Invité par le Café littéraire de Béjaïa, Arezki Metref, journaliste , écrivain et dramaturge, a présenté dans l'après-midi de samedi au Théâtre régional de Béjaïa sa nouvelle publication intitulée La traversée du somnambule parue aux éditions Koukou. Dans ce recueil de chroniques parues dans Le Soir d'Algérie, l'auteur convie le lecteur à un voyage dans la littérature, à travers les écrivains qu'il a rencontré, ou croisé, entre autres en France, en Allemagne, en Egypte et en Algérie. Des multiples rencontres avec Milan Kundera, Jules Roy, Derrida, Naguib Mahfoud, André Chouraqui, Assia Djebar, Malek Alloula, George Conchon ... Mais aussi, peut-être des rencontres imaginaires, d'où le «mentir-vrai», ce concept emprunté à Aragon définissant la littérature. «Un recours à la fabulation pour dévoiler le réel, l'usage de l'imaginaire pour confondre la réalité. J'ai tôt fait de le lui emprunter pour transfigurer des chroniques hebdomadaires de presse en série littéraire comme l'ont fait avec maestria certains écrivains-journalistes, et notamment bien sûr Gabriel Garcia Marquez. Dans l'imaginaire, il y a un gisement de merveilleux qui ne demande qu'à venir à la rescousse du jour affadi. Le télescopage entre le passé et le présent, le réel et l'imaginaire, le mensonge et la vérité génère une palette de visions que j'ai pris plaisir à partager avec le lecteur. Au fil des semaines, je me suis aperçu que la chronique, ce compromis immémorial entre journalisme et littérature, était en fait une œuvre à part entière débitée en séquence à la manière mutatis mutandis, des feuilletons littéraires du XIXe siècle. Dans la présentation de son livre, l'auteur avoue aussi une dette envers Borges qui lui a fait découvrir la douleur mêlée à l'infini plaisir que l'on éprouve à édifier des histoires courtes avec des personnages puisés dans l'imaginaire. Qu'y a-t-il de vrai, là-dedans ? Rien. Tout. L'un et l'autre confondus dans la grande illusion de la transfiguration. Les mots ont un revers... poursuit l'auteur. Ces balades dans le mentir/vrai dressent aussi le portrait d'une génération, celle de ces Algériens qui, au pire moment d'enfermement dans l'Algérie des casernes et des mosquées, franchissaient les frontières physiques et mentales pour aller à la rencontre d'un livre ou d'un écrivain», lit-on sur la couverture du livre. Devant un public nombreux, l'auteur a préféré faire «confiance» au débat avec les lecteurs pour parler de son livre. Un débat qui a finalement tourné plus vers l'actualité politique. «Je ne m'attendais pas à parler plus politique que littérature mais je vais quand même répondre», lance l'auteur en réponse aux interrogations de certains intervenants sur ses positions par rapport notamment à la polémique ayant suivi la tribune de Kamel Daoud au lendemain des événements survenus la nuit de Noël à Cologne ou encore les attentats terroristes contre Charlie Hebdo à Paris. «Je me sens complètement solidaire avec Kamel Daoud mais en même temps par rapport à cette histoire de Cologne, je ne suis pas tellement sûr que toute la mesure a été prise dans l'appréciation de ce qui s'est réellement passé. S'agissant des attentats du 10 janvier, j'ai écrit une chronique sur Le Soir d'Algérie à travers laquelle je me disais que «je suis Charlie mais pas seulement» en rappelant les sanglants évènements vécus 20 ans avant dans notre chair en Algérie qui n'ont pas enregistré la même solidarité. Et pire, en France où je me trouvais à l'époque, certains journalistes nous suspectaient en dénonçant ces actes terroristes d'être au service du régime et des généraux», a expliqué en substance Arezki Metref. Un autre intervenant s'est interrogé si La traversée du somnambule n'est pas aussi une invitation à (re)lire de grands textes romanesques qui ont été pour l'auteur des rencontres marquantes et un agréable voyage dans la littérature universelle. Dans les débats, l'auteur est revenu aussi sur sa rencontre au Caire avec Naguib Mahfouz à la fin des années 1970 alors qu'il venait de recevoir le prix Nobel de littérature ou encore sa première rencontre avec Gabriel Garcia Marquez à son retour d'un voyage à La Havane. A la fin de la rencontre, l'auteur s'est livré à la dédicace de son dernier livre. Il faut dire que nombre de présents sont repartis déçus pour n'avoir pas reçu de dédicace du journaliste et écrivain pour manque de livres. Il faut aussi souligner qu'en première partie de la rencontre-dédicace de Arezki Metref, un hommage a été rendu par le Café littéraire à Jean El-Mouhoub Amrouche, poète, écrivain, journaliste et patriote décédé le 16 avril 1962. Pour ce 54e anniversaire de la disparition de Jean El Mouhoub Amrouche, un homme à la grande dimension humaine, les animateurs du Café littéraire ont saisi cette occasion pour faire connaître son parcours et son œuvre en faisant écouter certains de ses poèmes déclamés sur fond sonore de la voix sublime de sa sœur Taous.