Le droit de préemption de l'Etat en cas de cession d'actifs à des tiers a-t-il été abandonné ? Non, affirmait hier le ministre de l'Industrie et des Mines qui évoque son élargissement à la fiscalité. Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) - En marge d'une rencontre économique algéro-suisse à l'hôtel Hilton, Abdesselam Bouchouareb a récusé les assertions exprimées ici et là et selon lesquelles cette disposition légale, voire la souveraineté nationale, auraient été abandonnées. Des assertions infondées, révélant peut-être le fait que «les gens ne savent pas lire», considérera le ministre de l'Industrie. «Jamais. Le droit de préemption n'a pas été abandonné. A contrario, il a été renforcé, clarifié» dans le cadre de la prochaine loi sur l'investissement, assure Abdesselam Bouchouareb. «Nous avons même mis en place le droit de préemption fiscal», indique-t-il. Expliquant que l'ancien texte ne prévoit aucune disposition au cas où l'Etat «délaisse» le droit de préemption et que l'opérateur minore la valeur du bien, le ministre de l'Industrie indiquera qu'une mesure a été introduite et qui donnera le droit à l'administration fiscale «de revenir une année même après avoir délaissé ce droit» pour vérifier s'il y a eu minoration et le cas échéant, de reprendre le bien avec une majoration de 10%. Par ailleurs, Abdesselam Bouchouareb a indiqué qu'une importante superficie foncière sera progressivement distribuée dès le début de l'année prochaine aux investisseurs. Il s'agit de 8 700 hectares qui seront distribués, dans le cadre de la réalisation de 39 parcs industriels et pour lesquels des permis à lotir ont été libérés. Les importations automobiles diminueront de 2 milliards de dollars Sur un autre plan, le ministre de l'Industrie escompte une importante réduction de la facture d'importation de véhicules d'ici la fin de l'année. Selon un bilan des 10 premiers mois de 2015, présenté récemment devant les membres de la Commission finances et budget de l'APN, Abdesselam Bouchouareb constate que les importations ont diminué «en volume de 100 000 véhicules mais aussi en valeur de 1,565 milliard de dollars». Ainsi, «nous sommes en train d'aller vers un objectif en fin d'année qui tournera autour de 2 milliards de dollars et de 150 000 véhicules en moins», escompte le ministre de l'Industrie. «Quand vous analysez ces c hiffres, vous constaterez que le nombre a diminué certes, mais les mesures mises en place pour lier les concessionnaires directement aux fabricants ont permis de limiter la hausse de facturation», relèvera M. Bouchouareb. Au-delà du fait que la baisse de la valeur dépasse celle du volume, le ministre de l'Industrie considérera que les mesures édictées à travers le décret exécutif et le cahier de charges régissant l'activité des concessionnaires automobiles «commencent à apporter leurs fruits». Voire, «le marché est bien encadré, bien organisé et les professionnels seront les seuls au service du citoyen, du client», dira le ministre. Concernant la régulation du marché de l'occasion, Abdesselam Bouchouareb indique qu'«un groupe de travail a été mis en place qui œuvre depuis plus de quatre mois en vue d'organiser ce marché de façon similaire à celle du neuf». Comme le ministre de l'Industrie indiquera qu'«une réflexion est en cours concernant d'autres segments liés à l'automobile». Bouchouareb incite la Suisse à développer les investissements directs Lors de cette rencontre organisée par l'ambassade de Suisse en Algérie, la Chambre de commerce et d'industrie Suisse-Algérie et le Forum des chefs d'entreprises (FCE), et en présence de la Secrétaire d'Etat à l'économie du département fédéral helvétique de l'économie, de la formation et de la recherche, Marie-Gabrielle Ineichen-Fleisch, Abdesselam Bouchouareb avait invité les entreprises suisses à «s'impliquer davantage» dans la stratégie de relance de l'industrie nationale et de stimulation de l'investissement. Et ce, considère-t-il, dans le contexte économique actuel et d'autant que le pays du lac Léman est «un partenaire important pour l'Algérie». Or, si les deux pays entretiennent d'«excellentes relations politiques», les relations économiques doivent être renforcées, estimera le ministre de l'Industrie. Certes, Abdesselam Bouchouareb note une représentation économique helvétique importante et diversifiée sur le plan commercial. Il relèvera ainsi que «les grands groupes suisses dans l'agro-industrie, l'automation et l'énergie, la grande distribution, le pharmaceutique et l'équipement médical, la chimie, le bâtiment et les matériaux de construction, le transport ou encore l'horlogerie, le consulting et la formation sont peut-être discrets, mais je puis vous l'assurer ils font de bonnes affaires en Algérie». Toutefois, le ministre de l'Industrie souhaite que «la réussite commerciale s'engage résolument sur la voie de l'investissement», à «transformer la présence économique en investissements directs». Mais aussi d'inciter les investisseurs suisses à développer le transfert de leur «excellence» et maîtrise technologique et à profiter de la vocation de l'Algérie en tant que «hub», «passerelle» vers les marchés de l'Afrique et de toute la région. En ce sens, il considérera que cette rencontre constitue l'opportunité pour les opérateurs des deux pays de «se connaître, de discuter et de concrétiser enfin». Une invite à laquelle l'officiel suisse, Mme Ineichen-Fleisch répondra positivement, lors d'une brève allocution, en appelant les entreprises des deux pays à passer à la concrétisation de «premiers contrats» dans les prochaines semaines ou mois. Haddad dresse un constat négatif de la coopération Ce qui permettra de booster davantage la coopération économique et industrielle, au-delà des simples échanges commerciaux. Ce que le président du FCE, Ali Haddad, considérera également opportun, invitant à transcender le commercial et à cibler les secteurs économiques «porteurs» et exprimant sa conviction que «nous pouvons, nous devons faire plus et mieux». En fait, le président de l'importante association patronale déplorera le fait que «le taux du nombre d'entreprises suisses installées en Algérie ne dépasse pas 0,5% du total des entreprises étrangères en Algérie : entre 26 et 34 unités dans la période 2011-2014». Ali Haddad indiquera également que «même s'il a augmenté de 38% de 2011 à 2014 avec respectivement 858 millions de dollars et 1,2 milliard de dollars, le niveau des échanges commerciaux avec la Suisse reste très timide». Ainsi, les exportations algériennes vers la Suisse, essentiellement hydrocarbures (huiles de pétrole et du gaz liquide), ont connu une baisse drastique de 86% : de 257 millions de dollars en 2011, elles ont chuté à 9 millions de dollars et 1 million de dollar respectivement en 2012 et 2013 ; Puis une légère reprise en 2014 avec 35 millions de dollars». A contrario, «les importations algériennes de Suisse ont presque doublé (90,5%) : elles sont passées respectivement de 601 millions de dollars à 1,145 milliard de dollars», note le président du FCE. D'où l'invite à «considérablement inverser la tendance actuelle à la fois de nos échanges commerciaux et la nature de nos partenariats d'affaires». En ce sens, il assure que le FCE est «pleinement disposé pour apporter aux entreprises suisses toute la visibilité et tout l'appui dont elles auront besoin sur notre marché».