Elles font tout ensemble et sont quasi inséparables. Jamais l'une sans l'autre. Mère et fille n'ont jamais coupé le cordon ombilical. Elles se téléphonent plusieurs fois par jour, se retrouvent pour déjeuner, font du shopping à deux, se racontent tous leurs petits secrets... Une complicité avec un grand c. Au-delà de l'amour incommensurable qui les unit, cette relation exclusive n'a-t-elle que des côtés positifs ? Ce lien fusionnel ne risque-t-il pas de devenir étouffant, voire dangereux à la longue ? Avis des unes et des autres. Mounia, 32 ans : Mariée, mère de deux enfants, Mounia entretient avec sa mère une relation quasi exclusive. «Elle et moi avons toujours été proches. Maman est tout pour moi : mon amie, ma confidente, ma sœur... Je ne fais rien sans la consulter. Je l'associe à tous mes projets, à toutes mes sorties, à tous mes bonheurs. Si je suis invitée quelque part, je l'entraîne avec moi. Si j'ai une promenade en vue, je la fais profiter. Elle est dans mon cœur et dans mes pensées à chaque instant. Quand je me suis mariée, elle a eu peur que je m'éloigne à cause de mes nouvelles responsabilités... Mais couper ce cordon qui nous relie aussi étroitement aurait signifié me priver d'oxygène. Mon conjoint a d'ailleurs dû s'accommoder de cette relation fusionnelle après avoir eu quelques crises de jalousie (rires). Je téléphone à maman jusqu'à 6 fois par jour et la voit au moins 3 fois par semaine. On fait les boutiques, on s'attable pour déjeuner, on papote de tout et de rien. Ma mère vient régulièrement passer la nuit chez moi. Je veux profiter au maximum d'elle. Elle est âgée de 61 ans et je sais que la vie est courte. Je vous signale que j'ai deux autres sœurs, mais aucune d'elles n'entretient une relation aussi fusionnelle avec maman.» Ibtissem, 43 ans : Une relation mère-fille trop exclusive ne risque-t-elle pas d'agir comme un poison au fil du temps ? Une grande complicité ne finit-elle pas par empiéter sur la liberté de l'autre ? Comment s'affranchir de sa mère et retrouver son indépendance lorsqu'on ne vit qu'à travers les opinions et le regard de sa génitrice ? Ibtissem (42 ans) a un avis bien tranché sur la question. «J'ai moi aussi entretenu une relation très fusionnelle avec ma mère et j'en suis aujourd'hui encore à me demander si elle n'a eu que des conséquences positives sur ma vie. Professionnellement, je suis comblée puisque j'ai une bonne situation, mais à 43 ans, je n'ai pas encore fondé ma propre famille. Très influençable par ma mère, j'ai toujours suivi ses conseils à la lettre lorsqu'un prétendant exprimait l'envie de m'épouser. Hélas, aucun de mes princes charmants n'a jamais trouvé grâce à ses yeux. A la trentaine, on se dit qu'on a encore le temps, mais à mesure que les années filent et que les demandes en mariage s'amenuisent, on se met à réfléchir. Je réalise qu'il y a des hommes qui me plaisaient mais à qui j'ai dit non à cause des critiques acerbes de ma mère : pas assez riche, pas assez beau, pas assez charismatique, pas assez... Le danger avec une relation très fusionnelle, c'est de tout voir avec le regard de l'autre, d'adopter ses jugements et de passer à côté de sa vie», regrette Ibtissem. Hakima, 46 ans : La liberté de penser et celle de donner la direction voulue à sa vie sont parfois entravées par une relation étroite entre mère et fille. Hakima nous livre son expérience. «J'ai toujours tout fait pour combler les exigences et les désirs de ma mère. J'ai suivi des études de médecine alors que j'étais attirée par l'architecture, j'ai dit oui au mari qu'elle m'a choisi alors que ce n'était pas mon genre d'homme, j'ai eu 3 enfants alors que je n'en désirais que deux. Petite, maman m'a inscrite à des cours de danse classique car elle disait qu'elle avait toujours voulu être danseuse. J'ai mis du temps à comprendre que ma mère vit par procuration à travers moi. Cet amour possessif et exclusif a un côté malsain. Il ne m'a jamais permis d'exprimer mes opinions et d'affirmer mes choix dans la vie. Comme si j'étais une enfant incapable de prendre les bonnes décisions. Je ne remets pas en question cet amour filial qui nous unit mais depuis quelques années, j'ai tendance à me rebeller et à dire stop à cette intrusion dans ma vie. Ma mère l'interprète comme un signe de désamour, mais je tente de la rassurer en lui expliquant que j'ai juste besoin de respirer. Je pense que les liens fusionnels mères-filles n'ont pas que du bon. Ils entravent la liberté de la personne et la rendent dépendante de l'autre, d'où la nécessité d'installer des garde-fous. C'est en tout cas ce que je ressens !» Un peu, beaucoup, à la folie, passionnément, les relations fusionnelles mères-filles sont à prendre avec des pincettes. Et si ce n'était qu'une histoire de dosage? C'est aux spécialistes de nous le dire !