Dans la 1re partie de ce dossier (dans Le Soir d'Algérie du lundi 12 octobre 2015), nous avions traité des objectifs, des missions et du plan d'action de l'Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLC), en s'appuyant exclusivement sur la version officielle qui en est donnée sur son site internet. Dans cette 2e et dernière partie, nous publions les «Résultats obtenus», toujours selon l'ONPLC. Les «Résultats obtenus» — selon l'expression utilisée par l'ONPLC — ont été communiqués par son président à travers un rapport au «Groupe de travail auprès des Nations unies, intergouvernemental, à composition non limitée, sur la prévention de la corruption», lors de la 5e réunion intersessions, à Vienne, en Autriche, du 8 au 10 septembre 2014. Ce «Groupe de travail» international a été installé dans le cadre de l'évaluation de l'application de la Convention des Nations unies contre la corruption par les pays qui l'ont ratifiée, dont l'Algérie. D'autres «Groupes de travail» ont été mis en place, traitant d'autres thèmes contenus dans ladite convention, notamment le recouvrement des avoirs détournés, les délits liés à la corruption, blanchiment d'argent, etc. La version officielle très loin de la réalité Nous publions ci-contre la version officielle des «Résultats obtenus». «L'ONPLC a engagé l'ensemble de ces procédés, dont les résultats, tant par rapport au dispositif de contrôle que pour les autres actions convenues, devront commencer à parvenir courant 2014 et 2015. 1- Convention avec le ministère de l'Education nationale pour le développement de programmes destinés aux enfants scolarisés (écoles, lycées et collèges). 2- Convention avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique pour le développement d'unités d'enseignement destinées aux étudiants et dédiées à la prévention et à la lutte contre la corruption dans de nombreuses disciplines (économie, finances et banques, commerce, droit, sociologie, psychologie, etc.) ainsi que l'encouragement de la recherche sur le phénomène dans les travaux de thèses ou de mémoires de fin de cycle d'études et ceux des équipes scientifiques universitaires. 3- Convention avec le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales qui a permis la collecte de 22 000 déclarations de patrimoine des élus locaux, lesquelles sont en cours de traitement. 4- Un projet de déclaration en ligne est en cours d'étude avancée pour les autres catégories d'assujettis, représentées par les hauts fonctionnaires et les agents publics occupant des postes sensibles (le projet sera finalisé courant 2014). Il y a tromperie sur la marchandise 5- «Enquête sur la perception de la corruption en Algérie» auprès du grand public, travaux menés en partenariat avec le Centre de recherches en anthropologie sociale et culturelle (CRASC), établissement de réputation internationale. 6- «Enquête en cours sur la perception de la corruption et de la bureaucratie» auprès des agents publics en vue de la généralisation de codes de conduite. 7- Intégration des perspectives de prévention et de lutte contre la corruption auprès des inspections de services et des grands corps de contrôle en liaison avec l'organe ; le premier thème abordé est «L'évaluation du contrôle interne dans les administrations et le secteur public économique». 8- Un texte réglementaire doit être soumis par l'organe aux autorités compétentes afin d'amender les missions des inspecteurs généraux de ministères dans le sens de leur intégration au dispositif de prévention et d'alerte. Convention avec un institut supérieur de gestion, pour le développement du «Programme national de formation et de sensibilisation anti-corruption», destiné aux agents publics, et notamment ceux chargés des inspections et contrôles ainsi que des enseignants de l'Education nationale ; cette initiative d'envergure doit également déboucher sur l'émergence d'une académie anticorruption. 9- Elaboration d'une fiche de profil des postes particulièrement exposés aux risques de corruption, à assujettir à la déclaration de patrimoine destinée à la Direction générale de la Fonction publique. 10- Elaboration d'un modèle de code de conduite des agents publics chargés de la passation des marchés.» Fin de citation du document officiel de l'ONPLC portant sur les «Résultats obtenus». A la lecture attentive de ce texte, nous sommes en droit de nous interroger sur ce qui a été réellement réalisé — très peu de choses en fait —, et sur ce qui ne l'a pas été — presque tout ce qui est indiqué. Est-ce que le gouvernement algérien a voulu montrer aux Nations unies et à ses pairs, qu'il était un bon élève de l'application de la Convention des Nations unies contre la corruption ? Pourquoi avoir délibérément gonflé les «Résultats obtenus» ? Il y a visiblement tromperie sur la marchandise. Et rien n'a changé depuis septembre 2014, date où furent présentés ces «résultats»... Déclaration de patrimoine à la peine Le Premier ministre a, par lettre n°96/PM du 18 avril 2015, instruit les membres du gouvernement à l'effet d'entamer l'opération de remise à l'ONPLC (l'Organe national de prévention et de lutte contre la corruption) des déclarations de patrimoine relatives aux agents publics définis par le décret présidentiel n°06-415 du 22 novembre 2006. L'instruction du Premier ministre est accompagnée d'une note d'organisation n°04/15 ONPLC (*) du 19 avril 2015, élaborée par les services de l'Organe national de prévention et de lutte contre la corruption. Cette note qui définit les modalités pratiques de mise en œuvre de cette instruction est disponible dans la rubrique «Déclaration de patrimoine». Six mois plus tard, quel est le bilan de cette opération ? Visiblement pas grand-chose. Combien de déclarations lui sont parvenues ? On ne sait pas. Qui plus est, à quoi bon collecter des déclarations, si on ne peut pas en vérifier la véracité, encore moins sanctionner les déclarants qui ont triché ? Beaucoup de questions sans réponse... Une structure repliée sur elle-même L'ONPLC a été créé le 20 février 2006 (loi relative à la prévention et la lutte contre la corruption, voir JO du 8 mars 2006). Il aura fallu attendre 9 mois pour que soit publié le texte d'application le concernant : décret présidentiel n° 06-413 du 22 novembre 2006 fixant la composition, l'organisation et les modalités de fonctionnement de l'organe national de prévention et de lutte contre la corruption (JO n°74 du 22 novembre 2006). L'installation de l'ONPLC n'aura lieu que... 4 ans plus tard !! Il n'était même pas encore opérationnel que le décret du 22 novembre 2006 sera profondément remanié par décret présidentiel n° 12-64 du 7 février 2012 (JO n° 8 du 15 février 2012). Visiblement l'Exécutif a voulu plus ou moins se conformer aux dispositions de la Convention des Nations unies contre la corruption qui recommandent fortement que les Agences gouvernementales anti-corruption s'ouvrent sur la société civile (ONG, experts, bureaux d'études, etc.). Dans l'article 9 bis du nouveau décret, nous apprenons que «le président de l'organe est assisté d'un directeur d'études chargé, notamment, de préparer et d'organiser les activités du président dans le domaine des liaisons avec les institutions publiques ainsi que les relations avec les organes d'information et le mouvement associatif». Ce que rappelle aussi l'article 17 : «l'organe peut solliciter le concours de toute administration, institution ou organisme public dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la corruption. Il peut, également, faire appel à tout expert, consultant ou organisme d'études susceptible de l'assister dans ses travaux conformément à la réglementation en vigueur». Mieux encore, l'article 13 bis donne un prolongement organique à cette ouverture de l'ONPLC : «La division de la coordination et de la coopération internationale est chargée, en particulier : - de mettre en œuvre les modalités et procédures de coopération avec les institutions, les organisations de la société civile, les organismes nationaux et internationaux à vocation de prévention et de lutte contre la corruption, en vue d'assurer un échange d'informations régulier et utile à la normalisation des méthodes de prévention et de lutte contre la corruption et au développement de l'expertise nationale dans ce domaine...». Les textes c'est bien beau, mais l'ONPLC à ce jour ne semble pas concerné : il y a bien quelques contacts — plutôt timides — avec des organes similaires d'autres pays, mais l'appel à des experts ou à des consultants ne semble pas être à l'ordre du jour. Encore moins le contact avec les médias ou les associations... L'ONPLC a choisi de «travailler» en vase clos, replié sur lui-même, c'est-à-dire ne rien faire. Bientôt un nouveau... siège ! Il ne faut pas croire que l'Organe national de prévention et de lutte contre la corruption perd son temps, la preuve : il va bientôt déménager, et son nouveau siège sis au 14, rue Souidani-Boudjemaa, à Alger, le rapprochera du centre-ville. Depuis son installation, il était sur les hauteurs, occupant provisoirement la villa Raïs-Hamidou (ex-Pouillon), à Maqam Echahid, El Madania, Alger. Il en est à la phase d'équipement de son nouveau siège : il vient de lancer un appel d'offres national ouvert adressé aux fabricants et fournisseurs de meubles de bureaux. Est-ce à dire que dans ses nouveaux murs, l'ONPLC sera plus dynamique ? Rien n'est moins sûr... Djilali Hadjadj (*) Pour en savoir plus sur cette note, ouvrir le lien suivant : ttp://www.onplc.org.dz/onplc_fr/index.php?option=com_content&view=article&id=71&Itemid=4