Les deux premières années après mon divorce, ma relation avec le monde extérieur était un peu confuse. J'avais peur de tout mais sans le montrer. Une peur intérieure imprévisible. Je me battais pour avoir confiance en moi d'abord, en les autres ensuite. Il fallait avoir cette confiance qui sera ma locomotive. On n'avance jamais sans posséder cette certitude interne qui s'appelle la sérénité. Être sûr de soi est une vertu protectrice. J'avais tellement rencontré de femmes en détresse qui ont déprimé en prétextant le divorce, que cette peur m'avait ficelée un laps de temps, sans me rendre compte. Je ne suis qu'une pauvre femme faible et je suis loin d'être infaillible. Tout peut survenir, me disais-je. Mais passé ce cap du refus parce qu'il faut dire que quelle que soit la situation qu'on avait auparavant, l'idée de rompre son union n'est pas tolérée en soi. On a cette phobie qui nous guette en nous répétant sans arrêt : comment ? Et que vais-je faire ? Les jours se ressemblaient, la routine s'était installée de façon insupportable et mon esprit était de plus en plus bousculé par des idées pas toujours positives, des pensées et même des images montées en scénario. Pauvre esprit, pas d'apaisement. Je sentais de temps en temps cette vulnérabilité qui rôdait autour de moi pour m'atteindre comme toute femme vivant dans la même situation que moi. Sauf qu'en revanche, je me sentais tellement différente et originale que je ne m'accordais pas le droit de flancher et encore moins de démissionner. Face à cette épreuve, une seule personne qui est mon amie d'enfance ne cessait de discourir que je n'étais ni la première ni la dernière. Ce fameux proverbe standard qui va avec tout et qui peut en soulager plus d'un. J'ai résisté en pensant chaque fois à mes deux enfants. De toutes les façons c'est moi qui ai choisi de revenir. Une vie qui ne me convenait pas n'avait pas d'autre issue. Alors la changer tant bien que mal par une autre qui allait être plus pénible, puisque élever deux enfants sans le père et avec peu, très peu de moyens n'était pas commode, encore moins rose. Digne de l'un des plus grands économes, je m'en sortais. Il fallait que je m'en sorte. Là je reconnaissais en moi cette femme solide et organisée. Je m'étais établie une existence de caporal, il fallait tout cerner, tout surveiller. Il fallait être là et là-bas en même temps. Une maman très ouverte et communicative qui pouvait comprendre ses enfants et ceux des autres. Tantôt on existait dans le rang des adultes, tantôt je lâchais prise pour me mettre dans la peau d'un enfant pour que les miens puissent sortir de leur peau d'adultes qu'ils revêtaient spécialement pour moi. Tout était relatif. Les enfants devenaient majeurs et matures pour la maman et celle-ci devenait enfant et même juvénile pour eux. Toutes ces situations et ces comportements nous formaient et faisaient de nous le trio fusionné. À la fois mère poule et couveuse. Tout ce que je pouvais offrir sans modération pour ne pas dire à outrance, c'était l'amour rien que de l'amour. Très prévoyante, je ne lâchais rien, je pouvais tout faire pour le bien de mes enfants. Je m'arrangeais aussi à faire de mon mieux pour leurs petits copains et copines. Je voulais créer un climat de quiétude, il fallait que tout ce monde ait le minimum de tranquillité. Tous ceux qui vivaient dans les mêmes conditions qu'eux c'est-à-dire des situations sensibles, je les avais inscrits dans des maisons de jeunes afin de suivre des activités culturelles. Les uns sans le père, les autres sans la mère ou même des orphelins de père et de mère avec ou sans parents (les parents morts ou séparés et remariés). J'avais sur le dos ce nom de mère Theresa. Hélas, je n'aurais pas fait le centième de ce qu'elle avait fait dans sa vie. Pour couronner le tout, conclure mes principes et apaiser ma conscience qui me chuchotait sans cesse que je pouvais donner et que donc je devais le faire. A ce moment-là, j'ai eu un déclic, pas ordinaire mais une envie vigoureuse et généreuse qui sortait de mes entrailles. M'engager de bon cœur à porter contribution aux femmes démunies, ces femmes qui vivaient dans des conditions lamentables. Faire ce qui est en ma possession, et qui pouvait apporter de l'apaisement. Mieux encore, des fois quelques solutions me venaient spontanément. Si je venais à chercher ces mêmes solutions actuellement je ne les trouverais guère. Dans le temps, je ressentais ce qu'elles avaient dans leurs for intérieur et je vivais le même mal mais avec courage. Sauf que moi je voulais m'en sortir. Ces femmes-là vivaient dans une demeure qui recueillait plein de femmes en détresse de tout genre. Elles venaient des quatre coins du pays. Elles avaient d'immenses difficultés. Sans abris, sans argent, sans la santé qui s'est évaporée avec le reste des soucis. Certaines avec des enfants à charge. Elles ne pouvaient même pas imaginer quelqu'un sur lequel elles pouvaient compter, mis à part les personnes de la demeure. Alors cœur et âme je me suis noyée dans le désir d'aider ces femmes, et surtout celles qui avaient des enfants. J'étais là pour les accompagner dans leurs démarches et normaliser avec elles ce qui n'allait pas. Je me rappelle m'être donné un ultimatum qu'en un temps précis il fallait faire ceci et cela, car aussi ce temps était précieux. Toutes ces démarches et ces solutions qu'on devait discerner ensemble me fortifiaient et me donnaient ce courage d'avancer encore et encore et dans ma vie privée. Cette vie qui par rapport à celle de toutes ces femmes n'était que gâteau et même un succulent.