«Au début, ce fut très dur, notamment pour mon épouse et mes enfants restés à Alger. Heureusement, nous avons tous tenu le coup. Aujourd'hui, avec ma petite famille, je suis prêt à affronter encore d'autres défis entrepreneuriaux. Je réalise maintenant qu'il n'y a pas mieux que d'aller vers l'avant». Sarah, maman de deux filles : «Mon mari, ma famille» Il y a celles qui changent de vie en se mariant. Pour ces jeunes épouses, c'est un changement des plus radicaux qui s'opère. «J'ai épousé un militaire et nous avons décidé que je le suivrai là où il ira», explique Sarah, mariée depuis huit ans. «Au début, c'est facile à dire mais la réalité est tout autre. J'ai dû quitter mon poste de travail et tout mon environnement professionnel. Je ne parle même pas de mes repères familiaux. J'ai dû m'adapter à d'autres coutumes et culture. La première affectation fut plus ou moins facile car elle s'est opérée à l'Ouest. Mais dans le Sud, cela est encore plus difficile. C'est vrai que toutes les commodités existent pour une bonne installation que ce soit pour le logement de fonction ou bien les crèches pour enfant. Mais seule à la maison, le temps paraît long. Heureusement qu'il y a internet !» dit Sarah en riant. Pourtant, à aucun moment elle ne dit regretter son choix. «C'était une promesse que je lui ait faite et que j'ai respectée, contrairement à beaucoup d'autres épouses. C'est déjà une fierté pour moi. Mes filles ne sont pas déracinées car leur appui sont nous, leurs parents réunis. Oui, j'ai changé de vie. Avant mon mariage, j'étais la chouchoute de la famille, la fille unique à qui on ne refuse rien, alors que maintenant je suis une femme accomplie et responsable. Mes parents sont très fiers de moi lorsqu'ils nous rendent visite et constatent que je peux gérer une maison seule dans un environnement qui m'était inconnu. Ce changement de vie a été salutaire pour moi pour assumer toute mes responsabilités et également important pour ma famille. Ceci d'une part. D'autre part, il m'a permis de m'épanouir en m'ouvrant sur un monde nouveau.» Mahmoud, entrepreneur. D'Alger vers le Sud : «Tout pour mon entreprise» Jeune et ambitieux, Mahmoud fait partie de cette jeune génération qui veut réussir. «Au départ, j'ai créé mon entreprise à Alger avec des associés. Mais, c'était difficile à cause de la cherté du loyer et mes associés ont fini par abandonner, faute de commande et à cause du coût de la gestion d'entreprise. Ils ont préféré trouver des emplois stables dans des entreprises publiques. Je n'ai pas voulu renier mon rêve d'être mon propre patron même si ma famille ne m'encourageait pas vraiment. Avec mon master, je me disais que je pouvais réaliser beaucoup de choses. De fil en aiguille et à la guise des marchés décrochés, j'ai compris qu'il faut délocaliser pour être solvable et rentable, d'où mon choix de quitter Alger et de m'installer dans le sud du pays. Au début, ce fut très dur, notamment pour mon épouse et mes enfants restés à Alger. Heureusement, nous avons tous tenu le coup notamment au niveau mental. Aujourd'hui, avec ma petite famille, je suis prêt à affronter encore d'autres défis entrepreneuriaux. Je réalise maintenant qu'il n'y a pas mieux que d'aller vers l'avant et ne regarder en arrière que pour en tirer de l'expérience pour pouvoir avancer. C'est très important pour moi et également pour ma jeune entreprise. Oui, j'ai changé de vie pour mon bien-être et celui de ma famille. J'en suis content, Elhamdoullah. J'encourage les autres jeunes entrepreneurs à ne pas baisser les bras et continuer à croire en leurs rêves. Ils peuvent les réaliser.» Salim : «de chômeur à multimillionnaire» Salim avait à peine 25 ans en 1995 lorsqu'il se résout à quitter le pays. Et par tous les moyens. C'est qu'en cette période trouble, sa ville natale, Tébessa, n'offrait pas plus d'opportunités que toutes les autres villes frontalières, autrement s'adonner à la contrebande ou observer le temps s'écouler. «J'avais un diplôme d'ingénieur de l'université Badji- Mokhtar de Annaba. Après trois ans de chômage, quelques vacations sans lendemain dans l'éducation et des perspectives de plus en plus incertaines, je m'étais décidé à partir. Où ? N'importe quelle destination ! L'Europe, l'Amérique... même l'Asie ! Avec un groupe d'amis, nous nous décidâmes à tenter l'aventure de l'immigration. Pour une aventure, c'en fut une. Nous avons élaboré un plan pour passer à travers plusieurs pays qui n'exigeaient pas de visas aux ressortissants algériens. Nous avons fait plusieurs boulots pour poursuivre le périple. Notre premier objectif était d'atteindre Hong-Kong. Là bas, nous pouvions acheter de faux papiers pour l'Amérique. Ce qui fut fait au bout de huit mois. Nous avons tous connu la misère. Mais l'important était d'avoir des papiers. Finalement, nous avons réussi à avoir des passeports français et nous voilà embarqués vers l'Amérique. Au niveau des frontières américaines, nous avons passé les contrôles normalement jusqu'à ce que le dernier de nous se fasse prendre. Dans la panique, il donne les noms des autres et nous sommes cueillis juste à la sortie de l'aéroport. Nous sommes très vite présentés devant le juge qui, fasciné par notre périple, nous accorde, eu égard à la situation sécuritaire dans le pays, l'asile politique.» A partir de ce moment, Salim décide de saisir sa chance et entreprend d'abord une formation en anglais suivie d'une autre dans la restauration. Deux ans après son arrivée, il ouvre sa première crêperie puis une deuxième et une troisième. A présent, il a développé un concept de franchise autour de son enseigne. Salim, le jeune ingénieur qui aspirait ne serait-ce que d'intégrer l'administration publique à Tébessa, est aujourd'hui un multimillionnaire. Il a changé de vie, il s'est formé à un nouveau métier auquel il n'était pas destiné et a pris son destin en main. Il a changé de vie et il ne le regrette pas. n