[email protected] Il contemple au loin ces vastes étendues de sable fin aux couleurs ocre et doré, savoure le silence et soupire. Enfin seul, loin du vacarme, de la pollution ! C'est dans l'immensité du Tassili N'ajjer, à Djanet, qu'il a décidé de jeter l'ancre. Il troque sa maison contre sa tente, son lit douillet contre son sac de couchage, l'eau de son robinet contre celle d'un jerrican, son café serré contre un thé fumant cuit sur un feu de braise, son épouse et ses six enfants contre les aventuriers du désert... Pour quelques jours bien sûr, le temps de se ressourcer. Plus de chariots à remplir, plus de gamins à conduire à l'école, plus d'embouteillages. Quel plaisir de ne plus séparer les enfants qui se chamaillent, de sortir, alors qu'il vient à peine de rentrer après une journée éreintante, pour acheter du chocolat à tartiner au tout-dernier qui rechigne et pleure comme une madeleine, et surtout ne plus suivre les devoirs ! Dans cette immensité de plateaux entrecoupés de montagnes de grès et de dunes, Sofiane vide son esprit et trouve la paix de l'âme. C'est là qu'il prendra son livre, abandonné depuis des lustres, et se réfugiera à l'ombre, tout près d'un abri de peintures rupestres. «Chez moi, je n'ai même plus le temps de lire.» Fasciné par cet espace sidéral où tout repère lui échappe, il se demande par quel miracle le chauffeur peut se retrouver. Lorsque le véhicule s'ensable pour la première fois et que le soleil descend tout doucement pour se coucher, Sofiane cachera mal son inquiétude et provoquera l'ire de ses compagnons, qui, avec leur sérénité légendaire, le rassureront : «Même dans la nuit noire, nous connaissons nos destinations.» Et c'est sous un ciel étoilé de mille feux que le camp fut posé. Sofiane retrouve son sourire et comme un enfant, s'extasie en contemplant la beauté des astres. Le guide lui montre la constellation d'Orion et la planète Jupiter. Cela fait quatre jours que les téléphones n'ont pas sonné. Ici, le réseau n'a aucune place. «Tant mieux !» s'exclame-t-il.