Par Baya Hammou En revenant chez moi, un chez moi qui ne m'appartenait d'aucun brin, j'ai pris la décision de mettre fin à mon statut de femme mariée. J'ai bel et bien étudié la situation et conclu qu'il était quasiment impossible de supporter l'insupportable Le mot divorce qui signifie désunion ne pouvait sonner mal dans mes oreilles. C'était plutôt un dénouement à une situation lugubre que pouvait vivre n'importe quel couple. Ne dit-on pas qu'à chaque problème une solution ? Je me suis dit et ai conclu que se séparer pour rien est un crime, surtout quand les enfants sont là. En revanche, rester avec un conjoint dont l'avenir est incertain, cela est catastrophique pour la mère et les enfants. Cette décision bien prématurée dans ma tête avait germé depuis un moment. Dès le début de cette union, je sentais que le chemin allait être court et même très court. Je constatais le courant pas du tout fluide. Divergence d'idées, la différence qui nous séparait était flagrante mais je ne m'en rendais pas compte. Hélas, nul ne pouvait le savoir, encore moins le prévoir. Je pense que c'est le rôle du destin. L'imprévisible. Deux enfants sont nés de cette union, et ce fut mon plus beau cadeau pour lequel je ne remercierai jamais assez le Dieu et le géniteur aussi. Tant bien que mal, pendant quelques années j'ai survécu à des conditions, elles- mêmes conditionnées et que n'importe quelle femme aurait évincées. Des marmonnements dans ma tête sans relâche, des scénarios toujours négatifs qui me disaient que je venais de faire la plus grosse erreur de ma vie (de m'être mariée avec une personne introvertie). Une erreur qui n'était pas facile à corriger. Il s'agit d'un couple avec enfants, d'une union à laquelle il faut mettre un terme, pour ne pas dire rupture. Donc après avoir pris définitivement la décision de quitter ce conjoint et réintégrer ma famille, bien sûr chez ma maman (paix à son âme), il était pénible d'envisager quoi que ce soit. L'avenir allait être long avec ses chemins longs et sinueux. Advienne que pourra ! L'important c'est de tracer un chemin approprié au régime simple d'une maman qui voulait donner à ses enfants la meilleure éducation, emplie de sérénité et d'amour. Toute jeune divorcée, je reviens chez moi. J'avais cette chance de retrouver la maison parentale. Ma maman me reçoit à bras ouverts. Rares sont les mamans qui le font, mais elle connaissait ma situation et elle appréhendait cette fin. C'était une grande observatrice, mais elle ne disait pas grand-chose. Quand elle secouait sa tête, ça voulait tout dire. Je pense même qu'elle fut l'une des rares mères à être d'accord pour le divorce quand l'irréparable et l'irréversible sont là. Après m'être réinstallée chez moi, mon chez-moi moral où je pouvais voir les choses plus clairement, mon but primordial était de m'occuper de ces deux adorables enfants qui n'ont pas demandé d'être. Mais ils étaient là. J'avais compris sur le tas que j'allais être la protectrice invétérée, la lionne en jouant le rôle de la mère, du père et de tant d'autres personnes qui pouvaient former une famille. Ce sont désormais ma véritable bataille, mon souffle et ma raison de vivre. Je le criais haut et fort, et le disais à tous. Très souvent j'étais heurtée en me retrouvant jeune avec deux enfants à charge, sachant que rien n'était facile. Mais j'avais, il faut le dire, mon maître à moi : ma mère. Elle était une vraie spécialiste de l'enfant. Toujours derrière moi. Avec tous ses rudiments qu'elle avait appris chez les Sœurs blanches, elle avait cette qualité de percevoir les choses. Elle avait une méthode à elle. Une vrai pédagogue, une éducatrice de race pure. Je peux dire que j'en ai appris des choses avec elle, et de belles choses. «Il ne faut jamais au grand jamais déverser tes problèmes personnels sur les enfants», n'arrêtait-elle pas de me répéter. Si le mariage n'a pas marché l'enfant n'y est pour rien, et justement il faudrait tout faire pour ces enfants et leur apporter l'équilibre adéquat. A partir de là, et au fur et à mesure que j'avançais dans l'âge, je les faisais avancer avec moi. Je ne me rappelle pas avoir dit à l'un d'eux que je n'avais pas de réponse. A chacune de leurs questions, la réponse était vite trouvée, sans hésitation. Je me disais sans arrêt que c'était mon rôle de transmettre à mes enfants tout ce qui est transmissible. Cette spontanéité de me comprendre et saisir mes pensées était ancrée en eux. On formait un véritable trio. Jamais l'un sans l'autre. Aussitôt qu'on apercevait la maman, on savait que ses rejetons étaient derrière. Dès qu'ils commençaient à dépasser les six, sept ans, ils ont compris qu'il fallait à tout prix apprendre la vie avec ses conditions. Il n'y a pas que l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. L'apprentissage de tout un système de vie et de comportements est aussi nécessaire. Une fois une copine avait juré qu'elle croyait m'entendre parler à des adultes. Elle fut fort surprise quand elle découvrit que je parlais à des enfants d'à peine six et huit ans. Elle en était même choquée. Et avec le temps la même amie m'avait tiré chapeau. Dès le départ, j'avais pris la décision de ne bâtir aucun mur, de ne rien cacher à mes enfants et que tous les points à débattre étaient les bienvenus. Je me rappelle certaines situations que je ne pouvais négocier avec des adultes, je les ai sollicités. Quel fut mon étonnement quand ils ont paisiblement donné un avis aperçu avec des yeux d'enfants et ça a toujours marché. Dieu merci. Un jour, pendant l'année scolaire, je les ai aperçus avec le livret de famille. Ils sont allés tous deux à l'APC pour retirer des extraits de naissance. Là j'ai eu la chair de poule quand j'ai su qu'ils faisaient des démarches pour s'inscrire l'un au sport et l'autre au théâtre. Façon de dire qu'il faut épargner maman quand cela est possible ! Là, à cet instant, j'ai compris qu'ils avaient tout compris.