Des pratiques maffieuses, des manœuvres sournoises au niveau international, une propension à «caporaliser» l'establishment patronal, voire le pays. C'est ce dont la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA) accuse des membres, voire la direction du Forum des chefs d'entreprises (FCE). Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) - Le président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), Ali Haddad, serait-il le dirigeant d'une organisation maffieuse ? Une interrogation que les accusations formulées hier par le président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), Habib Yousfi, et la vice-présidente de cette organisation, Saïda Neghza, justifient. Lors d'une conférence de presse, le président de la CGEA a, certes, considéré que son organisation ainsi que les autres associations patronales, dont le FCE, ont des avis divergents sur la stratégie idoine de sortie de crise et de développement économique. Comme Habib Yousfi déplorera l'absence de concertation effective avec l'exécutif, le manque de confiance de ce dernier, l'absence de vision ainsi que l'impertinence de certaines mesures prônées au plan économique à travers notamment le projet de loi de finances pour 2016. Mais ce qui suscite l'ire, l'exaspération et l'inquiétude de la CGEA, Habib Yousfi l'explicitera à travers les critiques acerbes qu'il dressera à l'encontre du FCE. Constatant «la création d'une nouvelle organisation qui est en train de s'installer, de mettre ses tentacules un peu partout pour dire que c'est moi le patron et je dicte mes volontés au gouvernement, aux ministres», le dirigeant de la CGEA qui ciblera directement le FCE et son président estimera que «c'est grave». «Serions-nous dans une république bananière ? Y a-t-il un gouvernement bis ? D'où vient cette organisation ? Comment a-t-elle été créée ? Pourquoi et comment en est-on arrivé à ce stade ? Des interrogations que formulera Habib Yousfi en appelant à «une prise de conscience» contre cette propension à «caporaliser» l'establishment patronal, voire le pays comme il le considérera. Autre grief que le président de la CGEA formulera à l'encontre du FCE, des manœuvres sournoises, voire des actes de «traîtrise», que l'organisation de Ali Haddad aurait commises pour «court-circuiter» l'action de la Confédération au plan international. «Lorsqu'une structure patronale utilise des soutiens étrangers pour court-circuiter l'action d'une organisation qui travaille dans l'intérêt de l'Etat algérien, c'est de la trahison. ça ne sert ni les intérêts du pays ni ceux des patronats», déclarera M. Yousfi. Indiquant que la CGEA active notamment dans les structures dirigeantes de l'Organisation internationale du travail (OIT) et du Bureau international du travail (BIT) mais aussi au sein de l'Organisation internationale des employeurs (OIE) et de l'Union méditerranéenne des confédérations d'entreprises (BusinessMed), Habib Yousfi assure que son organisation participe à l'élaboration des règles et normes internationales «à l'intérieur des structures qui décident» mais aussi œuvre «dans l'intérêt du pays». Or, la CGEA constatera, sur la base de certaines correspondances adressées par la direction du FCE, que cette dernière agit pour faire «entrer de force» le Forum au sein de ces instances. Au-delà de la lettre datée du 24 novembre 2015 et signée par Ali Haddad et qui sollicite l'adhésion du FCE à l'OIE, l'on fera également état d'une lettre adressée par le secrétariat général du FCE à celui de l'organisation BusinessMed et datée du 8 décembre 2015. Notons que le FCE a été admis en tant que membre non votant de BusinessMed. Dans cette correspondance, le FCE demande à la secrétaire générale de BusinessMed d'«infirmer ou de confirmer les allégations» de la vice-présidente de la CGEA et également vice-présidente de BusinessMed (Saïda Neghza) selon lesquelles le Forum exercerait «des pressions en vue de l'évincer de sa position». Or, des pressions auraient été effectivement exercées par un membre de la direction du Forum, arguera Saïda Neghza. Elle fera ainsi état lors de cette conférence de presse d'un enregistrement d'une conversation téléphonique avec cet opérateur économique durant laquelle il aurait reconnu «avoir exprimé le vœu de l'élimination de Saïda Neghza de la fonction de vice-présidente de BusinessMed. Ce que le président de la CGEA confirmera, notamment dans la lettre qu'il a adressé en date du 13 décembre dernier au président de BusinessMed et dans laquelle Habib Yousfi estimera que «les alliances du FCE avec le monde patronal européen ne servent pas particulièrement l'économie algérienne». Voire, «les tentatives du FCE, exprimées à travers des correspondances adressées à d'autres institutions internationales et signées par leur propre président, constituent pour nous une preuve formelle des mensonges avancés par le FCE et notamment celui d'avancer que le FCE représente 1000 entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires de 30 milliards de dollars et qui emploie 25000 salariés», écrira Habib Yousfi en ajoutant que «c'est un gros mensonge que le président du FCE a assumé». Autre grief, l'exercice par le Forum de pressions indirectes sur la Confédération, voire de «pratiques maffieuses», considérera Habib Yousfi, en vue de le dissuader. De fait, le président de la CGEA évoquera, un fait «très grave» selon lui, des tentatives d'intimidation, d'«agressions» verbales, voire des menaces potentielles d'«atteinte à la personne physique» qui visent des adhérents de la Confédération et notamment la vice-présidente de la CGEA, Saïda Neghza. Ce que celle-ci confirmera en faisant état d'appels téléphoniques, de menaces indirectes, suscitant ses inquiétudes et l'incitant à solliciter, en termes éplorés, le président de la République à intervenir et mettre un terme à ces dérives, à «ce danger». Tout en n'écartant pas le dépôt d'une plainte en justice, le président de la CGEA tiendra, ce faisant, à adresser «un message ferme : toute personne qui tenterait de porter atteinte à la personne physique d'un adhérent de la Confédération et de surcroît sa vice-présidente, le paiera très cher». Le cas échéant, «les conséquences seraient terribles», avertit Habib Yousfi qui avait, à l'entame de la conférence de presse, retracé son parcours de moudjahid et de cadre dirigeant lors de la mise en place des services de sécurité. Ceci, tout en mettant «au défi» le président du FCE de venir débattre à la télévision de leurs programmes, le président de la CGEA invitera le gouvernement à «enquêter» si de tels faits délictueux devaient être confirmés. En somme, l'establishment patronal algérien semble baigner dans une ambiance délétère. Le FCE adopte la retenue «Nous ne pouvons entrer dans une polémique de bas niveau» C'est une réaction de retenue que le Forum des chefs d'entreprises (FCE) a eu, hier, suite aux propos du président de la CGEA et des accusations formulées à l'encontre du Forum. «Il est totalement impossible au FCE de rentrer dans ce genre de débat, de polémique d'un niveau très bas», déclarait hier une source autorisée du Forum. Voire, «le Forum des chefs d'entreprises intervient, réagit, discute et propose dans le cadre économique, dans ce qui concerne les questions économiques», précise-t-on au FCE, une association ainsi soucieuse de «ne pas s'abaisser».