A travers la manifestation qu'ils ont organisée hier matin en fermant, à l'aide de pneus incendiés, la route à l'entrée de la zone industrielle de la commune de Ouled Moussa, à l'ouest de la wilaya de Boumerdès, les habitants de Mouilha, immense quartier du nord de la municipalité citée plus haut, lancent en réalité un appel de détresse. Ils ont, en effet, de quoi avoir vraiment peur. Une retenue collinaire d'environ 600 mètres sur une largeur variant entre 40 et 50 mètres, aménagée en 1986, à la limite ouest de ce quartier, dégage, selon eux, des odeurs insupportables. De plus, les poissons ont disparu et les canards ne viennent plus barboter dans l'eau d'une couleur saumâtre. Guidé par le président du comité de quartier, Nassir Zeherir et de quelques résidents de ce quartier, nous nous rendîmes sur place. Quelques centaines de mètres avant d'arriver sur les lieux, on a senti une très mauvaise odeur. Etrangement, en cette période de sécheresse, le petit barrage est plein. Sur les rives de ce lac artificiel, l'odeur nauséabonde est insupportable. Pour nos guides, nous sommes arrivés à un moment calme. «Aujourd'hui, l'odeur est moins forte. Certains jours, des habitants ont des nausées tellement l'odeur est forte. Cela a commencé il y a environ un mois.» Puis, les voisins sont arrivés. Chacun y va avec son hypothèse, mais tous pointent du doigt les unités industrielles implantées pas loin. «L'eau est acide. Elle attaque les organes sensibles comme les yeux et les poumons. D'ores et déjà il y a des enfants malades», affirme le président du comité de quartier. Pour preuve, les habitants nous montrent les tuyauteries de cuivre récemment installées à la demande de la Sonelgaz, pour alimenter les habitations en gaz naturel. Tous les tuyaux sont anormalement noirs, sûrement attaqués par des vapeurs toxiques. Nous posâmes la question sur la provenance de cette pollution. «Nous avons notre idée sur les rejets d'une unité industrielle, mais nous n'avons pas de preuves irréfutables. C'est à l'Etat de chercher le ou les coupables», expliquent nos vis-à-vis. Un vieux en larmes ajoute «nous, nous demandons la protection de l'Etat.» Au niveau de l'APC de Ouled Moussa, le maire, Mourad Moussa était justement en réunion sur ce problème avec des représentants de la santé, de l'environnement, de l'hydraulique et de l'agriculture. N'ayant, de son côté rien à cacher, il nous a permis d'entrer en salle de réunion pour discuter brièvement avec les techniciens. On nous a même montré les résultats préliminaires d'une analyse. Tous les présents disent vouloir trouver en urgence une solution pour protéger les citoyens avant de chercher la provenance de cette pollution et le ou les coupables. Effectivement, l'urgence d'une solution est imposée avant le drame. Irrigation des légumes avec de l'eau empoisonnée A notre arrivée sur les lieux au niveau du barrage, un fellah de la rive d'en face faisait marcher sa motopompe à plein régime et puisait de l'eau de cette immense mare empoisonnée. «Il irrigue un champ de choux-fleurs. Il a, en outre, planté des fèves, des betteraves et des salades qu'il irrigue avec cette eau. Ce matin, à son passage, le chef de la daïra avait appelé les gendarmes pour lui ordonner de cesser d'irriguer. Dès que les gendarmes sont repartis il a repris l'irrigation», nous ont expliqué les riverains de ce barrage. Paradoxalement, dès que la foule s'est agrandie autour de nous, il a, momentanément, arrêté sa pompe. Il est certain qu'il continuera son irrigation. En fait, la loi n'oblige-t-elle pas le chef de la daïra à ordonner la destruction des produits agricoles irrigués avec de l'eau empoisonnée ? De plus, laissera-t-on ce fellah commercialiser impunément ses récoltes et mettre en danger la santé des consommateurs ?