«Nous avons travaillé sur instruction de notre ministre et on n'avait pas le choix de faire autrement. Lorsque le ministre et le P-dg décident, moi j'exécute. Et s'il n'y avait pas Belkacem Boumediène, il y aurait eu quelqu'un d'autre à sa place pour exécuter.» L'ex-vice-président chargé des activités amont de Sonatrach est catégorique. Selon lui, «tout ce qui a été fait au sein de Sonatrach a eu l'aval du ministre de l'Energie et du patron du groupe». Abder Bettache - Alger (Le Soir) - La poursuite hier de l'audition de Belkacem Boumediène, l'ex-vice-président chargé des activités amont de Sonatrach, et du fils de l'ex-P-dg du groupe Sonatrach a donné au procès de l'affaire Sonatrach un nouveau souffle en terme de révélations. Il faut reconnaître, par ailleurs, que le président du tribunal criminel, M. Mohamed Reggad, en parfait connaisseur du dossier, a usé de toutes les techniques que lui confère la loi pour tenter d'arracher des aveux aux mis en cause. Hier, en ce premier jour de la seconde semaine du procès de l'affaire Sonatrach, tout le monde s'accordait à dire qu'«une partie du voile commence à être levée». L'audition de l'ex-vice-président chargé des activités amont de Sonatrach, M. Belkacem Boumediène, a permis à l'opinion publique de confirmer les informations rapportées par la presse. Il s'agit de l'intervention directe de l'ex-ministre de l'Energie et des Mines, M. Chakib Khelil, dans tout ce qui touche de près ou de loin à Sonatrach. L'ex-vice-président des activités amont de déclarer : «Lorsque j'ai été entendu par la police judiciaire du DRS, elle m'a demandé d'aller voir mon ministre pour lui dire que les enfants de Méziane étaient les associés de Contel détenue par Al Ismaïl. Ce que j'ai fait. Chakib Khelil m'a dit de transmettre aux enquêteurs qu'il assumait l'entière responsabilité de la stratégie adoptée par Sonatrach pour la sécurisation des sites.» Il ajoute à l'adresse du président du tribunal criminel : «Ma relation avec le P-dg de Sonatrach était d'ordre purement juridique et la décision d'octroyer des marchés au gré à gré est une décision politique prise par le ministre de l'Energie et le P-dg de Sonatrach». «J'assume mes 30 années de travail» Structurant ses idées, Belkacem Boumediène ira plus loin en détaillant les projets. Il indiquera que c'est sur instruction du ministre et parce que les différentes installations de Sonatrach étaient en danger du fait des tentatives d'attaques terroristes, qu'il fallait faire vite. Ce d'autant, explique-t-il, que le projet pilote réalisé par la société Contel avait plu à tout le monde. Et d'ajouter : «J'assume pleinement tout ce que j'ai fait et réalisé durant mes trente années de travail au sein du groupe Sonatrach. Rien n'a été fait en cachette». Toutefois, le président du tribunal criminel rappelle au mis en cause que «tous les cadres de Sonatrach savaient que le fils du P-dg était associé au sein du groupe Contel Funkwerk qui a décroché le projet de télésurveillance». Il appuie son intervention en citant les propos d'Al Ismaïl Mohamed Rédha Djaffar tenus lors de son audition au début du procès. «Ce n'est pas Sonatrach qui est au courant et ce n'est pas aussi mon rôle de le savoir. C'est à la direction des affaires juridiques qui est automatiquement informée, puisque les statuts de l'entreprise lui ont été transmis par les intéressés.» Lors de son audition, l'ex-vice-président a tenté de justifier les sommes d'argent trouvées dans ses comptes en France au lendemain des conclusions de l'enquête de la commission rogatoire. En ce sixième jour du procès, le président du tribunal criminel voulait réellement connaître les dessous de l'octroi par Sonatrach du marché relatif à l'acquisition d'équipements de télésurveillance et de protection électronique au groupe Contel Funkwerk. Dès lors, il fait appel à un autre mis en cause. Il s'agit de Mohamed Redha Meziane, fis de l'ex-P-dg du groupe Sonatrach. «Ici, tu n'es pas le fils du P-dg» L'audition du fils de l'ex-P-dg de Sonatrach était un autre moment fort du procès. Son passage à la barre est intervenu juste après celui de Belkacem Boumediène. Âgé de 43 ans, Meziane Mohamed Rédha est en prison depuis six années. Selon l'arrêt de renvoi de la chambre d'accusation, il est poursuivi pour plusieurs chefs d'inculpation dont celui «de constitution d'association de malfaiteurs et dilapidation de deniers publics». Mohamed Rédha est poursuivi par la justice pour les mêmes chefs d'inculpation que son frère Fawzi. C'est sa relation avec son «ancien camarade du lycée», en l'occurrence Al Ismaïl Mohamed Rédha Djaffar, qui est aujourd'hui mise en cause dans cette affaire. D'ailleurs, le juge a tenté de lever le voile sur la nature de cette «énigmatique» relation qui a amené les deux hommes à s'associer dans une entreprise spécialisée dans le transport. «Je nie tout ce qui a été dit à mon encontre dans cette affaire. La police judiciaire du DRS m'a menacé de signer les deux P-V d'auditions. Moi je n'ai rien à voir dans cette affaire», dira-t-il sur un ton qui a suscité la colère du juge Reggad. «Ici tu n'es pas le fils du P-dg de Sonatrach. Ici tu es un citoyen qui est poursuivi dans une affaire de justice, tu dois te conférer à la loi», lui assène le juge. Suite à quoi, un des avocats du mis en cause se rapproche du président du tribunal et lui demande une pause. Dix minutes sont alors accordées à Meziane Mohamed Rédha pour reprendre ses esprits. A la reprise de l'audition, il tente d'expliquer, sans trop convaincre le juge, la nature de sa relation avec l'ex-patron du groupe Contel Funkwerk. A chaque fois, il évite de lier son association avec Al Ismaïl Mohamed Rédha Djaffar à son nom de famille. Le juge lui demande «pourquoi tu n'as pas pris des précautions pour éviter que le nom de ton père, qui était patron de Sonatrach, ne soit associé à tes affaires ?», tout en lui demandant si «ton père ne t'a pas aidé à décrocher des marchés en sa qualité de patron de Sonatrach». Le mis en cause ne trouve pas de réponse. La gêne se lisait aussi sur le visage de l'ex- patron du groupe Sonatrach. L'audition de Meziane Mohamed Rédha s'est poursuivie dans l'après-midi. Il doit expliquer au président du tribunal criminel les dessous de son association avec son camarade de lycée au sein du groupe Contel Funkwerk.