Vladimir Poutine a annoncé, lundi, le retrait, en partie, de ses troupes en Syrie, engagées depuis six mois dans ce pays. L'annonce est intervenue alors que débute un nouveau round des négociations à Genève qui regroupent les représentants de Bachar Al-Assad, et ceux de la myriade de groupes d'opposition et ce, sous l'égide de l'ONU. Le moins que l'on puisse dire est qu'encore une fois, le Président de la Fédération de Russie a pris de court tout le monde et notamment l'opposition et les pays occidentaux sous l'égide desquels ces négociations se déroulent. Celles-ci prendront, sans aucun doute, une tournure nouvelle. Les premières réactions à cette décision sont dubitatives, chaque partie s'interrogeant sur ce que cache Poutine avec ce soudain retrait partiel. «La tâche qui avait été demandée à notre ministre de la Défense et aux forces armées a été globalement accomplie et j'ordonne donc au ministre de la Défense d'entamer à partir de demain (mardi, ndlr) le retrait de la majeure partie de nos contingents militaires de la République arabe syrienne». Ce sont les termes de Poutine qui précise d'abord que ce retrait se fait avec l'accord du Président syrien et que, toutefois, une présence aérienne serait maintenue sur la base navale d'Ehmeimim, dans la province de Lattaquié, et une autre dans le port de Tartous, pour contrôler le cessez-le feu. Depuis son engagement en septembre 2015 en Syrie, les avions d'attaques au sol, les bombardiers et autres hélicoptères ont effectué de très nombreux raids aériens contre les positions terroristes. L'armée russe a même eu à tirer depuis des navires de guerre déployés dans la mer Caspienne ou de sous-marins en mer Méditerranée. Cet apport russe a permis à l'armée Syrienne, en très mauvaise posture alors, d'enregistrer des victoires sur les positions des terroristes, alors que les Etats-Unis comme la France avaient, notamment au début de l'implication de l'armée russe, reproché à l'armée de Poutine de viser davantage l'opposition à Bachar Al-Assad pour maintenir ce dernier au pouvoir, plutôt que l'organisation Etat islamique. En février dernier, Russes et Américains se sont entendus sur un cessez-le feu entre Al-Assad et son opposition, excepté l'Etat islamique et Al-Qaïda. Le cessez-le-feu est toujours en vigueur et depuis quelques heures, le nouveau cycle de négociations est repris à Genève et la Russie a commence hier le retrait partiel de ses troupes. Pourquoi cette décision de retrait et pourquoi maintenant ? s'interrogent les observateurs. Trois hypothèses sont émises. Poutine veut peser sur les négociations du Lac Léman et prendre toute sa part dans l'aboutissement recherché, à savoir mettre un terme au conflit et trouver un accord sur une transition politique par la mise en place, dans les six mois, d'un organe de transition doté de tous les pouvoirs. Tout le problème réside toutefois dans le fait que l'opposition syrienne, représentée par le Haut-Comité des négociations, tient toujours à exclure Al-Assad dans cette transition alors que pour Damas, il est hors de question d'envisager cette transition sans Al-Assad. Cette première hypothèse consisterait, pour Poutine, à peser de tout son poids pour faire reculer cette exigence de départ du Président syrien que ni l'opposition ni les Etats-Unis et la France ne veulent, y compris dans une étape transitoire. La deuxième hypothèse est celle qui consiste pour Poutine à passer d'un rôle militaire de soutien à Al-Assad à un rôle politique, diplomatique intense et fort, faisant de ce retrait annoncé un gage pour le futur en cas de succès des négociations permettant au premier responsable russe de faire noter que son retrait demandé par les pays occidentaux a permis de contribuer grandement à la solution du conflit. La troisième hypothèse, celle la moins partagée, est que Poutine n'a pas l'intention de s'éterniser en Syrie ni de voir ses troupes s'y enliser – n'avait-il pas d'ailleurs annoncé dès son engagement qu'il n'y resterait pas éternellement ? — et que ce retrait soudain serait un avertissement à son protégé Al-Assad, pour qu'il cède et qu'il laisse sa place à un gouvernement de transition qui agréerait partis de l'opposition et pays occidentaux. En tout cas, au-delà de la surprise créée par la décision de retrait des troupes de Poutine, ce dernier revient en force non seulement dans les négociations de Genève, mais préserve, par le reste de ses troupes annoncées restantes en Syrie, l'idée qu'il reste maître dans la région et qu'aucune solution ne peut être décidée sans lui. Ceux qui émettent cette hypothèse ne prennent cependant pas en compte le fait que Poutine n'a pas retiré toutes ses troupes, mais une partie, celle restante étant l'épée de Damoclès à la tête de tous ceux qui comptent obtenir des résultats en éliminant Al-Assad.