Elle n'en croyait pas ses oreilles lorsque la gynécologue lui annonça sa grossesse. Après dix années d'attente, Zahia aura l'enfant tant attendu. Un bonheur incommensurable que seule une femme qu'on a toujours traitée de stérile peut ressentir. C'est un garçon qui viendra égayer le foyer de Zahia et Rafik. Sofiane bouleversera la vie du couple. Elle n'avait d'yeux que pour lui, elle était aux petits soins : veiller à ce qu'il ait une nourriture équilibrée et une hygiène irréprochable. La moindre petite salissure sur le petit corps chétif était une source d'angoisse et de grosse inquiétude. Le moindre bobo et c'était la course aux meilleurs médecins de la ville. Zahia redoublera de vigilance lorsque bébé fait ses premiers pas. Elle ne laisse traîner aucun objet susceptible de constituer un danger pour lui. Les détergents sont mis sous cadenas, les prises électriques camouflées des barrières installées aux portes de la cuisine et de la salle de bains ; bref, tout un arsenal préventif a été mis en place pour éviter toute mauvaise surprise. Ainsi, Maman croyait que Sofiane était protégé de tout, jusqu'au jour fatidique où par une belle soirée d'été la petite famille qui baignait dans l'enchantement a décidé de dîner sur la terrasse. La table était bien garnie et Sofiane, assis par terre jouait tranquillement avec ses legos. Zahia tout en servant le repas ne le perdait pas de vue. Le papa se lève de table rassasié et se retire dans sa chambre pour fumer une cigarette. Sofiane le suit. Tout en débarrassant la table, Zahia appelle son époux à la vigilance : «Aie l'œil sur Sofiane, il est derrière toi !» Rafik la rassure. Mais il a fallu une fraction de seconde, le temps de mettre la télé en marche pour que bébé, qui furetait sous la table de nuit, tombe sur une petite bille qu'il s'empresse d'avaler. Le gémissement de l'enfant fait sursauter le père qui avait le dos tourné. Sofiane, les yeux exorbités, étouffe. La maman se précipite dans la chambre, elle s'affole à la vue de son enfant et s'affale sur le sol. Le mari avec sang-froid tente d'extraire le corps étranger, mais n'y parvient pas. Le bébé devient bleu. La mère pleure toutes les larmes de son corps. Elle le prend dans ses bras. Il demeure immobile. Terrifiée, elle appelle Réda. «Il faut absolument le conduire à l'hôpital !» Zahia serre son enfant dans ses bras et court vers la voiture. Elle somme son mari de rouler vite. «Allume les feux de détresse et fonce !» Elle implore Dieu de maintenir en vie son bébé. A quelques pas du service des urgences, Sofiane a un haut le cœur. Elle n'entend plus sa respiration. Elle pousse un cri de douleur qu'on entend de l'intérieur du pavillon. Médecins et infirmiers se précipitent dehors. Ils accourent vers la mère et prennent l'enfant, en direction de la salle de réanimation. Mais il est déjà trop tard. Sofiane est mort en cours de route. Zahia hurle, se tape le visage. Elle perd connaissance. A son réveil, elle se retrouve chez elle, pleurant son fils. Sofiane est allongé au milieu de la salle de séjour. Elle ne réalise pas pourquoi la maison s'est transformée en domicile mortuaire, avec toute cette foule venue lui présenter ses condoléances. «Cela fait cinq ans que Sofiane n'est plus et Zahia n'a pas encore fait son deuil. Elle a perdu son fils et quitté son mari. Elle ne lui a jamais pardonné sa négligence. Depuis, sa vie s'est arrêtée», raconte Saliha, sa sœur.