyens qui tentent d'aider une malade à descendre de l'ambulance. Pas de civière. Le marchepied inopportun. Pas d'infirmier qui accourt, comme dans les films. La malade est traînée presque, en criant de douleur. Des âmes charitables, il y en a encore, prêtent assistance.
Inquiet, je repars m'enquérir de mon malade. Même posture, assise droite sur une chaise inconfortable. Urgence oblige, me dis-je. Un vieux monsieur demande à l'interne de lui faire une injection, il tousse beaucoup. Et ce jeune qui n'arrive pas à expliquer l'état de son œil, rouge à cracher le sang. Et l'autre qui répond au téléphone, en hurlant dans le combiné, sans se soucier du lieu. Sbitar yak kho ! Pas Dar Sbitar, ya Mouh ! Tiens, mon malade sort de la salle, un cagibi plutôt. Le cardio l'a revue. Plus de problème cardiaque. Le dysfonctionnement n'est plus, la valve a repris son job normalement. Mais il faut repartir, demain, revoir le cardiologue de famille. Je m'occupe peut-être de choses qui me dépassent ; la médecine, c'est du sérieux ! Je ne remets pas en cause le cardio de l'hôpital, ni les internes, ni la préposée au guichet. Je remets en cause le système hospitalier, en panne de médecine. Les médecins existent. Les gestionnaires sont là aussi. L'hôpital n'est pas fermé. Mais a-t-il les moyens de sa politique ? Il ne suffit pas de repeindre les locaux, de les climatiser, de s'occuper des espaces verts, ce n'est pas tout malheureusement. Il faut des soins. A partir du moment où un malade est hospitalisé, il n'a pas à s'inquiéter des réactifs, des pochettes de sang, du transport d'un service à un autre, des radios à faire, du garde-malade. Et tout le toutim ! Il faut le soigner. Dignement. Humainement. Avec toute la logistique exigée. N'y va pas qui veut au Val-de-Grâce !
Il n'empêche que nous continuons de croiser la rime, d'espérer nos rêves, de croire en demain, d'aimer notre pays et d'y vivre malgré tout. Pardon NKH, Lamartine me parle comme jamais il ne l'a fait. Mais voilà, la réalité algérienne est là, qui nous saisit au collet jusqu'à l'étranglement. Une autre fois, je promets une chronique sur la poésie et les poètes. Je n'ai pas rêvé cette chronique-ci, je l'ai vécue, du moins, avec mon âme de poète.
Paix à ton âme M'hand, salue de ma part nos camarades, là-bas !


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