Le procès de l'affaire Sonatrach 1 est-il passé à la vitesse supérieure avant même que l'ensemble des mis en cause ne soient auditionnés ? C'est l'impression qui s'est dégagée hier, lors de l'audition du premier inculpé, en l'occurrence Al Ismaïl Mohamed Rédha Djaffar, l'ex-P-dg du groupe Contel Funkwerk. Abder Bettache - Alger (Le Soir) - Le procès de l'affaire Sonatrach 1, dans lequel sont accusées quinze personnes et quatre entreprises étrangères (en tant que personnes morales) pour corruption, a repris hier en milieu de matinée pour la troisième journée consécutive au tribunal criminel près la cour d'Alger. L'audience a débuté par la poursuite de la lecture du volumineux arrêt de renvoi composé de 293 pages. L'audition des mis en cause a commencé dans l'après-midi avec au passage à la barre de l'ex-patron du groupe Contel Funkwerk, M. Al Ismaïl Mohamed Rédha Djaffar. Né en 1975, ce dernier a fait fortune en un temps record. Ayant le diplôme de technicien supérieur en marketing, le mis en cause dira au président du tribunal criminel que «c'est le sens du marketing qui m'a permis de constituer mes fortunes, en créant ma première société spécialisée dans l'importation des pièces électroniques et informatiques». Son passage à la barre a créé une altercation verbale entre le président du tribunal criminel et son avocat. Acculé par les questions qui lui ont été posées par le juge de séance, le mis en cause déstabilisé n'a dû son salut qu'à l'intervention de son avocat, Me Bouchachi Mustapha. Ce dernier a justifié son intervention en contestant la manière avec laquelle le président du tribunal criminel posait ses questions à son client. A ce propos, il est important de noter que les questions soulevées par le juge étaient d‘une importance capitale et se dirigeaient droit pour situer la nature de la relation qu'entretenait le mis en cause avec les deux fils de l'ex-P-dg de Sonatrach, Mohamed Meziane. Ami avec le fils du P-dg En lui posant des questions précises, le président du tribunal criminel a voulu situer la nature de la relation qu'entretenait l'ex- P-dg de groupe Contel Funkwerk avec le fils de l'ex-P-dg du groupe Sonatrach. «C'est une relation qui date depuis que nous étions au lycée. Et ma fortune je l'ai faite avant même que je ne connaisse Rédha Meziane», a tenté de se défendre Al Ismaïl Mohamed Rédha Djaffar. Ce dernier a en premier lieu nié les chefs d'inculpation retenus contre lui dans l'arrêt de renvoi. Il porte par la suite à la connaissance du président de séance «j'ai créé des entreprises et j'ai soumissionné dans plusieurs projets dont ceux du ministère de la Défense». Une fois ces explications faites, le juge demande au mis en cause de lui expliquer son association avec le fils de l'ex-P-dg de Sonatrach. «Les deux fils de l'ex-P-dg de Sonatrach sont mes amis. Mais c'est avec Rédha que j'ai fait mes études au lycée. On s'est retrouvé en France et il m'a proposé de créer une entreprise spécalisée dans le transport en s'associant avec lui». Le président intervient et lui demande : «Une société de transport de tous genres». «Oui. On transportera tout. La marchandise, les biens et même du carburant», a-t-il lâché devant la gêne de son avocat. C'est à ce moment précis que le juge relance le débat et lui dit : «Tu lui as offert des parts gratuitement car, il s'agit du fils du P-dg de Sonatrach ce qui te permettra d'arracher des marchés ». Silence dans la salle. Et Me Bouchachi qui surgit en interrompant le débat. Il demande au président de laisser son client s'exprimer librement et non pas orienter ses témoignages, lui qui a passé six années en prison, donc il est venu le moment pour s'exprimer ». Une mise au point que le juge Mohamed Reggad n'a pas admise. Les auditions en trois groupes La discussion entre les deux parties s'emballe. Le juge décide alors de suspendre la séance pour une trentaine de minutes. Cela dit, il est à noter que le juge Mohamed Reggad a entamé les auditions des mis en cause en les divisant en quatre groupes. Le premier groupe est composé de huit accusés, à leur tête le P-dg du groupe Contel Funkwerk. L'audition du premier groupe concerne les personnes impliquées dans la conclusion du marché relatif à l'acquisition d'équipements de télésurveillance et de protection électronique. L'audition du deuxième et du troisième groupes concerne respectivement les personnes impliquées dans le marché avec Saipem Algeria (Italie) pour la réalisation du gazoduc devant relier l'Algérie à l'Italie (Sardaigne) et ceux impliqués dans la conclusion du marché relatif à la réhabilitation du siège de la Sonatrach à Ghermoul (Alger). Quant au quatrième groupe, il englobe les entreprises étrangères impliquées dans cette affaire, a indiqué le juge, précisant qu'il s'agit du groupe Contel Funkwerk, de la société à responsabilité limitée Contel Algérie (Sarl), la firme allemande Funkwerk Pletarc et de Saipem contracting Algeria (Italie). L'arrêt de renvoi relatif à l'affaire Sonatrach 1 avait donné les détails de la conclusion de trois marchés publics douteux entre Sonatrach et des compagnies étrangères. Il s'agit en l'occurrence du marché conclu dans le cadre d'un projet d'acquisition d'équipements de télésurveillance et de protection électronique du complexe industriel du sud entre Sonatrach et le groupe allemand Contel Algérie Funkwerk Pletarc. Selon l'arrêt de renvoi, l'enquête a révélé que le marché a été conclu de gré à gré entre le directeur du département Production de Sonatrach et le groupe Contel Funkwerk sans respecter les dispositions législatives et réglementaires en vigueur tel l'appel d'offres international. Le deuxième marché porte sur la réalisation d'un gazoduc devant relier l'Algérie à l'Italie (Sardaigne). Selon l'arrêt de renvoi, «le groupe italien Saipem Contracting Algeria a obtenu ce marché en bénéficiant d'une offre financière moins élevée, contrairement à ce qui est stipulé par la loi algérienne sur les marchés». Pour ce qui est du troisième marché relatif à la réhabilitation du siège de Sonatrach à Ghermoul (Alger), l'arrêt de renvoi révèle une surfacturation.