L'Algérienne des eaux fait, depuis jeudi, l'objet d'une grave accusation de corruption dans laquelle sont impliqués de hauts responsables espagnols. L'affaire a été révélée par le journal El-Mundo qui rapporte avec force détails les éléments de ce qui s'apparente à un véritable scandale. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Ce scandale a été mis au jour par un ancien associé de la société Voltar Lassen, appartenant à un député du Parti populaire espagnol représentant la droite espagnole, et l'actuel ambassadeur d'Espagne en Inde. L'associé en question, Cristobal Tomé, indique qu'il se trouvait en Algérie au moment où il a été chargé de verser de l'argent aux membres de la famille des responsables de l'Algérienne des eaux (ADE) pour l'obtention d'un contrat de construction et de montage d'une canalisation pour le projet d'une station de dessalement d'eau de mer dans la région de Souk Tleta, à Tlemcen. Toutes ces informations sont contenues dans deux lettres déposées au service espagnol de lutte contre la corruption. Selon le journal El Mundo, largement repris par des sites électroniques algériens, Cristobal Tomé qui a passé trente ans en Algérie, avoue avoir procédé lui-même à des versements destinés aux familles de l'ADE dans le but d'une obtention plus rapide du contrat. L'argent était acheminé via Western Union vers la France. A cette époque (les lettres décrivent apparemment des faits qui se seraient déroulés en 2012) une partie de l'argent, toujours destiné aux membres de la famille des dirigeants de l'ADE, tardait à arriver. Selon ses propres déclarations à El-Mundo, ce retard risquait de compromettre ses rapports avec ses interlocuteurs algériens et en particulier ses «futures relations avec l'oncle» qui, rapporte la même source, pourrait être le directeur général de la société algérienne. Pour hâter la procédure, il écrit une seconde lettre dans laquelle il relate que «le neveu d'un des responsables de l'ADE est hospitalisé à Paris et se trouve dans l'attente du versement de la somme de 10 000 euros». Cristobal Tomé confie au journal espagnol qu'il «fallait payer afin de faciliter l'obtention de contrats». Sûr de lui, il affirme être en mesure de «remettre», dévoiler en fait, toutes les preuves des avances qu'il lui-même a versées en vue de l'obtention du contrat de construction de la station de dessalement de Tlemcen. Et c'est là que nous apprenons d'autre part que l'actuel ambassadeur d'Espagne en Inde, Gustavo De Aristegui, et le député du Parti populaire espagnol Pedro Gomez De La Serna sont de leur côté soupçonnés d'avoir touché des commissions s'élevant à plusieurs millions d'euros suite à l'obtention de contrats en Afrique et en Amérique Latine. Une commission de 1% leur aurait été ainsi versée après l'obtention du contrat, s'élevant à 250 millions d'euros, avec l'Algérienne des eaux. Ce n'est pas tout, l'ancien associé de Voltar Lassen affirme d'autre part que le groupe pour lequel il travaillait a pu également obtenir un contrat relatif à la construction de la première ligne de tramay de Ouargla en 2013 pour un montant de 230 millions d'euros. Selon El-Mundo, l'ambassadeur et le député espagnol auraient au total touché mensuellement 15 000 euros et 737 000 euros de commission pour les contrats de Tlemcen et de Ouargla. Très peu de détails ont été fournis au sujet de contrat relatif à la construction de la ligne de métro dans cette wilaya du Sud algérien mais les informations révélées laissent planer le doute sur l'implication d'une autre société espagnole, Elecnor, dans des affaires de pots-de-vin avec des entreprises algériennes. Le nom de la societé Elecnor est cité dans l'affaire de l'Algérienne des eaux par Cristobal Tomé puisqu'il affirme avoir sollicité de cette dernière le versement d'une partie du «paiement» au «neveu hospitalisé» de l'un des responsables de l'ADE. Elecnor avait cependant refusé de payer après avoir pourtant promis de le faire dans un premier temps. Acculés par l'opinion espagnole très sensibles aux scandales de corruption de ce genre, les mis en cause ont tenté de se défendre en niant les faits. Selon El-Mundo, le député de droite affirme être l'objet d'une cabale menée par son ancien associé contre lequel il aurait déjà déposé plainte pour «menaces et extorsions». L'ambassadeur espagnol en Inde semble avoir de son côté décidé de ne pas s'exprimer sur l'affaire en indiquant uniquement avoir «cédé la gestion de ses affaires à son fils». A-t-il préféré garder le silence en raison de la sensibilité du poste qu'il occupe ? Sa position soulève cependant d'ores et déjà de nombreuses interrogations. Côté algérien, aucune réaction ne s'est fait entendre pour le moment en dépit de la gravité des faits reprochés au responsables de l'Algérienne des eaux. Affaire à suivre.