L'article 51 de la désormais Constitution algérienne n'a pas fini, quoi qu'on dise, d'interroger, d'indigner, et peu de citoyens ici ou ailleurs applaudissent à cette nouvelle discrimination. Une disposition constitutionnelle discriminante parce qu'elle affecte dangereusement les liens très forts qui ont toujours lié la diaspora, binationale ou de nationalité exclusive algérienne, à son pays d'origine. Mais pourquoi cet article tant controversé et contre qui, le pouvoir en place veut-il, précisément aujourd'hui, se prémunir, contre qui veut-il se protéger, alors que de hautes fonctions de l'Etat ont toujours été, jusque-là, occupées par certains binationaux ? La communauté algérienne dans le monde, dans sa quasi-totalité, s'est trouvée tout d'un coup reléguée, exclue de représentation politique ou de responsabilité économique et institutionnelle de haut rang. Alors que, dans certains pays, peu nombreux du reste, des emplois spécifiques, dits de souveraineté, sont réservés ou ouverts sous conditions, spécifiés dans les différentes lois et codes électoraux, l'Algérie a cru bon constitutionnaliser une mesure qui fait interdiction aux binationaux d'accéder aux « hautes responsabilités de l'Etat et aux fonctions politiques » et qui de plus, élargit cette interdiction à tout Algérien, même mononationalité mais qui a résidé plus de 10 ans à l'étranger, d'accéder à ce même type de postes. Sous la pression énorme que cet article a suscitée, et la colère exprimée notamment par plus d'une douzaine d'associations d'Algériens en France et suite à la réaction, feinte probablement car non expliquée, du secrétaire général du FLN, l'article en question n'a pourtant pas subi de modification de fond. La seule apportée et encore non officiellement consignée est que la liste des fonctions inaccessibles aux binationaux devra être précisée ultérieurement. La question méritant d'être posée est certainement liée à l'acharnement avec lequel le directeur de cabinet de Bouteflika a défendu cette disposition qu'il justifie par «la nécessité pour tout postulant à la magistrature suprême et intéressé par la gouvernance du pays d'avoir partagé le vécu brillant, confortable ou quelque peu compliqué des Algériens». Triste et misérable argument quand on sait, qu'en matière de partage de vécu, il se traduit pour de très hauts responsables au pouvoir à ne fréquenter au moindre bobo que les cliniques et hôpitaux les plus renommés d'ailleurs ; passer deux à trois jours en Algérie et le reste du temps faire leurs emplettes à Paris, Londres ou Lausanne et quitter Alger pour profiter de leurs biens acquis l'on ne sait comment dans les quartiers les plus huppés de ces capitales. Dans son marketing de vente de la nouvelle Constitution, et sans nommément les citer, Ouyahia évoque «certains candidats à l'élection présidentielle à qui manquerait ce vécu». Qui sont les cibles de cet article ? L'on ne peut pas croire qu'il s'agit du candidat Rachid Negaz à qui la machine infernale des élections a bloqué en route la candidature. S'agit-il de Ali Benouari ? Là aussi les dispositifs mis en place et fonctionnant à merveille n'ont pas permis au candidat d'aller à terme. Pourquoi alors cet article et qui en est à l'origine ? Ce sont ceux qui comme Ouyahia qui se préparent à la prochaine présidentielle veulent couper court à toute velléité de candidature qui pourrait venir d'un Algérien, binational ou pas, qui viendrait perturber les savants calculs. Ce pourrait même être, au fond, une position partagée par le secrétaire général du FLN, même si officiellement il s'en démarque et qu'en fin de course, il a fait signer ses ouailles des deux mains la nouvelle Constitution comportant cet article. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a tenté de rectifier en affirmant que ce fameux projet ne concerne que «les fonctions supérieures et sensibles de l'Etat». Les dégâts sont là. La diaspora algérienne, déjà décriée dans les pays d'accueil, se voit exclue de fait et de droit de son pays d'origine. Les pouvoirs en place, ceux qui ont présidé à la rédaction de cet article, sont certainement très loin d'imaginer l'ampleur des retombées catastrophiques du contenu de cet article. Ils en mesureront l'effet boomerang lorsqu'ils iront, comme de coutume à la veille du prochain scrutin électoral, tenter des «voix de cette émigration». Peu, pour ne pas dire quasi personne, de cette catégorie de «pestiférés» que sont devenus les Algériens installés à l'étranger, ne répondra.