De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Signe des temps et de la décadence, l'Union européenne devient copie conforme de la sinistre Ligue des Etats arabes. A l'intérieur du territoire, les opinions publiques sont favorables à l'option Bachar Al Assad. La déconstruction européenne a-t-elle, déjà, commencé ? Ambiance de Ligue arabe lors de la réunion des ministres de l'Intérieur de l'Union européenne à Bruxelles. Les grands flics des 28 devenus 26, tout le monde n'est pas dans Schengen, ne s'entendent sur rien. Pas d'accord sur la répartition des migrants comme le veut l'Allemagne. Aucun consensus sur la fermeture ou pas des frontières internes ou externes. Chaque Etat agit comme bon lui semble. La Hongrie dresse un mur immense, infranchissable avec la Serbie, pourchasse les réfugiés, les arrête, les humilie, refuse même d'enregistrer leurs demandes et ne les laisse pas filer vers d'autres destinations. L'armée est déployée dans Budapest et ses environs, la Pologne, la Slovaquie, la République tchèque agissent de la même façon alors que le flux des arrivants ne cesse d'augmenter. La chancelière allemande ne sait plus comment opérer. Presqu'un million de personnes sont dans le territoire et ça continue. Merkel a ordonné un contrôle rigoureux pour réguler les passages, mais, sans doute, Berlin sera appelé à durcir davantage. La France, traditionnel soutien de l'Allemagne (Ah le bon vieux temps du couple franco-allemand !) est paralysée. Le gouvernement socialiste est coincé, pris de court. Il ne peut pas tenir le discours du FN ou des «Républicains» de Sarkozy, et en même temps, il doit compter sur une opinion publique foncièrement droitisée, devenue réactionnaire, hostile aux valeurs dites de gauche, humanistes. La France redevient ce qu'elle était avant la libération. Fermée, recroquevillée sur elle-même, peureuse, stressée, au bord de la crise de nerfs, capable de se donner à la dynastie Le Pen ou à redonner sa chance à Sarkozy par qui la guerre de Libye est arrivée et qui veut faire sauter la digue entre la droite républicaine et l'extrême-droite. Pour le moment, en Hexagone, le chemin, le discours des «Républicains» et du Front national se confondent, s'harmonisent, ne font plus qu'un. Du moins celui de l'aile (la plus importante) de Sarkozy. François Hollande tente, en Europe, d'obtenir ce que la France ne lui accorde pas. Peine perdue. En Union européenne, ça sent mauvais. A l'Est, Varsovie, Prague, Budapest, Bratislava, Sofia, Gdansk, Cracovie, les temps sont au racisme, à l'exclusion de l'autre, de l'Arabe (le Syrien est arabe donc pas le bienvenu), à l'islamophobie, aux préjugés racialistes, au piétinement, en définitive, des valeurs sur lesquelles les ex-Est ont été accueillis en Union européenne. Plus rien n'est comme avant, ici. Bruxelles, la capitale de l'ensemble européen, n'en peut plus, les conclaves des ministres des AE, de l'Intérieur, de l'Economie s'y succèdent pour revenir aux fondamentaux, rien n'y fait. Les chefs d'Etat et de gouvernement sont, régulièrement, appelés à la rescousse (ça sera le cas cette fois encore. Sommet fin septembre), leurs conclaves s'achèvent toujours par des communiqués laconiques et d'ennuyeuses conférences de presse. Avant-hier, pourtant, un élément nouveau est apparu lors du conciliabule des patrons de la police européens. Les Allemands et les Belges ont posé, clairement sur la table, la question Bachar Al Assad. D'un mot, Berlin et Bruxelles veulent reprendre langue avec le Président syrien et négocier avec lui la guerre contre Daesh et le djihadisme criminel. Ce qui rejoint l'état des opinions publiques européennes qui, toutes, ne voient aucun inconvénient à s'allier avec le régime syrien. D'autant que tous les témoignages des réfugiés déferlant sur l'Europe indiquent les coupables, les assassins et les destructeurs. Ce sont Daesh, Nosra et les autres groupes de la nébuleuse terroriste. Nébuleuse, précisément, que beaucoup d'Etats européens ont soutenue au nom de la lutte contre... Al Assad. Le montage intellectuel de cette posture ne tient plus, ici. D'où la confusion qui règne à Bruxelles et les similitudes avec la sinistre Ligue des Etats arabes. L'Union européenne se dégrade, se déconstruit, n'est plus que l'ombre d'elle-même. Elle est devenue UE-OTAN, au service des USA et de l'Alliance atlantique. En interne, Bruxelles ne tiendra plus.