L'Algérie attachée au renforcement du partenariat et de l'intégration en Afrique    Cancer du poumon : ouverture d'une consultation d'aide au sevrage tabagique au CHU de Beni-Messous    Ouverture de la nouvelle année judiciaire dans les Cours de justice de l'Est du pays    Mouloudji reçoit le président de l'ONSC    Ghaza: 2.500 enfants palestiniens ont besoin d'une évacuation médicale    Sport/Jeux Africains militaires-2024: l'Algérie ajoute à sa moisson trois médailles d'or en judo et une en volleyball    Tenue de la 3e édition du salon Sinaa Expo et de la 6e édition de Secura North Africa du 3 au 5 décembre à Alger    Bourse d'Alger: Tosyali Algérie obtient le visa pour son emprunt obligataire    Palestine: des dizaines de colons sionistes prennent d'assaut l'esplanade de la mosquée Al-Aqsa    "Dar Essanâa", un nouvel espace culturel dédié aux arts et l'artisanat inauguré à Alger    La communauté internationale appelée à assumer ses responsabilités envers le peuple palestinien    Opep+: la prochaine réunion ministérielle reportée au 5 décembre    Le nouveau wali rencontre la presse nationale    L'UNPA distingue le président de la République    «La situation est catastrophique à Gaza»    Un infatigable défenseur du droit international et de la cause palestinienne    Attaf appelle à des actions « osées » pour sauver le multilatéralisme mondial    Les prix du litre d'huile d'olive flambent    Place de l'Europe et de l'Algérie au sein de l'économie mondiale    Le wali inspecte les chantiers de logements    Le Général d'Armée Chanegriha se rend à l'exposition des hydrocarbures et du gaz et à la 15e Brigade blindée au Koweït    Le MCA réussit sa sortie contrairement au CRB    Ligue 1 Mobilis : un match à huis clos pour l'ES Mostaganem    Trois membres d'une même famille sauvés d'une mort par asphyxie à Oued Rhiou    Journée d'étude organisée pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes    ASMO-USMBA et WAM-RR, têtes d'affiches du dernier tour régional    Ouverture de la 4e édition en hommage à Noureddine Saoudi    Le MET numérise ses publications    Le 8e Festival international de l'art contemporain s'ouvre à Alger    Le 192e anniversaire de la "moubaya'â" à l'Emir Abdelkader au centre d'une conférence historique à Alger    Hand/CAN-2024 dames (1re journée/Gr.A): l'Algérie s'impose face au Cap-Vert 20-16    ANP : reddition d'un terroriste à Bordj Badji Mokhtar et arrestation de 5 éléments de soutien aux groupes terroristes    Poursuite des efforts pour accompagner les détenus des établissements pénitentiaires et favoriser leur réinsertion sociale    Tennis de Table: l'Assemblée générale ordinaire de la fédération algérienne fixée au 29 novembre à Souidania    Association "3e millénaire" : trois artistes honorés à Alger    Vers le renforcement des relations militaires entre l'Algérie et le Koweït    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



C'est ma vie
Les sacrifices de Mahieddine
Publié dans Le Soir d'Algérie le 27 - 02 - 2016

Le dos voûté, les cheveux blancs, la voix à peine audible, Mahieddine regarde sa vigne. Il est triste. Cette année, elle n'a pas donné de fruits.
Trop fatigué, il ne s'en est pas occupé. Pourtant, il rêvait d'un jardin qui serait le compagnon de ses vieux jours. Mais la maison qu'il a construite de ses propres mains l'a épuisé.
Il a travaillé toute sa vie en thésaurisant dans le seul but de quitter l'ancienne demeure familiale où il occupait une chambre avec son épouse, ses vieux parents et ses treize enfants. Il se levait aux aurores pour se rendre à l'usine où il exerçait comme manœuvre. Il s'y rendait à pied et marchait 3 km, pour faire l'économie du transport. Il rentrait au crépuscule, harassé.
Il laissait à la mère de ses enfants quelques pièces qui lui permettaient tout juste d' acheter le litre de lait et la baguette de pain. Pour le reste, il fallait qu'elle se débrouille. Elle réussissait tant bien que mal à réunir ses enfants autour d'un plat de couscous sec afin qu'ils ne crient pas famine. Ceux qui peinaient à avaler le grain prenaient une rasade d'eau. Pour se rendre à l'école, les gamins avaient droit à une tenue d'été et une autre d'hiver, et puis le tablier cachait tout.
Les chaussures, c'est Mahieddine qui les choisissait. Il avait l'art de marchander. Il était réputé pour cela. Les filles ne posaient pas de problème pour notre patriarche, puisque dès qu'elles atteignaient l'âge de la puberté, il les enfermait à la maison en attendant le premier prétendant pour s'en débarrasser.
Elles n'avaient pas droit à la parole. Elles craignaient trop les coups de ceinture qu'il leur assénait si ses ordres n'étaient pas exécutés. La mère meurtrie, regardait, impuissante. Elle aussi n'échappait pas à ces châtiments. Elle acceptait pour éviter la répudiation, et se retrouver dans la rue avec ses enfants. Au fil du temps, il avait moins de bouches à nourrir. Infatigable, après une journée de travail éreintante, il se dirigeait vers le chantier, traînant son fils avec lui pour bâtir sa maison. Il voulait tout faire seul. Il refusait de s'encombrer d'un manœuvre, qui plus est, il devait payer. Son fils faisait parfaitement l'affaire et c'était gratos.
Les travaux forcés ont duré plus de 10 années au prix de dures privations et sacrifices. Pas de sorties, ni la moindre distraction, pour les garçons s'entend. La fratrie était cloîtrée à la maison : pas de dépense superflue. Les années passèrent, les enfants grandirent, les grands-parents moururent, les six filles furent casées, les garçons se marièrent, et la maison toujours inachevée. Son fils aîné a beau tenter de le convaincre de ne pas construire aussi grand, rien n'y fait. Son rêve c'était d'être propriétaire d'une maison mastodonte comme ses voisins qui le «narguaient». Son fils ne cessait de lui ressasser : «je n'habiterai jamais avec vous, je veux mon indépendance et quitter cette ville.» Le père, «têtu comme une mule» comme lui répétait son épouse, faisait la sourde oreille et ne prêtait aucune attention à ses paroles. Le jour J arriva, et le déménagement eut enfin lieu.
Le père, épuisé, abandonna. Il baissa les bras et n'eut aucune force à terminer ce qu'il avait entrepris. La maison, certes, fut habitée mais non achevée. L'argent manquait et l'énergie aussi. Les parents étaient seuls à emménager dans une immense habitation presque vide, dépourvue des commodités les plus élémentaires. Il refusera de placer un compteur de gaz, d'eau, car persuadé que les factures seraient trop chères. Ainsi, pas de salle de bains, de chauffe-eau, encore moins un chauffage pour affronter les hivers rigoureux de cette ville de la Mitidja. Il transportera des bonbonnes de gaz le restant de sa vie.
Il continuera à amasser le moindre petit sou en se privant de tout. Il ne voulait pas recevoir ses petits-enfants, trop nombreux. «J'ai marié tous mes enfants pour ne plus les nourrir, je ne vais tout de même pas, avec ma maigre retraite, nourrir les leurs.» Sa femme outrée, mais ne pouvant rien faire, tentait de convaincre ses enfants d'espacer leurs visites, et d'apporter leur pitance, histoire de le calmer. «Il vous acceptera mieux. Vous savez que personne ne pourra le faire changer d'avis.» Son fils le suppliait de vendre la maison pour vivre dans une autre plus petite avec tout le confort. «Vous vivez comme des zombis, ma mère souffre de ses rhumatismes en hiver et suffoque en été.»
Il avait pitié de sa mère qui souffrait, mais n'avait pas le courage de quitter son mari pour aller vivre avec son fils. «Je ne peux pas l'abandonner à cet âge, nous sommes vieux, que vont penser les gens de nous ? Si au moins il voulait venir avec moi. Sur cette question il est intransigeant. Je prie Dieu de me donner la force de terminer mes jours auprès de lui.»
Il mourut, sans terminer sa demeure, sans jouir du jardin dont il a tant rêvé, et sans manger à sa faim. Il léguera à ses enfants la maison de la discorde.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.