La compagnie pétrolière irlandaise Petroceltic, partenaire de la Sonatrach dans le groupement Isarène, vient de traverser un week-end assez houleux avec l'un de ses principaux actionnaires, Worldview Capital Management, qui détient 29% des actions de la compagnie. Le fonds spéculatif suisse a réagi, en effet, aux allégations d'un blogueur qui accuse la compagnie irlandaise de corruption sur la gestion de ses actifs en Algérie. L'auteur anonyme des informations sur Petroceltic affirmait que la compagnie a recours à des consultants, pour sa filiale algérienne, pour une rémunération de 1 500 euros par jour. Hier, la compagnie Petroceltic a obtenu un verdict du tribunal de Dublin, ordonnant à l'hébergeur de supprimer le contenu du site web. Pour les experts en énergie, cette agitation n'est qu'un arbre qui veut cacher la forêt. Car, le vrai problème de cette compagnie pétrolière réside dans le fait qu'elle est incapable de mobiliser les fonds nécessaires au développement des gisements d'Isarene et tente de gagner du temps, avec bien sûr la complicité d'une petite mafia au niveau de la Sonatrach. Pour d'autres, ce scandale est le fruit d'une gestion chaotique de Chakib Khelil, suivie d'un laxisme complice de son successeur. En analysant les tendances financières de la compagnie, on est en droit d'avancer l'hypothèse d'aller en arbitrage international contre Petroceltic pour permettre à Sonatrach de récupérer le permis d'Isarène et de l'exploiter par la Sonatrach en effort propre. Dix ans d'attente Le permis gazier d'Isarène, acquis le 26 septembre 2004 par Petroceltic, est situé dans la région d'In Amenas. Constitué principalement du champ de Aïn Tsila, le gisement est situé à l'ouest du permis de Bourarhat qui vient d'être abandonné par la compagnie anglaise BP et au sud-ouest d'un autre permis, attribué à la Tunisienne Medex, qui fait l'objet d'un arbitrage international pour sa récupération au profit de Sonatrach. Depuis dix ans, Petroceltic traîne en longueur les délais contractuels et accuse déjà énormément de retard sur le plan du développement de son permis. Conséquence logique, dit-on, de la gestion de Chakib Khelil qui a permis à une compagnie de la taille Ansej, d'accéder à nos ressources gazières. Tout le monde est d'accord pour dire qu'on n'aurait pas dû attribuer ce permis à Petroceltic qui n'a jamais disposé des ressources financières pour l'achèvement du développement du permis d'Isarène. Cette certitude s'est installée en 2010, lorsque la compagnie espagnole a vendu toutes ses participations dans Petroceltic, car elle ne croyait plus en son potentiel. La seconde alerte est donnée en avril 2011, quand l'opérateur d'électricité italien, Enel est venu sauver la situation de la compagnie irlandaise en Algérie. Enel avait alors avancé le montant de 183 millions de dollars pour l'acquisition d'une participation de 18.375% du permis d'Isarène. La Sonatrach conservait 43,375 de parts dans le groupement. Yousfi avait alors refusé de saisir cette opportunité pour se débarrasser de Petroceltic. La bonne foi de l'électricien italien s'avère insuffisante pour la suite des événements. Avec la complicité de quelques cadres de la Sonatrach, Petroceltic obtient, auprès d'Alnaft, une prolongation sur les délais d'exploration et tente de lever des fonds sur les marchés internationaux. En décembre dernier, Petroceltic refuse une belle offre de fusion avec la compagnie émiratie Dragon Oil contre le montant de 665 millions d'euros. Il y a trois mois encore, Petroceltic se débattait sur le marché de l'emprunt obligataire pour lever 175 millions de dollars. L'opération échoue, car personne n'accorde plus de confiance aux investissements de Petroceltic. Les autorités algériennes ne réagissent pas et font semblant de ne pas être à l'écoute de la guerre déclenchée par le fonds d'investissement suisse contre le top management de Petroceltic. Worldview Capital Management tenait tellement à écarter Brian O'Cathain de son poste à la tête de la compagnie pétrolière et opérer des changements de politique vis-à-vis des investissements en Algérie. Complicité ou négligence ? Ce que dénonçait le blogueur anonyme sur Internet, par rapport aux présomptions de corruption, semble pour certains, une goutte dans un océan de gaspillage étalé au grand jour dans la gestion du groupement Isarène. Outre le dépassement des délais impartis à la phase de développement, qui ont coûté énormément d'argent, on note la présence d'un personnel pléthorique sur le projet. 104 employés au total. Face aux 38 employés algériens (40% issus de la même région), on a fait appel à quelque 66 cadres expatriés, rémunérés à des seuils insoutenables. Pour équilibrer les dépenses, on tente aujourd'hui de réaliser des économies sur les différentes installations de ce champ. Cette tendance a été confirmée par l'annonce, mercredi dernier, de la short-list des compagnies d'engineering retenues pour la réalisation en EPC des installations nécessaires à l'exploitation de ce gisement d'Isarène. A l'exception des deux Sud-Coréennes Daewoo et GS, toutes les compagnies ayant constitué les groupements pour ce projet, sont listées dans la série B des sociétés d'engineering. Pour la campagne de forage, on est descendu à un niveau plus bas, en faisant appel aux services de la Chinoise Sinopec. Même avec ces tentatives de réalisation d'économies, ces opérations coûteront certainement beaucoup d'argent. Plus d'un milliard de dollars, estime-t-on le budget des installations de surface et du réseau de collecte. Tout le monde sait que Petroceltic ne dispose pas des sommes requises à cet investissement et tentera de toute évidence de gagner du temps. A la Sonatrach, certains cadres tentent de minimiser l'impact de ces retards et soutiennent, de facto, la démarche de Petroceltic. Amine Mazouzi, qui hérite de cette situation alarmante, est tenu de prendre des mesures décisives pour mettre de l'ordre dans ce groupement.